Ph., G.AdC
JOURNAL DE NOVEMBRE
« Vendredi 12 novembre 1992. Ce matin belle émission sur les Chemins de la Connaissance : La Joie malgré tout. Je pense à la chasse au bonheur si chère à Stendhal et qui pour moi touche à sa fin. Ce qui me préoccupe aujourd’hui c’est de remplir le mieux possible la courte décennie qui me reste à vivre ! Les hommes et les femmes ne sont pas seulement des êtres de besoin. Ce sont des êtres de dépassement. Aussi quand je dis remplir le mieux possible je ne pense plus guère à la jouissance physique, mais à la joie spirituelle. Même en amour, quand j’étais plus jeune, la passion me paraissait plus importante que le bonheur ! Enfin, j'ai réussi une chose des plus difficiles : faire de ma passion un métier. Il me reste maintenant à réussir ma sortie, à réussir mes fins : la fin de mes livres, la fin de ma vie… »
Ghjacumu Gregorj, Journal de novembre, 12 novembre 1992. Texte inédit. Tous droits réservés.
Comme le rapporte le quotidien Corse-Matin du vendredi 3 novembre 2006, un hommage sera rendu le dimanche 12 novembre (auditorium de la Casa musicale de Pigna) à l’écrivain Ghjacumu Gregorj à l’occasion du septième anniversaire de sa mort (12 novembre 1999). Une initiative de son fils Orfeu Vittoriu.
Ghjacumu Gregorj a durablement marqué sa génération en tant qu’historien, romancier, poète et éditeur (Accademia d'i Vagabondi, maison d'édition créée par Ghjacumu Gregorj à Bastia à la fin des années 1970).
Comme historien, Ghjacumu Gregorj « répondait volontiers, quand on l’interrogeait sur sa manière d’aborder les événements, qu’il voulait écrire l’histoire comme une histoire de chasse mais racontée par le gibier et non par le chasseur », rappelle son ami Toni Casalonga.
Ghjacumu Gregorj était tout à la fois « un romancier de cape et d’épée, un poète surréaliste, un conteur et un moraliste ». Son œuvre a eu une influence profonde et féconde « sur la pensée de la Corse et des Corses » et sur le mouvement du riacquistu. Une œuvre qui ne manquait ni de distance ni d’humour, comme l’atteste ce dicton tiré d’un de ses recueils de pruverbii : « A maio parte di i dii un credunu micca a l’esistenza di l’omi » (La plupart des dieux ne croient pas à l’existence des hommes).
Je profite de cet événement pour annoncer officiellement aux amis de Ghjacumu Gregorj que je dispose d’un des manuscrits inédits de l’écrivain (dont j’ai mis en ligne ci-dessus un extrait). Un manuscrit que, peu avant sa mort, celui-ci avait remis en mains propres à l’un de ses amis éditeurs en vue d’une publication. Un manuscrit en attente d’une prochaine édition donc, quand aura été réglée la question des ayants droit.
Angèle Paoli
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Bonjour Angèle et Yves,
Pourrait-on avoir un petit compte rendu de cette rencontre du 12 novembre en hommage à Ghjacumu Gregorj, afin que ceux qui n'ont pas pu y assister puissent rejoindre l'association des Amis de Ghjacumu Gregorj dont la création à été évoquée à cette occasion.
Pour ma part, je dédie à sa mémoire un poème : "Cryptogrammes" publié aux Editions du Manuscrit, qui voudrait évoquer cette errance singulière des solitaires innombrables qui sont restés, comme l'était Ghjacumu Gregorj, irréductibles et insoumis aux pouvoirs et aux institutions :
"Combien étions-nous à errer dans cette bibliothèque ?
Depuis quand, et en quels temps son espace s'était-il révélé circulaire?
Et ce n'était pas une bibliothèque, c'était l'odeur perdue, l'ombre végétale d'un jardin inexistant. Et qui, pourtant, excédé de tant d'oublis fleurissait d'écritures folles.
Nul n'ignorait que le jardin n'appartenait pas au Château, mais qui aurait pu s'y résoudre ? Et ainsi nous étions nous égarés dans cette architecture savante où le rêve du jardin nous avait captivés.
Ce rêve avait précédé toute écriture, et il était la mémoire de nos morts quand nous ne savions encore ce qu'était le rêve de vivre.
Le jardin était précisément cette façon qu'avait le Château de ne pas s'appartenir et d'ouvrir sur de grandes cryptes de silence et de chants. En retenant l'illusion du jardin, il s'était construit de sa fragmentation.
Lui, le Château s'était d'abord élevé du mouvement imperceptible des marées, de l'horlogerie de saisons enchevêtrées d'astres et de sable. Géométrie négative et incontournable de ses murailles rempardées de vide. Construit de la matière des rencontres impossibles, de cris inaudibles, d'appels et de séparations incalculables...
... Et le jardin y résidait parfois comme son coeur absent aux chants inapaisés."
Rédigé par : Nadine Manzagol | 14 novembre 2006 à 07:09
Je sais depuis quelques jours qu'il existe une disquette informatique de ce manuscrit de Ghjacumu Gregorj Visages lointains dans un miroir, confiée par l'auteur à la fille de la regrettée Lisandrina Grimaldi, Patricia.
