Ph, G.AdC
IMAGINATION DU MOI
« Parfois les pas du temps
s’arrêtent et le silence alors
s’installe, tantôt terrible
odieux obscur et plein d’angoisse
épais inéluctable
tantôt plus clair, apparaissant
pétri de lumière
pur, enfin, limpide
et léger, si léger
que tu ne peux rester
là non plus
dans toute cette lumière
soudaine intense
que tu donnes et reçois
qui te brûle
au moment de calme
où le temps s’arrête
et le silence attend lumineux
et le temps attend lui aussi
que tu t’effaces. »
Zoé Karèlli, « Imagination du moi », Imagination du temps [1949], Anthologie de la poésie grecque contemporaine (1945-2000), Gallimard, Collection Poésie, page 83. Traduction de Michel Volkovitch.
NOTICE BIO-BIBLIOGRAPHIQUE
Issue d’une grande famille de Salonique (Thessalonique), Chrysoula Arguriadou, dite Zoé (ou Zoi) Karèlli (Χρυσούλα Αργυριάδου, dite Ζωή Καρέλλη) est née le 22 juillet (4 août) 1901 et morte à Thessalonique le 17 juillet 1998. Zoé Karèlli n’a pas seulement été une pionnière de la mouvance féministe, en tant que fondatrice du mouvement « Greek Salonica Influence ». Elle est aussi l'auteur de douze recueils de poésie et d'essais littéraires parmi lesquels figurent un essai sur Paul Claudel et un autre sur Samuel Beckett. Elle a aussi traduit des poètes étrangers (dont T.S. Eliot) et écrit plusieurs pièces de théâtre.
Les poèmes de Zoé Karèlli composent un véritable journal intime, qui témoigne de la déchirure d’une double postulation antagonique : sensualité et mysticisme. « J'ai vécu avec force et sentiment, avec des émotions passionnées », dit-elle dans « Le dernier chant de Sapho ». Zoé Karelli est la sœur de l’écrivain Nikos-Gabriel Pentzikis.
Parmi les recueils de poésie sont le plus souvent retenus Cheminement (1940), La Saison de la mort (1948), Imagination du temps (1949), Solitude et orgueil (1951), Gravures et icônes (1952), Le Navire (1955), Cassandre (Kassandra kai oalla poiamata, anthologie, 1955), Contes du Jardin (1955), Contrastes (1957), Le Miroir de minuit (1958), Le Carrefour (1973). Zoé Karèlli a aussi publié son Journal en 1973.
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Le temps
quand j'étais enfant, le temps ne passait pas,
quand j'étais adolescente, il ne passait pas trop vite, un peu plus,
quand je fus adulte, il a passé vite, très vite,
et qu'est-ce que le temps sinon vivre le moment présent en se souvenant d'hier, pas trop, quelquefois,
c'est le temps, qui nous fait regretter,
qu'il passe trop vite ou qu'il ne passe pas quand les malheurs s'abattent sur nos vies comme des fatalités qui ne sont pas des fatalités.
Fait trop chaud ce soir !
clem
Rédigé par : clem | 06 septembre 2006 à 20:51
après tant de mer, d'algues, de soleil, de plages...
et tous les plongements en ces éléments naturels
qui aident presque à oublier "le moi" fatigué ou malade,
on arrive à devoir/vouloir se regarder, s'entendre...
entendre "le silence qui s'installe"...
qu'il soit "obscur" ou "clair" ça dépend, je crois,
du degré de vulnérabilité ou de confiance du "moi".
...
après l'interlude estival,
que je t'ai déjà souhaité plein d'"ivresse naturelle",
je t'embrasse amicalement. franca
Rédigé par : madeinfranca | 06 septembre 2006 à 21:32
Clem, Franca, quel bonheur de vous retrouver sur ce très beau poème de Zoé Karèlli! Je vous comprends, l'une et l'autre et je partage avec vous les mêmes antagonismes que ceux qui vous font vous rencontrer ici !
Oui, Clem, quand j'étais enfant le temps ne passait pas, mais c'est ce temps-là, interminable, illimité, immobile, que j'aimais. C'était cela pour moi, l'éternité. C'est ce temps-là qui a fui un beau jour, qui s'est désintégré à la vitesse d'un éclair, sans que je comprenne pourquoi. Je sais aujourd'hui que je me suis longtemps évertuée à retrouver cette éternité, puis à la recréer. En vain, bien sûr. L'éternité est d'une autre nature. Et je ne cherche plus à m'en saisir ni à m'y fondre.
Aujourd'hui, après tant de "plongements" au coeur de "l'ivresse naturelle", je me surprends en effet à vouloir me saisir du "silence qui s'installe". Mais je n'y suis pas encore. Il me faut faire quelques gammes. L'interlude estival est encore trop présent. Patience.
Rédigé par : Angèle Paoli | 08 septembre 2006 à 21:32