Le K B 7
Hélène Bessette, Hélène Bessette, Hélène B. 7
B7 Pennemunde ? Weapon B7 ?
Fusée ? Martèlement ?
Son nom de B7 sous toutes les plumes.
Nuit du 21 septembre . Surpris par la nuit.
Avez-vous lu Hélène Bessette ?
Il faut lire Hélène B.7. À tout prix !
N’avez-vous pas lu LNB7 ?
Comment se fait-il qu’elle ait été oubliée ?
« Ėcrivain majeur ! »
« Littérature vivante »
« Enfin du nouveau » !
Prix Cazes en 1953.
Et pourtant ! E pur !
Oubliée, Bessette, étrangement oubliée ! infiniment oubliée !
Mise au rebut par d’éminents lecteurs d’éminentes maisons d’édition !
Gallimard en tête !
B7 B7 B7.
Ohimé ! Trois fois Ohimé !
Il faut réparer.
Réparer cet oubli, sans tarder !
Je me précipite chez mon libraire. Vu le battage médiatique, je pensais trouver une réédition des œuvres complètes de Bessette !
Erreur ! Un titre, un seul !
Le Bonheur de la nuit.
Un beau titre, plein de promesses.
Un titre à la Barnes. Un titre à la Djuna.
Un titre qui chante.
Avec cela, en première de couv, un petit minois prometteur.
Mutin à souhait.
Une quatrième de couv très prometteuse elle aussi.
Alléchante.
Avec des référents d’autorité !
Bernard Noël. Pour la postface.
Et deux citations.
« La littérature vivante, pour moi, pour le moment, c’est Hélène Bessette, personne d’autre en France. » Signé Marguerite Duras.
« Un des auteurs les plus originaux de ce temps. Enfin du nouveau. » Signé Raymond Queneau.
Comment résister à ce tiercé gagnant ? Je ne résiste pas. J’achète Le Bonheur de la nuit, ROMAN. Réparer l’oubli, vite vite. En chemin je m’interroge sur l’expression de Marguerite Duras, « Littérature vivante ».
Je tourne
et retourne l’expression dans ma tête.
Je saurai en lisant.
Dès la lecture du prologue, je comprends que le roman de B7 s’inscrit sous le signe de la folie. Une folie selon Breughel. L’Ancien.
« Humanité aux Portes
aux Portes de la folie ».
Soit.
« Soit pour entrer. Soit pour sortir »
Un roman placé sous le signe de l’
« Erreur.
Paysage de glace ».
Folie, écroulement du monde, erreur. L’erreur est partout. « Pour tout dire le roman tient dans cette erreur historique ». La « monogamie pesante. » Voilà pour l’intrigue. Mais pas seulement. Ceci n’est pas un roman. C’est un roman qui hésite. Sur son sexe. Roman ? Théâtre ? Poésie ? Ni vraiment l’un ni vraiment l’autre genre. Moins encore le troisième genre. Un roman qui se voudrait théâtre, qui hésite sur un choix, qui dit « l’instant du choix ». Un choix qui ne se fait pas. Qui refuse ce choix. « Le moment théâtral ». Définition.
Et le roman ? « Le roman comme récit d’une crise ». Quelle crise ?
Crise du couple.
Crise de la famille.
Crise des valeurs.
Crise de la hiérarchie sociale.
Crise du personnage. Qui est qui ? Qui fait quoi ? Qui veut quoi ? Se marier, divorcer, se marier puis divorcer, s’aimer, se tromper. L’erreur, toujours.
Se tromper.
D’amants, d’amours, de femmes. Madame, La Soubrette, Monsieur. La Marquise et Chérie. Chérie et Nata. Chérie La Soubrette et Nata l’apocopé. Envie de dire Nata le castré. Nata de Nathanaël. « Te le dirai-je ?». Envie de jeter mon livre et de battre la campagne. Masques imbéciles. Grimaçants, façon Ensor. Insupportables girouettes. Pantins désarticulés. Pantins avec hystérie.
Individuelle. Collective.
L’une ou l’autre ?
L’une et l’autre.
Alternativement et simultanément.
Généralisée, l’hystérie, d’un bout à l’autre. Pas de répit dans l’hystérie. Crise avec hurlements, portes qui claquent, grincements de dents, Cris et chuchotements, cris et pleurs, ruptures, retrouvailles puis ruptures encore. Puis retrouvailles à nouveau. Des cris, de la bagarre, des « petits meurtres entre amis ». Du tumulte, avec police en vue.
