Le 24 décembre 1919 naît à Rodez Pierre Soulages.
Pour un peintre les problèmes qui se posent ne précèdent pas les solutions. Ils naissent de l’œuvre, avec elle. Je ne crois apprendre ce que je cherche qu’en peignant ; cela n’exclut pas que ma peinture soit précédée d’une envie, d’un besoin de certaines formes plutôt que d’autres, mais ce n’est que peintes que ces formes me renseignent sur cette envie. C’est à ce moment-là que j’en tire les modifications, les précisions qui me paraissent nécessaires, et aussi les formes suivantes qui m’obligent à remettre les premières en question. Je crois de la part de l’artiste à une continuelle intervention : va et vient de son impulsion créatrice à l’interrogation de la forme qu’elle lui apporte. À vrai dire, il ne s’agit pas de formes isolées qui s’additionnent les unes aux autres, mais d’éléments prenant peu à peu le caractère indissociable d’une synthèse : le tableau achevé. Dans cette manière de peindre, la liberté de l’artiste étant à chaque instant en jeu, le tableau lui-même est un engagement total, témoignage poétique du monde dont on abandonne la validité au spectateur. On ne lui demande pas de retrouver une histoire, un paysage, une nature morte, des personnages, des animaux ou des fragments de ceux-ci, ni même un état d’âme éprouvé devant eux, bref une anecdote romantique, expressionniste ou d’un autre ordre. On ne demande rien au spectateur : on lui propose une peinture qu’il voit à la fois en toute liberté et nécessité. Mais dans cette peinture le spectateur lui aussi se trouve naturellement engagé en entier. La position qu’il adopte devant un tableau de ce genre dépend et répond de son attitude générale dans le monde, et ceci avec d’autant plus de force que la peinture ne le renvoie pas à quelque chose d’extérieur à elle-même. N.B. La peinture telle que je l’envisage plus haut n’est pas un « art pur » opposé à l’ « art réaliste ». Ce n’est pas un art gratuit, surtout pas un pur jeu de formes. C’est une démarche qui engage à la fois l'homme et le monde. L’homme, autant le spectateur que l’artiste. Pierre Soulages, « Réalisme et réalité », enquête de Camille Bourniquel, Esprit, 168, juin 1950, page 922. |
PIERRE SOULAGES Pierre Soulages, Vitraux de l’abbaye de Conques, 1994, Conques (Aveyron). ■ Pierre Soulages sur Terres de femmes ▼ → 25 mai 1949 | Première exposition Pierre Soulages ■ Voir aussi ▼ → Le site documentaire sur le peintre Pierre Soulages, constitué à partir des archives personnelles de l'artiste → le dossier de presse sur la donation Pierre Soulages au musée Fabre |
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Soulages est comme moi, il aime le noir, par goût de la lumière !
C'est un choix ; ce que les autres nous reprochent le plus, c'est ce que nous sommes vraiment, ce qu'il y a en nous d'inconcassable nuit, nul ne pourra la briser cette part d'infrangible.
Je pense tout à coup à cette phrase de Sartre à propos de Baudelaire, phrase à méditer à l'orée d'une année bientôt nouvelle:
"Le choix libre que l'homme fait de soi-même s'identifie absolument avec ce qu'on appelle sa destinée." O Sens tragique !
Tout choix n'est-il pas un renoncement ? (très sartrien, n'est-ce pas ?)
O Liberté...
Sergiacciu u negru
Rédigé par : Venturini | 24 décembre 2006 à 15:36
Caru Sergiu,
As-tu pensé à prévenir Pierre Soulages qu'il était comme toi ?
A propos de destinée, il est peut-être incongru (mais tant pis) - un soir de Nativité - de paraphraser Malraux en redisant que seule la mort transforme la vie en destin. Autre noir ou autre lumière ?
Amicizia è buon Natale,
Anghjula
Rédigé par : Angèle Paoli | 24 décembre 2006 à 17:37
Cara Anghjula,
L'autre jour, j'ai croisé Soulages. Entre la nuit et la lumière, il y a des étoiles qui se frôlent dans les nuits bleues de décembre. Mais, personne ne les voit. ― Seuls quelques-uns voient l’incroyable ! Elles se touchent presque dans le noir, deux mains géantes dans le froid de l’univers qui un instant s’électrise. Elles sont LUMIERES ! Et, rien que des enfants les regardent se fondre l’une dans l’autre dans l’oubli.
