Samedi 13 novembre **** « Noëllie était avec lui à Rome en octobre » Ph., G.AdC JE TOMBAIS, JE TOMBAIS... Chaque fois je crois avoir touché le fond. Et puis je m’enfonce plus loin encore dans le doute et le malheur. Luce Couturier s’est laissé avoir comme une enfant ; au point que je me demande si elle ne l’a pas fait exprès… Cette histoire dure depuis plus d’un an. Et Noëllie était avec lui à Rome en octobre ! Maintenant je comprends le visage de Maurice, à l’aérodrome de Nice : le remords, la honte, la crainte d’être découvert. On a tendance à se forger des pressentiments après coup. Mais là, je n’invente rien. J’ai flairé quelque chose puisque le départ de l’avion m’a arraché le cœur. On passe sous silence des gênes, des malaises pour lesquels on ne trouve pas de mots, mais qui existent. En quittant Luce, j’ai marché longtemps, sans savoir où j’allais. J’étais hébétée. Je m’en rends compte maintenant : apprendre que Maurice couchait avec une autre femme ne m’a pas tellement étonnée. Ce n’est pas tout à fait au hasard que j’ai posé la question : Il y a une femme dans ta vie ? Sans être jamais formulée, vague et fugitive, l’hypothèse s’indiquait en creux, à travers les distractions de Maurice, ses absences, sa froideur. Il serait exagéré de dire que je m’en doutais. Mais enfin je ne suis pas tombée des nues. Tandis que Luce me parlait, je tombais, je tombais et je me suis retrouvée complètement brisée. Toute cette année, il faut que je la revoie à la lumière de cette découverte : Maurice couchait avec Noëllie. Il s’agit d’une longue liaison. Le voyage en Alsace que nous n’avons pas fait. J’ai dit : « Je me sacrifie à la guérison de la leucémie. » Pauvre idiote ! C’était Noëllie qui le retenait à Paris. Au moment de dîner chez Diana, ils étaient déjà amants et Luce le savait. Et Diana ? J’essaierai de la faire parler. Qui sait si cette affaire ne remonte pas encore plus loin ? Noëllie était avec Louis Bernard, il y a deux ans ; mais peut-être cumulait-elle. Quand je pense que j’en suis réduite à des hypothèses ! Et il s’agit de Maurice et de moi ! Tous les amis étaient au courant évidemment ! Oh ! Qu’importe ? Je n’en suis plus à me soucier du qu’en-dira-t-on ! Je suis trop radicalement anéantie. L’image qu’on peut se faire de moi, je m’en fous. Il s’agit de survivre. « Rien n’est changé entre nous ! » Quelles illusions je me suis faites sur cette phrase. Voulait-il dire que rien n’était changé puisqu’il me trompait déjà depuis un an ? Ou ne voulait-il rien dire du tout ? Pourquoi m’a-t-il menti ? Il me croyait incapable de supporter la vérité ? Ou il avait honte ? Alors pourquoi m’a-t-il parlé ? Sans doute parce que Noëllie était fatiguée de la clandestinité ? De toute façon ce qui m’arrive est affreux.
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SIMONE DE BEAUVOIR ■ Simone de Beauvoir sur Terres de femmes ▼ → 9 janvier 1908 | Naissance de Simone de Beauvoir → 14 avril 1986 | Mort de Simone de Beauvoir → 10 mai 1950 | Lettre de Simone de Beauvoir à Nelson Algren → 15 mars **** | Simone de Beauvoir, La Femme rompue → (dans la galerie Visages de femmes) un portrait de Simone de Beauvoir (+ un extrait de La Force des choses) ■ Voir aussi ▼ → le site de la Société Internationale Simone de Beauvoir (Simone de Beauvoir Society) ■ Voir | écouter aussi ▼ → Jean-Louis Servan Schreiber reçoit Simone de Beauvoir (ina. 6 avril 1975) → sur Radio-Canada, un entretien télévisé (13 novembre 1959) de Simone de Beauvoir avec Wilfrid Lemoine : « Simone de Beauvoir censurée » |
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Quel plaisir de retrouver ici un extrait de ce livre. Je l'avais lu en anglais ("The woman destroyed"), il y a longtemps déjà, et j'ai retrouvé de nombreux passages que j'avais recopiés. En voici un, pas le plus significatif à mes yeux, mais qui rejoint ce qui précède :
"Maurice has changed. He has let himself be eaten up by his profession. He no longer reads. He no longer listens to music. I used so to love our silence and his attentive face as we listened to Monteverdi or Charlie Parker. We no longer go out together in or around Paris. Il might also have to be said that we no longer have any real conversation."
Et encore, pour la dernière phrase tellement parlante :
" I gave a weak smile ; he came close and put an arm round my shoulders. I clung to him and wept quietly. The warm physical pleasure of tears running down my cheek. What a relief ! It is so tiring to hate someone you love."
Rédigé par : Pascale | 14 novembre 2006 à 11:31