« Une nuit feutrée, propice aux confidences », dit un article de L’Humanité !
Nuit feutrée ? Perplexité.
Je cherche.
J’attends, la nuit. Patiemment. Je ne vais tout de même pas faire une lecture buissonnière, une lecture à la Pennac !
J’attends. La nuit, toujours. Patiemment. Le bonheur annoncé par le titre qui m’a poussée à acheter le livre.
Attente doublement déçue.
Pas de bonheur et pas de roman.
Crise du roman (voilà le nouveau !)
Avec crise de l’intrigue, forcément !
« coucher avec une femme est mon programme spirituel » déclare Nata de Natanaël.
Deus ex machina de la crise et nombril du roman !
Crise du personnage, forcément aussi (nouveau nouveau !!)
Crise du langage (encore du nouveau nouveau nouveau !!!)
Style haché. Minimal. Sujet verbe complément. Pas de fioritures. Quelques jeux de mots émaillant le texte.
« Langage morne de caractériels ».
Dialogues de théâtre. Voir la mise en forme théâtrale du texte. Agaçante, infiniment !
Stichomythies. Hémorragiques. Entrecoupés de didascalies. Hémorragiques, elles aussi.
« Œil allumé.
Mèches de cheveux répandues sur le visage des
Dames aguichantes et sexy au possible.
Doudou rayonnante »
Clichés de la conversation courante et lieux communs (encore du plus que nouveau !)
- « Elle a de l’Argent. Affirme Monsieur, voix enflée.
- Elle ne m’épouse pas pour mon argent. (n’admet pas de réplique)
- C’est une chance particulière, il faut en convenir.
- À ce moment la Marquise élève la voix :
- J’ai dit au garagiste : « Mais, Monsieur, si j’ai acheté une voiture c’est pour m’en servir. »
Passionnant. Époustouflant ! Le moyen d’en disconvenir ?
Une écriture au scalpel. Écriture qui « tranche, découpe ». Écrit Bernard Noël dans sa postface.
Une écriture « qui n’a de souci que d’être rapide, efficace, pratique ». Qui « ne s’arrête pas, ne développe pas, n’habille pas ».
Une écriture de la modernité, alors ? Sans doute, puisque Hélène Bessette l’écrit !
« Monsieur Nata est le mari moderne.
Tout simplement.
La mentalité de souteneur du mari moderne.
Qui ne peut supporter sa putain de femme moderne. À crises modernes.
Le mot "moderne" très élastique. Lourd de tous les vices dernièrement admis, promus, reconquis, montés en grade.
C’était des gens modernes.
Voici toute l’histoire ».
Soit. Mais que reste-t-il au bout du compte, une fois refermé le livre ? Que reste-t-il de cette « littérature vivante », de cette originalité, de cette modernité ? Le rire de la comédie ? Non.
Pas même « le rire incertain. Près des larmes ».
Ce qu’il reste ? L’impression d’un énorme montage médiatique ! Et un agacement total, une irritation insupportable, un insoutenable prurit, un désir de révolte généralisé. Oui ! C’est ça, avec envie de jeter le « bonheur » aux orties et l’assommante « modernité » avec ! Et au-delà ? Une fois surmontée la crise ? Pas grand-chose. L’idée d’une subversion du roman par le théâtre. Mais encore ? Presque rien. C’est peut-être cela que voulait Hélène Bessette, au bout du compte.
Pas même Le Plaisir du texte ?
Non, pas même.
Rien, alors ?
Non. RIEN.
RIEN fors L'EN-NUIT.
Angèle Paoli
D.R. Texte angèlepaoli
Hélène Bessette, Le Bonheur de la nuit, Éditions Léo Scheer, Collection Laureli dirigée par Laure Limongi, 2006.