Amicizia, O Corsa !
Serge Venturini
Rédigé par : Serge Venturini | 25 décembre 2006 à 18:19
Quoi qu'il en soit, qui a vu Conques a vu sa lumière. Soulages touche à peine à l'architecture qui environne la fenêtre, il s'en fait aimer. En fait, seul le geste ici, sur le verre, demeure, le temps d'un homme, le temps d'un passage. Bonnes et profondes fêtes, Iliens ! J.-M.
Rédigé par : Jean-Marie | 29 décembre 2006 à 23:23
quelle merveille votre site, madame, merci .
Je lis le texte sur Pierre Soulages. Savez-vous qu'il est de la même époque qu'une femme merveilleuse qui aurait sa place dans votre galerie, c'est Yanhe Le Toumelin, peintre. Elle a un site "RIREDUCIEL". C'était la première épouse de Jean-François Revel et c'est donc la mère de Matthieu Ricard et de Ève Ricard qui a écrit un petit livre Parkinson blues (Arléa, 2004).
Yanhe vit en Dordogne, elle est nonne tibétaine, elle est âgée de 82 ans et continue à peindre et vend ses tableaux pour sa communauté bouddhiste.
Je vous souhaite une merveilleuse année 2007 pleine de réussite et d'amour.
Je vous embrasse,
Catherine
Rédigé par : catherine laignel-lavastine | 07 janvier 2007 à 15:10
Chère Catherine,
Merci pour cette visite et pour ce témoignage amical. Yanhe Le Toumelin n'est pas seulement de la même époque que Pierre Soulages. Elle est aussi, semble-t-il, très proche du peintre, et de toute la mouvance de l'abstraction lyrique.
Je n'ai pas lu Parkinson Blues, mais me promets de me le procurer au plus vite.
Je vous embrasse, moi aussi, très amicalement,
Angèle
Rédigé par : Angèle Paoli | 07 janvier 2007 à 22:21
On sera heureux d'apprendre que le musée Fabre de Montpellier s'est refait une beauté et que "le clou de cette version revue et corrigée est sans doute la salle Pierre Soulages. Avec ses 32 tableaux, toutes les périodes de l'artiste sont ainsi représentées, des années 50 à nos jours."
Musée Fabre, 39, boulevard Bonne-Nouvelle, 34000 Montpellier. Rens. au 04 67 14 83 00 et sur [email protected]
Amitiés,
Rédigé par : Pascale | 25 février 2007 à 14:28
Merci Pascale pour ce rappel. Pour en savoir plus, penser à consulter le dossier de presse (encadré ci-dessus) en format pdf.
Rédigé par : Webmestre de TdF | 25 février 2007 à 16:25
..."Le tableau achevé"...une grande interrogation toujours, pour moi. Tout comme pour un poème, une forte intuition d'achèvement émane de soi à un moment donné, celle d'un aboutissement, ou d'un épuisement temporaire de quête....mais qu'est ce qui s'achève? Ce qui est inachevé interroge peut-être plus l'artiste et et le spectateur ( lecteur..) dans une dynamique de rapprochement de soi et du monde.....Je viens de lire ce passage de Joël Vernet, in La nuit errante, p.38; il rejoint aussi ton noir/lumière, Angèle:
"C'est avec le coeur des morts que j'écris, sans me soucier de rien d'autre de leur chant si beau, si bon. Les morts, dirons-nous, un peu plus tôt que les autres, m'ont donné la vue, rien d'autre que cela, la vision immédiate de notre fin, la clairvoyance. Dès la naissance, c'est la fée noire qui nous ronge peu à peu.On nait, on meurt. Et il y a ce pont de merveille entre les deux qu'est toute vie. C'est, à mes yeux, tout aussi simple que cela. C'est cela le grand amour: être en accord avec ce qui nous est offert pour si peu de temps."
Tous engagés sur "le pont des merveilles" !!!
Joyeux Noël à tous!
Rédigé par : Martine | 24 décembre 2012 à 14:26