Orfeu Vittoriu peut, de son côté, joindre le Conservateur du patrimoine au Parc Naturel Régional de Corse s'il veut obtenir une copie privée sur VHS des rushs d'une interview de Ghjacumu Gregorj, enregistrée à Canari (j'avais accompagné l'équipe de tournage)
amicizia
Nadine
Rédigé par : Nadine Manzagol | 16 novembre 2006 à 06:50
Une disquette du livre de Ghjacumu Gregorj a été remise hier à son fils Orfeu Vittoriu, président de l'"Association des amis de Ghjacumu Gregorj".
Cette disquette avait été déposée le 7 janvier dans ma boîte aux lettres par Patricia Grimaldi.
Une émouvante Epiphanie symbolique (ce terme dont la traduction signifie aussi "manifestation") pour l'oeuvre de notre ami ; après tant de temps passé (près de 10 ans) à vouloir essayer de le transmettre à qui de droit ! Puisse ses proches et ses lecteurs y avoir rapidement et largement accès !
Amicizia
Nadine Manzagol
Rédigé par : Nadine Manzagol | 10 janvier 2007 à 09:23
Suite au message d'Angèle Paoli sur le blog "Pour une littérature corse" (commentaire au message du 21 février 2009) qui m'apprend l'existence d'un journal encore inédit de Ghjacumu Gregorj, je viens ici laisser un petit message d'affection pour le travail de cet auteur, que je n'ai jamais connu.
Je puis dire ici, donc, fortement, combien j'attends la publication de ce journal (merci pour l'extrait) !
Merci à Nadine Manzagol pour ce magnifique poème : "le rêve du jardin". Il fut un temps où je rêvais aux mots qui composent l'expression "Accademia dei Vagabondi" : Akadémos ouvrait son jardin aux enseignements de Platon ; "vagabondi" peut se dire du mouvement des flammes d'un incendie... J'ai toujours regardé Ghjacumu Gregorj comme un des intercesseurs vers ce "jardin traversé par les flammes" que pour ma part j'appelle "littérature corse" (excusez ce lyrisme, mais ici j'y tiens, pour le coup).
Mais je n'ai pu accéder au blog d'Orfeu Vittoriu (ces prénoms magnifiques ! comment est-ce possible !)
Il me reste encore bien des choses à voir ; mais je ne connais pas l'adresse de "L'association des amis de Ghjacumu Gregorj" : pouvez-vous me l'indiquer ?
Merci encore pour tout !
Rédigé par : Renucci François-Xavier | 09 mai 2009 à 15:02
Un filet de mémoire.
Je me souviens. J'étais jeune encore, la trentaine environ. Je vivais en Corse depuis quelques années. Je voulais vivre ma vie d'artiste-peintre... disons que j'essayais. Un jour, un projet m'est venu à l'idée. Réaliser un calendrier corse, avec toutes les délicieuses variantes dues aux particularismes de la langue corse entre nord et sud. Bref, je trouvais passionnant et réjouissant le fait que l'on puisse dire à moins de 200 km de distance "Octobre" à Bastia et "Utroï" (je l'écris en phonétique personnelle) à Mocca-Croce (ou Arghuista-Moriccio). Je désirais réaliser un paysage, une vue de village pour chaque mois. J'étais très porté, à l'époque sur une problématique de re-définition graphique de la perspective et le paysage était, à mon sens, le plus excitant des exercices. Je désirais aussi pour ce projet, que chaque mois soit accompagné de quelques mots d'histoire de la Corse et... de merveilleuses histoires. Je suis donc allé rencontrer Jacques Gregori, chez lui. Je fus accueilli en ami dans sa petite tour en pierre du Cap Corse et puis, autour d'une bouteille que je crois avoir amenée, nous avons partagé ses châtaignes, dans le feu chaleureux de sa cheminée. Il ne se nourrissait que de cela. Il vivait dans un dénuement total, mais n'en pas semblait malheureux, au contraire. Il était parvenu à la sagesse des fous, la seule crédible. Perdu dans ses rêves, ses livres, ses histoires. Notre projet n'a jamais abouti. Je n'étais pas encore suffisamment mûr pour porter de tels chantiers à leur terme. "Oisive jeunesse à tout asservie", disait l'autre...
Voilà, c'est tout. J'ai gardé un formidable souvenir de cet homme qui m'a montré que "l'exigence d'être" et de "faire ce que l'on est", avait plus de valeur que toutes les autres.
Je suis donc heureux, aujourd'hui, de dire cela avec mes maigres mots. C'est Yves, le mari d'Angèle, qui m'a chuchoté cette idée, lors de notre trop brève encontre à Paris, au Marché de la poésie, place Saint-Sulpice.
Aussi, je les embrasse tous deux, ainsi que tous les êtres vrais que j'ai connus dans cette île magique qui me donna l'envie de vivre tel que je suis et la force d'être un jour un homme en harmonie avec mes rêves. Bon, je déborde... Qu'importe, et que l'on me modère si besoin. Je vais, de ce pas, boire un petit verre de vin en souvenir de Monsieur Jacques Gregori. `
Dom
Rédigé par : dom corrieras | 26 juin 2009 à 21:41