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Angèle, tu n’es pas la seule à avoir un point de vue mitigé sur Hélène Bessette. Lis par exemple la conclusion de l’article d’Agnès Vaquin dans La Quinzaine littéraire (n° 931. Du 1er au 15 octobre 2006. Page 5) : « Une seconde chance pour Hélène Bessette » :
« […] pourquoi la lecture du Bonheur est-elle aussi difficile ? On est d’abord tenté d’incriminer l’écriture. Un poème, on l’aime comme un support de rêve. Admettons que ce soit le résultat d’un conditionnement culturel regrettable, mais une écriture « poétique », quelles que soient ses qualités, énonce mal l’affligeante banalité de ces marionnettes qui nous jouent sur près de deux cent cinquante pages le plus vieux vaudeville du monde. Et que penser d’une humanité réduite à l’état de fantoches : « Ombres informes./Breughel mornes » ? Si l’on considère que le sexe, l’alcool et l’argent font tourner le monde, cela n’est peut-être pas faux, mais comment se contenter d’une vision aussi simpliste et aussi noire ? […]
Son œuvre va-t-elle bénéficier d’une seconde chance ? On a quelque peine à y croire, mais une réédition réserve parfois des surprises. »
Attendons donc la suite…
Rédigé par : Yves | 21 février 2007 à 15:33
Agnès Vaquin risque d'être surprise. La suite, c'est "maternA", à paraître en mai, où il sera démontré que LNB7 est effectivement un K.
Rédigé par : HB | 15 mars 2007 à 23:10
Risque ??? Menace ??? Le danger est-il si grand ?
« A chaque page,
le même visage.
A chaque verso
la même photo.
(Mono)tone.
Fastidieux.
Atroce.
Quand cela dure deux cents pages.
Quand cela dure deux ans de temps.
Et chaque jour comme une page
Chaque nuit comme un recto.
[…]
Le metteur en scène manque d’imagination. »
Hèlène Bessette, maternA (extrait)
Rédigé par : Yves | 16 mars 2007 à 00:33
Une question se pose, insistante : dans cette reconnaissance brisante des plus grands auteurs, et, a contrario, la désaffection sinon l'exaspération du grand public : Le Bonheur de la nuit et tant d'autres textes de H. Bessette ont l'éclat infini et nocturne du RIEN, une révolte radicale contre les bigoteries littéraires. Ce rien qui est pourtant la source de l'E-cri(s); des véritables écritures rétives aux complaisances. Une source difficilement accessible et insoumise aux conventions du sens commun : littéralement INCONSOMMABLE.
RIEN écrit-elle en grand sur une page; rien que le refus : “ Le négatif est un gladiateur en carton; le premier chien venu le renversera, mais il n’aura rien à manger ”(Alain Rivière).
"Je les soupçonne de ne la digérer que déjà accommodée à la sauce de sa propre sécrétion : je parle de quelque chose comme la littérature littéraire". Marguerite Duras, article paru dans L’Express, le 21 janvier 1964.
Rédigé par : Alphea | 16 mars 2007 à 08:19
Je pense en effet que Hélène Bessette a sa vraie place aujourd’hui (en tant que phénomène littéraire) dans les salons littéraires, ces lieux germanopratins (ces lieux mêmes qui l'ont rejetée en tant qu'écrivain) où l’on parle d’autant mieux des livres que l’on a acquis cette expertise de briller dans l’art consommé du Non-Lire. Qui est aussi un art du savoir-vendre. Je parle d’expérience pour avoir fréquenté pendant vingt ans la Foire du Livre de Francfort.
Sur ce sujet, je suggère de se reporter au très bel article du blog à l’austérité toute debordienne : In girum imus nocte et consumimur igni : « Pierre Bayard – Comment parler des livres que l’on a pas lus ? » A l’envers et à l’endroit évidemment, comme pour tout bon palindrome.
Rédigé par : Yves | 16 mars 2007 à 11:18
Et dans un climat de peur. Tout ce beau monde rigole. Et les enfants sourient.
Voilà les bonnes habitudes les bonnes manières pour les enfants. L'expérience de la vie qu'il faut transmettre à ses enfants.
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C'est gentil de publier et faire connaître quelques livres de Bessette .. mais pourquoi publier au compte-gouttes une oeuvre qui développe des idées ? Pourquoi des post-face ridicules quand l'auteur moquait les commentaires et les critiques littéraires ? Pourquoi diable écrire une biographie, quand l'oeuvre est une autobiographie poétique très détaillée, choisissant de relater certaines choses et pas d'autres ? Pourquoi insister sur la pauvreté et la "paranoïa" de l'auteur ?
Rédigé par : g. r. | 13 septembre 2008 à 19:26
Bonjour g.r.,
Compte tenu de mon peu d'appétence pour l'oeuvre d'Hélène Bessette, il me semble que je ne suis pas la bonne interlocutrice. Pourquoi ne pas vous adresser directement à une autre Bastiaise, http://www.leoscheer.com/blog/Laure-limongi>Laure Limongi, beaucoup plus concernée que moi ?
Amitiés cap-corsines,
Angèle
Rédigé par : Angèle | 13 septembre 2008 à 20:13