Le 14 février 1779, le navigateur James Cook trouve la mort à Hawaï, au cours de son troisième voyage (1776-1780).
DEPUIS QUELQUE TEMPS DÉJÀ...
...les incidents ne cessent de se multiplier dans la baie de Karakakoua. Le Resolution commandé par le capitaine James Cook et le Discovery commandé par le capitaine Charles Clerke viennent de quitter les abords de l’île, lorsqu’une terrible tempête, endommageant gravement le mât de misaine du Résolution, oblige les deux équipages à faire demi-tour. Le 7 février, les navires jettent à nouveau l’ancre dans la baie. Déclarée tabou par Tirrïobou, le chef de l’archipel, la baie est déserte. Et Tirrïobou est absent. Un premier affrontement oppose les Britanniques et les naturels. Malgré les efforts déployés pour calmer le jeu, la tension ne cesse de monter. Le 13 février, James Cook, très inquiet, déclare à James King, second lieutenant à bord du Resolution : « Je crains bien que ces gens ne me forcent à des mesures violentes, car il ne faut pas leur laisser croire qu’ils ont pris l’avantage sur nous. »
Le 14 février, d’autres incidents mettent le feu aux poudres. Notamment le vol « d’un cutter amarré à une bouée » dont Cook échoue à obtenir la restitution. Un nouvel accrochage se produit alors, qui se termine dans un bain de sang. Voici le récit qu’en fait James King, qui dut prendre le relais du manuscrit de Cook :
LA MORT DE COOK : RÉCIT DE JAMES KING
« Les hommes montés sur les bateaux qui étaient placés en travers de la baie tirèrent sur quelques pirogues qui essayaient d’en sortir, et tuèrent malheureusement un chef du plus haut rang. La nouvelle de sa mort arriva au village où se trouvait le capitaine Cook au moment où il venait de quitter le roi et s’acheminait lentement vers la mer. Le mouvement que cette nouvelle souleva fut très apparent, on renvoya les femmes et les enfants, et les hommes revêtirent les nattes de combat et s’armèrent de piques et de pierres. Un des naturels, muni de pierres et d’une longue pique en fer, s’avança vers le capitaine Cook en brandissant son arme pour le défier (…) Le capitaine le pria de cesser ses menaces, mais l’homme s’obstina à le provoquer avec insolence, et le capitaine finit par tirer sur lui une charge de menu plomb. Comme l’homme était protégé par sa natte, dans laquelle ces projectiles ne pénétraient pas, le seul effet fut de tous les irriter et les encourager à continuer. Ils jetèrent plusieurs pierres aux soldats de marine, et l’un des iris [chefs] essaya de transpercer Monsieur Philipps (le commandant des soldats) avec sa pique, mais n’y réussit pas et reçut de lui un coup de crosse. Le capitaine tira alors à balle et tua l’un des plus considérables parmi les naturels. Une attaque générale à coups de pierres s’ensuivit aussitôt, à laquelle les soldats répondirent par une décharge de mousqueterie. Les insulaires, contrairement à toute attente, subirent le feu avec beaucoup de fermeté, et sans que les soldats de marine eussent le temps de recharger leurs armes, ils se précipitèrent sur eux avec des cris et des hurlements terribles. Ce qui suivit alors fut une scène effroyable de carnage et d’horreur.
Quatre de nos soldats postés sur les rochers se virent couper leur retraite, et furent immolés à la fureur de l’ennemi ; trois autres furent grièvement blessés, et le lieutenant, qui avait reçu un coup de pique entre les épaules, tua l’homme qui l’avait blessé à l’instant où il allait renouveler son attaque. Notre infortuné commandant, la dernière fois qu’on le vit distinctement, était debout au bord de l’eau et criait aux chaloupes de cesser le feu et d’approcher du rivage. S’il est vrai, selon plusieurs témoins, que les soldats de marine et l’équipage de chaloupe avaient tiré sans son ordre, et qu’il voulait éviter de nouvelles effusions de sang, il se peut que ce soit ses sentiments d’humanité qui lui aient coûté la vie. Car on remarqua que tant qu’il faisait face aux naturels aucune violence ne fut exercée sur lui, mais dès qu’il eut tourné le dos pour donner ses ordres aux bateaux il fut poignardé par derrière et tomba le visage dans la mer. En le voyant tomber, les insulaires poussèrent un cri général, et tirèrent aussitôt son corps sur la grève où ses ennemis le cernèrent en nombre ; s’arrachant les uns aux autres leurs dagues, chacun s’acharna avec une ardeur sauvage à participer au meurtre.
À bord, on ne pouvait croire que Cook avait été tué. James Trevenan, midshipman sur le Resolution se fait l’écho du sentiment commun quand il écrit : « Du fait que nous avons été (moi et tant d’autres) habitués si constamment à voir en lui notre bon génie, notre guide sûr, et une sorte d’être supérieur, je ne pouvais me résoudre à penser, je ne l’osais point, qu’il avait pu tomber aux mains de ces Indiens sur l’esprit et le corps desquels il avait accoutumé d’exercer un empire non disputé. » Paradoxalement, les Hawaïens eux-mêmes continuèrent à tenir Cook pour leur dieu, et donc immortel. »
Jacques Brosse, Les tours du monde des explorateurs, Bordas, 1983, page 72.
Retour au répertoire de février 2007
Retour à l' index de l'éphéméride culturelle
Retour à l' index des auteurs
Retour à l' index de mes Topiques
Classe ton site, merci, beaucoup plus complet que wikipédia
Rédigé par : irla | 04 novembre 2010 à 11:44