Aquatinte numérique originale, G.AdC
" [...] ce peu de rouge très sombre
qui mord de ses grumeaux le bas de la page.
J'écris en hâte le mot flaque, le mot étoile.
J'écris naissance."
Yves Bonnefoy,
La Nuit in Les Raisins de Zeuxis
La Vie errante,
Poésie/Gallimard, page 60.
« On me disait, non, ne prends pas, non, ne touche pas, cela brûle. Non, n’essaie pas de toucher, de retenir, cela pèse trop, cela blesse.
On me disait : lis, écris. Et j’essayais, je prenais un mot, mais il se débattait, il gloussait comme une poule effrayée, blessée, dans une cage de paille noire tachée de vieilles traces de sang. »
Yves Bonnefoy, "On me parlait", Les Raisins de Zeuxis, La Vie errante [1993], Gallimard, Collection Poésie, 2002, page 65.
YVES BONNEFOY Image, G.AdC ■ Yves Bonnefoy sur Terres de femmes ▼ → 25 juin 1981|Élection d’Yves Bonnefoy au Collège de France → À la voix de Kathleen Ferrier → L’Arrière-pays (lecture d’AP) → « Le dialogue d’angoisse et de désir » → Donner des noms → Le myrte → Les Raisins de Zeuxis → Vrai nom → Les Planches courbes : feuilleton pédagogique en 26 épisodes à l'usage des lycéens ■ Voir | écouter aussi ▼ → (sur le site Université de tous les savoirs) écouter/voir la vidéo d'une conférence d'Yves Bonnefoy (La parole poétique) du 17 novembre 2000 → (sur le site du Collège de France) une bio-bibliographie d'Yves Bonnefoy |
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cher Moi,
Je ne me suis rien dit,
je n'ai rien pris,
pas un mot de plus qu'il m'était donné dans ma tête et dans les livres que je lisais.
J'aurais dû faire quelques efforts et te demander cher moi quelques mots, quelques lettres, et je n'ai rien demandé, je n'ai rien pris. Puis un jour il était trop tard, tous les mots s'étaient envolés !
clem
Rédigé par : clem | 07 septembre 2006 à 21:06
Clem, les mots agissent à notre insu, tu le sais bien. Nous croyons ne rien prendre d'eux, ne rien re-tenir, ne rien garder. Nous croyons qu'ils n'ont rien à nous dire et que nous ne leur devons rien.
Pourtant, Clem, il y a tant de mots envolés qui ne demandent qu'à retrouver la langue et les mains qui les ont laissé s'échapper. Des mots de gueule et de sinople, des mots de brise-lames, des paroles gelées, dragéifiées dans les nues boréales et qui retombent en cliquetant sur le tillac, pour notre plus grande joie, à nous les grandes avaleuses de mots... Et puis aussi, des mots de "petite poule rousse" qui gloussait ses syllabes dans la méthode Baucher. Mon cher petit moi - de lectrice débutante-, déjà très fluctuant, n'en finissait pas d'ânonner à la suite de la Roussette, tout ce qu'elle inventait pour moi. Je n'avais pas forcément conscience de sa générosité de semeuse-picoreuse. Je la suivais, je déambulais avec elle, au fil des pages, sans me poser de questions. Elle est toujours là, la Roussette de mon enfance, tapie dans ma mémoire, comme "L'homme au noeud papillon" du Petit remorqueur. Ils sont modestes, sans prétention, sages, mais je leur dois le bonheur de ma rencontre avec "mes" premiers mots.
Rédigé par : Angèle Paoli | 08 septembre 2006 à 21:11