Le 20 janvier 1877 naît, à six heures du matin, au 25, boulevard Malesherbes à Paris, Raymond Roussel, « troisième et dernier enfant d’Eugène Roussel, agent de change… et de Marguerite Moreau-Chaslon, son épouse », sans profession.
En février 1910, l’éditeur Lemerre met en place en librairie Impressions d’Afrique de Raymond Roussel (publication à compte d’auteur. Achevé d’imprimer le 2 octobre 1909 dans les ateliers de la rue des Bergers). Impressions d’Afrique était d’abord paru en feuilleton du 10 juillet 1909 au 20 novembre 1909 (vingtième et dernier épisode) dans un supplément de seize pages du Gaulois du Dimanche. « Impressions d’Afrique. C’est sous ce titre que le Gaulois du Dimanche publiera prochainement, en feuilleton, des impressions inédites de M. Raymond Roussel. D’une puissante intensité descriptive, cette œuvre contient de vigoureuses pages où le lever et le coucher du soleil, les ardentes irradiations des clartés de lune ont toute la coloration des tableaux d’Orient admirés. Les lecteurs de ces pittoresques descriptions prendront certainement le plus vif intérêt aux Impressions d’Afrique, dont ils auront ainsi la primeur. » « Le titre d’Impressions d’Afrique a suscité des commentaires, si ce n’est de la perplexité. Ces « impressions », ce sont les « lettres du blanc » de Parmi les Noirs que Roussel livre à l’« impression ». Le double sens est évident : ces impressions d’un Blanc sur les Noirs sont imprimées noir sur blanc, avec des lettres noires sur du papier blanc. Mais l’Afrique ? Elle semblerait justifiée par la présence des Noirs dans le récit. Mais on peut voir aussi dans ce titre une application d’un des procédés rousselliens les plus simples : la liaison d’un couple de mots par la préposition « à » qui, « pris dans un ses autre que le sens primitif », donne au titre du roman une seconde signification. Il faudrait lire : 1° impressions (sensations) (d’)Afrique (continent) ; 2° impression (imprimerie) à fric (aux frais de l’auteur) »… François Caradec, Raymond Roussel, Fayard, 1997, pp. 107-108 ; 113. EXTRAIT Fogar venait d’examiner attentivement les différentes parties de la couchette. Sur sa face d’ébène brillait une intelligence précoce dont la flamme étonnait chez ce jeune garçon à peine adolescent. Profitant du seul côté resté libre de tout encombrement, il monta sur le cadre et s’étendit lentement, de manière à faire coïncider son aisselle gauche avec la manette recourbée qui s’y adaptait avec justesse. Les bras et les jambes complètement rigides, il s’immobilisa dans une attitude cadavérique, après avoir placé la fleur violette à portée de sa main droite. Ses paupières avaient cessé de battre sur ses yeux fixes dénués d’expression, et ses mouvements respiratoires s’affaiblissaient graduellement sous l’influence d’un sommeil léthargique et puissant qui l’envahissait peu à peu. Au bout d’un moment la prostration fut absolue. La poitrine de l’adolescent demeurait inerte comme celle d’un mort, et la bouche entrouverte semblait privée de toute haleine. Bex, faisant quelques pas, tira de sa poche un miroir ovale qu’il plaça devant les lèvres du jeune nègre ; aucune buée ne ternit la surface brillante qui garda tout son éclat. Raymond Roussel, Impressions d’Afrique, Jean-Jacques Pauvert, 1963, page 135. |
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Roussel a participé au financement de la mission Dakar-Djibouti à laquelle prit part Leiris. (C'est amusant de voir qu'ils voisinent presque ici aussi).
Roussel a lui-même expliqué son procédé dans Comment j'ai écrit certains de mes livres. Je trouve la fin de cet ouvrage très poignante, aussi, je me permets de la citer :
"En terminant cet ouvrage je reviens sur le sentiment douloureux que j'éprouvai toujours en voyant mes oeuvres se heurter à une incompréhension hostile presque générale.
(Il ne fallut pas moins de vingt-deux ans pour épuiser la première édition d' Impressions d'Afrique.)
Je ne connus vraiment la sensation du succès que lorsque je chantais en m'accompagnant au piano et surtout par de nombreuses imitations que je faisais d'acteurs ou de personnes quelconques. Mais là, du moins, le succès était énorme et unanime.
Et je me réfugie, faute de mieux, dans l'espoir que j'aurai peut-être un peu d'épanouissement posthume à l'endroit de mes livres."
R. ROUSSEL, COMMENT J'AI ECRIT CERTAINS DE MES LIVRES, explicit.
Rédigé par : Charles L. | 24 janvier 2007 à 18:52
C'est vrai, Charles L., les deux textes voisinent par un "heureux" hasard. Non, pas curieux, puisque les familles Leiris/Roussel étaient en effet amies de longue date. Mais l'Afrique de Roussel n'a rien en commun avec celle de Leiris. Encore que ! Celle de Leiris est une Afrique vécue (comme vous le savez) au cours de l'expéditon ethnologique Dakar-Djibouti (1931-1933), conduite par Marcel Griaule. Celle de Roussel est pour l'essentiel issue de ses lectures, de L'Illustration à Cinq semaines en ballon de Jules Verne, ou au Roman d'un spahi de Pierre Loti, roman que Roussel affectionnait tout particulièrement. Roussel ne craignait d'ailleurs pas d'affirmer:
"De tous mes voyages, je n'ai jamais rien tiré pour mes livres. Il m'a paru que la chose méritait d'être signalée tant elle montre clairement que chez moi l'imagination est tout."
Quant au succès, Roussel ne le connut pas en effet de son vivant. Roussel fut même abondamment conspué. Il faut attendre OuLiPo et Georges Perec pour voir les procédés d'écriture de Roussel repris et exploités "avec fruit".
Rédigé par : Angèle Paoli | 27 janvier 2007 à 15:36