Ph., G.AdC
marzo, notte
« Nel solco di meli duri che scava la settimana di marzo
con lo sguardo al muro di cucina
dove ho inchiodato un verso mai finito che leggo e leggo
trascinandomi acqua sulle dita.
Nell’alba spezzata dalla sete, quando corro sul pavimento
e nell’oscurità non riconosco le stanze, ma incido
- con la stessa mano che forse mi sbarrerà l’orecchio nel
dolore - lettere immense lungo le pareti. »
Antonella Anedda, Notturni, in Notti di pace occidentale, Donzelli Poesia, Donzelli Editore, 1999, p. 51.
mars, nuit
« Dans le sillon de pommiers durs que creuse la semaine de mars
le regard rivé au mur de la cuisine
où j’ai cloué un vers jamais fini que je lis et relis
en traînant derrière moi mes doigts mouillés.
Dans l’aube brisée par la soif, quand je cours sur le carrelage
et dans l’obscurité je ne reconnais pas les pièces, mais je trace
- de cette main qui peut-être me bouchera l’oreille dans la douleur -
d'immenses lettres tout au long des murs. »
Traduction inédite de Angèle Paoli. Avec mes remerciements à Philippe Di Meo pour son aimable relecture et ses conseils. *
* Les Notturni ne sont pas présents dans Nuits de paix occidentale, L’Escampette Editions Poésie, 2008. Traduit de l'italien par Jean-Baptiste Para.
NUITS DE PAIX OCCIDENTALE
« La force d’un livre comme Nuits de paix occidentale semble tenir à une tension toujours renouvelée entre un souci de réserve pudique, de loyale retenue, où le chant révèle sa part d’ombre et de silence, et un élan profond, une ardeur immédiate dans le don de soi, dans l’incandescente offrande de parole. Si les poèmes d’Antonella Anedda font penser à un tissu sans couture, mais brûlé ou lacéré par endroits, c’est qu’ils font place à la fois à la scène de l’intime et à la scène de l’Histoire, à l’élégie et à la tragédie, à la force nue de l’amour et aux forces armées de la violence. Leur modulation, idéalement continue et pérenne, n’en est pas moins soumise à d’implacables déchirures par la contingence ou les terribles lois de nécessité. »
Jean-Baptiste Para, « Basse Lumière », avant-propos de Nuits de paix occidentale, L’Escampette Editions Poésie, 2008, page 5.
Beau texte et pensée originale... Pensée du corps (et du "moi-peau"- enveloppe psychique - concept cher à Didier Anzieu) que cette écriture murale qui peut résonner jusqu'à assourdir, depuis la paroi, où la main l'a tracée.
C'est d'ailleurs curieux : cela rappelle le célèbre : "Mene, Mene, Tekel, Upharsin" inscrit sur les murs du palais royal de Balthazar, le fils tristement célèbre du roi Nabuchodonosor.
Pour la photo de Guidu qui l'illustre, c'est "Libertà" que l'on peut lire, à peine lisible sous le message de révolte ! : se non è vero, è ben trovato !
Comme quoi les poètes connaissent et retrouvent parfois des gestes symboliques initiaux pour dire comment notre inconscient fomente le réel...
Rédigé par : cyrnea | 30 mars 2007 à 11:43
Cyrnea,
Je n'ai pu m'empêcher de faire un lien sur Le Festin de Balthazar de Rembrandt. Une toile de 1635 conservée à la National Gallery de Londres.
Rédigé par : Webmestre de TdF | 30 mars 2007 à 19:20
Tu sais, Anghjula, on a publié un nouveau livre de Antonella Anedda, Dal balcone del corpo, ed. Mondadori, mais j'ai trouvé ces poèmes au-dessous des autres ; le langage est moins vif, peut-être un peu fatigué. Lis cette dernière publication, Anghjula, je voudrais connaître ton avis.
Blumy
Rédigé par : Blumy | 31 mars 2007 à 17:59
Merci, blumy, pour cette information (d'autant plus intéressante que plusieurs traducteurs en France sont en train de "plancher" sur les recueils de Anedda). Je vais me procurer cet ouvrage. Sais-tu ce qui m'intrigue le plus ? Le changement d'éditeur... Comme si il y avait, derrière tout ça, une volonté de passer dans la cour des grands (Eugenio Montale, Amelia Rosselli,...) => "la prestigiosa collana di poesia «Lo Specchio» "
Rédigé par : Angèle | 31 mars 2007 à 18:46
=> Cyrnea "Comme quoi les poètes connaissent et retrouvent parfois des gestes symboliques initiaux pour dire comment notre inconscient fomente le réel..."
Quelle perspicacité et quelle justesse d'analyse ! Angèle et moi commentions précisément sous cet angle les deux vers suivants d'Anedda :
"dove ho inchiodato un verso mai finito che leggo e leggo
trascinandomi acqua sulle dita"
Vers littéralement intraduisibles. Comment comprendre ce rapprochement entre "dite" et acqua" sans avoir à l'esprit l'ouvrage de l'Américain Meritt Ruhlen L'Origine des langues, qu'a très sûrement lu Anedda, ne serait-ce qu'en tant qu'universitaire et linguiste ? Où il est notamment dit que les mots tik (« doigt ») ou aq'wa (« eau » => Eve) seraient au nombre des premières monosyllabes qu'auraient prononcées l'homme, monosyllabes attestées dans trente-deux familles de langues ou de proto-langues ?
Rédigé par : Yves | 31 mars 2007 à 23:55
Le premier jour,
C’étaient les doigts
Qui s’enroulaient dans l’eau
Et le deuxième,
Ce furent deux chiens
Qui prirent mot
Et le troisième
Forma bouche
Et forma femme et forma peau
Mais bien avant, peau contre peau
S’échangeaient des secrets!
Et sur le front
Lignes tracées
Des milliers d’années
Avant d’être dites
Parlaient sans mot
Mais avec souffle
La langue d’Homme
Rédigé par : Emilie Delivre | 01 avril 2007 à 17:24
Chers amis,
je suis d'accord avec ce qu'une main fantomatique a écrit sur ce beau mur bleu. Une belle photo bleu-nuit ! Merci Guidu.
Je l'enverrai à Sam Beckett... tout là-haut.
Rédigé par : serge Venturini | 01 avril 2007 à 18:39