Madame du Deffand Image, G.AdC Paris, 5 octobre 1770 Savez-vous, mon cher Voltaire, que j’avais résolu de ne plus vous écrire ? Je croyais n’avoir plus rien à dire, et il me paraissait injuste de vous donner de l’ennui pour obtenir en échange du plaisir. Mais, toutes réflexions faites, l’intérêt a prévalu. L’arrivée de M. Craufurd a fort contribué à me faire changer de résolution. Il m’a dit que vous disiez du bien de moi, que vous m’aimiez ; et quoique je sois devenue fort défiante, je n’ai pu me défendre d’en croire quelque chose. Si vous m’aimez, vous avez raison, car en vérité, je crois être la personne qui vous aime le plus. Je n’ai encore causé qu’un moment de vous avec M. Craufurd, mais je me propose bien de le beaucoup interroger. Je voudrais savoir si vous êtes à peu près heureux, et si la gloire vous tient lieu de tout. J’ignore quel est le charme de cette jouissance, c’est sans doute celle du paradis, et c’est peut-être pour cela qu’on appelle ses habitants bienheureux. Cependant tout ce qui les environne jouit du même bonheur, et dans ce monde-ci la gloire consiste dans la prééminence. Pour moi, mon cher Voltaire, je fais consister le bonheur dans l’exemption de deux maux, les douleurs du corps et l’ennui de l’âme. Je n’aspire point à une parfaite santé ni à aucun plaisir ; je supporterais patiemment mon état actuel qui aux yeux de tout le monde paraît bien malheureux, si j’avais un ami véritable. L’amitié est la seule passion que l’âge n’amortit point. Je ne crois pas que celle que vous avez pour la czarine soit d’un genre à satisfaire votre cœur ; cette czarine est une héroïne de gazette ; ses succès sont brillants, elle a certainement un grand courage, rien ne la détourne de ses projets ; mais souffrez que je donne la préférence à votre Sémiramis, dont les remords me forcent à l’aimer, à la plaindre et à oublier ses forfaits. Vous me trouverez bien impertinente, mais pourquoi voulez-vous savoir ce que je pense ? J’ai fait vœu de dire toujours la vérité ; je ne serais point flattée d’être approuvée par vous, si je surprenais votre approbation. Est-il vrai que vous comptez passer l’hiver dans les provinces méridionales ? Que ne venez-vous plutôt à Paris ? J’aurais une grande satisfaction de causer avec vous, et de vous dire, mon cher Voltaire, que vous êtes la seule personne que j’admire, et dont l’estime et l’amitié me flatteraient le plus. Madame du Deffand, Lettres à Voltaire, Rivage poche/Petite bibliothèque, 1989, pp. 145-146. |
■ Voir aussi ▼ → (sur Terres de femmes) 21 novembre 1694 | Naissance de Voltaire → (sur Terres de femmes) 13 octobre 1761 | Voltaire, Début de l'affaire Calas → (sur Terres de femmes) 14 mars 1764 | Lettre de Madame du Deffand à Voltaire (+ Article) → (sur Terres de femmes) 28 décembre 1765 | Lettre de Madame du Deffand à Voltaire → (sur Terres de femmes) 30 mai 1778 | Mort de Voltaire |
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Avevo lasciato un commento qualche giorno fa su questo post ma non l'ho visto comparire. Ci riprovo adesso. Segnalavo l'eccellente biografia di Madame Du Deffand scritta ani fa da Benedetta Craveri e pubblicata in Italia da Adelphi. Sono sicura che il libro sia stato tradotto in francese e pubblicato anche in Francia. Ne consiglio vivamente la lettura. Ciao da Gabriella
Rédigé par : Gabriella Alù | 11 octobre 2006 à 13:06
Salve, Gabriella, il tuo precedente post si deve essere perduto, perchè non me lo ricordo. Hai fatto bene a mandarlo di nuovo. Ti ringrazio per l'informazione su questa biografia e provo di cercarla in francese.
Una buona serata a te.
Rédigé par : Angèle Paoli | 11 octobre 2006 à 21:21