Le 19 novembre 1930 naît Bernard Noël à Sainte-Geneviève-sur-Argence dans l’Aveyron.
Ph. D.R. Olivier Roller
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LE CHÂTEAU DE CÈNE
En 1969, Le Château de Cène est publié chez l’éditeur Jérôme Martineau sous le pseudonyme d’Urbain d’Orlhac. Le roman, jugé pornographique, est interdit et saisi. Après procès et condamnation pour « outrage aux bonnes mœurs », Le Château de Cène, soutenu par de nombreux écrivains, est réédité par Jean-Jacques Pauvert, sans pseudonyme, en 1971. Définitivement « libéré » en 1977, le texte est porté à la scène en 1990.
Le Château de Cène, dont le titre évoque le dernier repas du Christ, s’inscrit dans la continuité des écrits d’Artaud, de Bataille, de Blanchot. Et de Sade. Bernard Noël entend répondre par la violence des mots à la violence vécue pendant la guerre d’Algérie. À l’« outrage aux bonnes mœurs », Bernard Noël réplique par « L’Outrage aux mots. »
EXTRAIT
Je me réveille dans le silence. Il y a beaucoup de lumière. Je ne suis pas couché mais assis. Une grande transparence m’enveloppe. Je veux lever mon bras, je ne peux pas: cette transparence le retient. Je vois mes muscles se gonfler en vain. Je veux me lever, je ne peux pas. Je suis retenu tout entier, retenu par quelque chose qui me contient et qui épouse étroitement mon corps. Je suis assis en l’air et l’air sans doute a gelé autour de moi, car qui me retiendrait ainsi alors que je ne vois rien ? Devant moi, il y a une grande table ronde; seize sièges sont disposés autour. Plus loin, il y a le ciel et la mer. Je dois rêver. Je veux me lever, je ne peux pas. Je respire librement, et si je reste immobile, je ne me sens nullement contraint. Immobile. J’ai peur. Pour chasser cette peur, je cherche les mots qui pourraient dire ce que je suis devenu. Me le dire. Paralysie. Catalepsie. Cris-tal-li-sa-tion. Ankylose. Fixité. Fixité, c’était mon idée fixe : entrer vivant dans l’immobilité. Je souris de moi. Je vais rompre le charme. Je vais me lever. Je ne peux pas. Je suis assis comme les pharaons: le buste raide, les mains ouvertes à plat sur les genoux, le souffle profondément posé sur le ventre. Je respire. Je n’ai plus peur. Je regarde. J’essaie de penser l’impensable. Peut-être suis-je simplement devenu muet - muet à l’intérieur, de telle sorte que mon langage me manquant mon corps me manque. Ou bien, peut-être suis-je devenu blanc comme dans mes rêves, et quelqu’un va-t-il venir tracer de nouveaux traits sur ma face blanche. Je me souviens de ces cubes tellement transparents où l’on a enfermé un coquillage, un insecte, une fleur. Je suis dans le cube, et si, comme le disait l’astrologue, la création est le passage du cercle au carré, me voici en bonne voie sur le chemin de la création. J’essaie d’imaginer le lieu: terrasse ou rotonde ouvert sur la mer, qu’importe ? Je me distrais de moi. Je ne veux plus savoir. Je regarde le ciel. Je m’y perds. Je vois le bleu qui tremble.
Plus tard, je m’aperçois tout à coup qu’on est entré. Il y a foule dans la pièce. Non, il y a seize personnes. Elles prennent place autour de la table. Elles parlent, mais je ne les entends pas. Elles passent tout près de moi, mais ne me voient pas. Je suis pourtant à deux mètres tout au plus du bord de la table, et l’on circule entre ce bord et moi pour gagner ses places. À en juger par le mouvement des lèvres, on discute avec passion, mais les gestes ont un ralenti qui leur confère une grande douceur. Le bleu du ciel est toujours intense ; il dégage une lumière égale parmi laquelle les choses et les corps paraissent se mouvoir en dégageant une sorte de pénombre, qui est sans doute leur réverbération, et qui m’évoque le halo de la lune. Mais qui est-ce ? Me dis-je brusquement. Je ne les connais pas. Je sais que je ne les connais pas, et je sais aussi que je connais leur ressemblance, la part d’avenir et de passé qui les rend solidaires. Et dès que je me suis formulé ces choses, la dimension change, car je m’aperçois que les personnes ici présentes ne réverbèrent pas de la lumière mais du temps. Je vois le temps et l’espace et la scie que nous y faisons en développant, à l’intérieur des trois côtés de l’univers, une perspective qui n’a pas encore de nom. Tout a forme, même l’invisible, et c’est peut-être cela qu’on est en train de dire…
Ph., G.AdC
Felice coincidenza essere nata nello stesso giorno di questo grande!
A volte le nascite sono presagi...
Ho letto con passione l'introduzione di questo testo, spero di trovarlo in libreria, in italiano naturalmente giacché conosco poco il francese.
Rédigé par : Elisabetta | 27 novembre 2006 à 20:17
Buona sera Elisabetta, grazie a te per le tue visite. Sei benvenuta sulle mie terre. Le tue, a quel che ho potuto vedere, sono piene di un umorismo che mi ha fatto sorridere più volte. Mi piace il tuo modo di dire le cose e penso che dovremmo avere alcune affinità.
Non so se il romanzo di Bernard Noël è stato tradotto in italiano, ma penso di si perchè le case editoriali italiane fanno veramente un bel lavoro. Ti auguro una buona lettura, anzi se è un libro davvero particolare, "da non lasciare cadere fra tutte le mani", come direbbe mia madre.
Rédigé par : Angèle Paoli | 27 novembre 2006 à 22:23