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Encore une pièce où il ne se passe rien », avait déclaré Beckett à la sortie de la Comédie-Française où il venait d’assister à une représentation de la
Bérénice de Racine !
Il y a soixante-deux ans, le dimanche 4 janvier 1953 avait lieu au Théâtre Babylone, 38, boulevard Raspail à Paris, la première représentation d’En attendant Godot de Samuel Beckett (1906-1989). Une pièce écrite en 1948 et publiée en 1952. Dans une mise en scène de Roger Blin et des décors de Sergio Gerstein. Avec Pierre Latour dans le rôle d’Estragon, Roger Blin dans celui de Pozzo, Lucien Raimbourg dans celui de Vladimir et Jean Martin dans le rôle de Lucky. Une pièce qui, selon Roger Blin, « a changé l’état du théâtre ».

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La pièce de Beckett s’inscrit dans la continuité thématique des romans Murphy (1938), Molloy et Mallone meurt (1951). Pièce du « refus », En attendant Godot met en scène la défaite du corps, la déconstruction du langage, la crise de l’identité et de la parole. Dès la première représentation, la pièce obtint un succès considérable. Elle met en scène deux couples de clochards déjantés dont la parole s’épuise dans le bégaiement. Et laisse le spectateur sidéré devant la béance du temps.
EXTRAIT d’EN ATTENDANT GODOT
« Entrent Pozzo et Lucky. Celui-là dirige celui-ci au moyen d'une corde passée autour du cou, de sorte qu’on ne voit d'abord que Lucky suivi de la corde, assez longue pour qu’il puisse arriver au milieu du plateau avant que Pozzo débouche de la coulisse. Lucky porte une lourde valise, un siège pliant, un panier à provisions et un manteau (sur le bras) ; Pozzo un fouet.
POZZO (en coulisse). — Plus vite ! (Bruit de fouet. Pozzo paraît. Ils traversent la scène. Lucky passe devant Vladimir et Estragon et sort. Pozzo, ayant vu Vladimir et Estragon, s'arrête. La corde se tend. Pozzo tire violemment dessus.)
Arrière ! (Bruit de chute. C'est Lucky qui tombe avec tout son chargement. Vladimir et Estragon le regardent, partagés entre l’envie d’aller à son secours et la peur de se mêler de ce qui ne les regarde pas. Vladimir fait un pas vers Lucky, Estragon le retient par la manche.)
VLADIMIR. — Lâche-moi !
ESTRAGON. — Reste tranquille.
POZZO. — Attention ! Il est méchant. (Estragon et Vladimir le regardent.) Avec les étrangers.
ESTRAGON (bas). — C’est lui ?
VLADIMIR. — Qui ?
ESTRAGON. — Voyons ...
VLADIMIR. — Godot ?
ESTRAGON. — Voilà.
POZZO. — Je me présente : Pozzo.
VLADIMIR. — Mais non.
ESTRAGON. — Il a dit Godot.
VLADIMIR. — Mais non.
ESTRAGON (à Pozzo). — Vous n’êtes pas monsieur Godot, monsieur ?
POZZO (d’une voix terrible). — Je suis Pozzo ! (Silence.) Ce nom ne vous dit rien ? Je vous demande si ce nom ne vous dit rien ?
Vladimir et Estragon s’interrogent du regard.
ESTRAGON (faisant semblant de chercher). — Bozzo... Bozzo...
VLADIMIR (de même). — POZZO...
POZZO. — PPPOZZO !
ESTRAGON. — Ah ! Pozzo... voyons... Pozzo...
VLADIMIR. — C'est Pozzo ou Bozzo ?
ESTRAGON. — Pozzo... non, je ne vois pas.
VLADIMIR (conciliant). — J’ai connu une famille Gozzo. La mère brodait au tambour.
Pozzo avance, menaçant.
ESTRAGON (vivement). — Nous ne sommes pas d’ici, monsieur.
POZZO (s'arrêtant). — Vous êtes bien des êtres humains cependant. (Il met ses lunettes.) À ce que je vois. (Il enlève ses lunettes.) De la même espèce que moi. (Il éclate d’un rire énorme.) De la même espèce que Pozzo ! D’origine divine !
VLADIMIR. — C’est-à-dire...
POZZO (tranchant). — Qui est Godot ?
ESTRAGON. — Godot ?
POZZO. — Vous m’avez pris pour Godot.
VLADIMIR. — Oh non, monsieur, pas un seul instant, monsieur.
POZZO. — Qui est-ce ?
VLADIMIR. — Eh bien, c'est un... c'est une connaissance.
ESTRAGON. — Mais non, voyons, on le connaît à peine.
VLADIMIR. — Évidemment... on ne le connaît pas très bien... mais tout de même...
ESTRAGON. — Pour ma part je ne le reconnaîtrais même pas.
POZZO. — Vous m’avez pris pour lui.
ESTRAGON. — C'est-à-dire... l’obscurité... la fatigue... la faiblesse... l’attente... j’avoue... j’ai cru... un instant...
VLADIMIR. — Ne l’écoutez pas, monsieur, ne l’écoutez pas !
POZZO. — L’attente ? Vous l’attendiez donc ?
VLADIMIR. — C'est-à-dire...
POZZO. — Ici ? Sur mes terres ?
VLADIMIR. — On ne pensait pas à mal.
ESTRAGON. — C’était dans une bonne intention.
POZZO. — La route est à tout le monde.
VLADIMIR. — C’est ce qu’on se disait.
POZZO. — C’est une honte, mais c’est ainsi.
ESTRAGON. — On n'y peut rien.
Samuel Beckett, En attendant Godot, Éditions de Minuit, 1952, pp. 28-31.

Samuel Beckett pendant une répétition d'En attendant Godot
à l'Odéon-Théâtre de France en avril 1961.
Mise en scène de Roger Blin.
Décors de Giacometti. Première le 3 mai 1961.
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La chaise d'Arthur et de Guidu ne prendrait-elle pas des airs mackintoshiens ?
Amitiés
Rédigé par : Pascale | 23 janvier 2007 à 19:04
Oui Pascale,
La chaise d’Arthur, entre celle de Vincent et celle de Charles Rennie !
Amicizia
Guidu ___
Rédigé par : Guidu | 23 janvier 2007 à 21:21
Bien vu !!!
Rédigé par : Yves | 23 janvier 2007 à 22:09