Ph., G.AdC
TOUT CELA QUI FUT
Tout cela qui fut, qui est l’éclat d’un moment
Étrange sans doute comme les métaphores des rêves
Offre une vision meilleure du temps
Malgré tant de figures réfractaires
Qu’en dépit de plus d’un détour
La langue échoue à prendre dans ses pièges,
Mais bien loin de se tenir à distance
Elles rayonnent assez fort pour que s’exerce
Au-delà des mots leur hégémonie souveraine
Sur l’esprit qui, grâce à elles, y voit plus clair
Quand il ne se laisse pas dévoyer par la phrase
Avec ses trop beaux accords, son rituel trompeur
Auxquels s’oppose en tout la communion silencieuse,
Ce feu profond sans méditation impure.
Prendre forme est si contraire à leur nature
Qu’il ne sert à rien de leur faire violence,
Elles ne respirent librement qu’en nous-mêmes
Qui sommes là pour les protéger du dehors
Bien qu’appelés avec elles à disparaître
Il en coûte aux vivants d’avoir à se taire
Comme si, prisonniers d’une vieille méfiance,
Ils avaient perdu la mémoire du cœur,
Oublié même ce que l’on nomme l’oubli
Dont chacun a besoin pour survivre.
Non, c’est quelque chose d’autrement obscur,
La tendresse qui fait s’étrangler la voix
Le devoir de l’amitié vigilante.
Louis-René des Forêts, Poèmes de Samuel Wood, Fata Morgana, 1988 (rééd. 2014), pp. 16-17.
NOTICE BIO-BIBLIOGRAPHIQUE
Louis-René des Forêts est né à Paris le 28 janvier 1918. Il publie son premier roman, Les Mendiants, en 1943 (édition définitive en 1986). En 1946, publication du Bavard. En 1960, année où il entre au comité de lecture des Editions Gallimard et signe le « Manifeste des 121 », Louis-René des Forêts publie La Chambre des enfants (Prix des Critiques). En 1967, il fonde la revue L'Éphémère, avec Yves Bonnefoy, André du Bouchet, Paul Celan, Jacques Dupin, Michel Leiris et Gaétan Picon, et publie au Mercure de France Les Mégères de la mer ; en 1969 Voix et détours de la fiction aux éditions du Seuil (ouvrage réédité en 1985 chez Fata Morgana) ; en 1986 Poèmes de Samuel Wood (ouvrage réédité chez Fata Morgana en 1988) ; en 1987 Le Malheur au Lido, en 1993 Face à l'Immémorable et en 1997 Ostinato.
Louis-René des Forêts est mort à Paris le 30 décembre 2000. En 2001 a eu lieu la publication posthume de Pas à pas jusqu'au dernier : « Ne pas se regarder vieillir dans le miroir que nous tend la mort, non plus que la défier avec de grands mots, mais, s’il se peut, l’accueillir en silence comme sourit à sa mère un enfant au berceau ».
LOUIS-RENÉ DES FORÊTS Louis-René des Forêts par Henri Cartier-Bresson, 1995 Source ■ Louis-René des Forêts sur Terres de femmes ▼ → Une voix venue d'ailleurs → 30 décembre 2000 | Mort de Louis-René des Forêts |
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le temps qui fut, prend des formes nouvelles dans nos mémoires. Des formes plus réelles ou plus imaginaires. le temps qui fut même idéalisé fut et ce sont des images teintées de nostalgie qui surgissent de nos mémoires qui oublient parfois le présent trop difficile à supporter.
clem
Rédigé par : clem | 29 septembre 2006 à 23:44
Je me souviens avec bonheur et j'aime toujours (mais où est donc ce livre ?) cette illustration de couverture du Bavard chez Gallimard. J'aime cette couverture comme ce livre. Cette étrange spirale ! Passant ma main dessus. Et je ne sais pourquoi, je garde encore pour lui une telle présence de l'objet.
Rédigé par : Cordesse | 02 octobre 2006 à 20:41