L’Amourier, 2006
Image, G.AdC
Une et multiple, l’enfant africaine d’Hélène Mohone déplie la mélopée des voix de sa souffrance. Tantôt elle, tantôt autre, l’enfant qui s’est un jour choisi le prénom melvillien d’Ishmaël ―« un prénom d’écriture »― se définit pourtant comme « inchangée et vide. » Elle est celle qui, « grandie trop vite », cherche à se guérir de l’enfant qu’elle a été. Une enfant qui « sourit pour ne pas qu’on l’oublie ». Écorchée par le désamour maternel et par l’abandon, l’enfant vit dans le monde de son père médecin, le monde des dispensaires de brousse, de la poussière et de la chaleur, des mouches et des gémissements. Meurtrie par la maladie, l’enfant est ce corps triste ― Corpus triste ― vidé, dès les origines, de « sa force d’enfant ». Corps d’écorchée vive qui souffre, pareil au sol croûteux du désert, livré à la sécheresse infertile. Pourtant, derrière l’apparent mutisme amnésique qui la guette, l’enfant cède la place à celle qui, devenue adulte, reconstitue par le travail de l’écriture, le monde de l’enfance perdue. Par jeu de pièces juxtaposées et par collages où se croisent et se superposent passé et présent, avant et après, « l’autre grandie » restitue à la fillette ses rituels et ses prières, les images et ses inventions, ses peurs et ses rêves. Ses amis et son « amoureux ». Avec, en toile de fond, comme noyées dans une demi-brume, d’autres images de l’Afrique, héritées de lectures enfantines idylliques. L’Afrique de Joseph Kessel. L’Afrique de Fortune carrée. Inconnues de l’enfant… et rêvées. De cette enfant africaine, livrée à la seule amitié de ses singes, l’adulte se souvient. Par ce récit hors temps, cruel et triste, l’adulte rend à l’enfant son passé déchiré. Et la rend peu à peu à elle-même. Jusqu’à l’incantation réconciliatrice finale : « Mes animaux ». L’enfant africaine peut enfin quitter le prénom d’Ishmaël. Angèle Paoli D.R. Texte angèlepaoli EXTRAIT « L’enfant sourit sans voir. Ce sourire ne pense à rien. C’est du roman à quatre sous, lu, boulimique, à toute heure, voiles et fret pour l’imaginaire, pour le sourire qui se remplit d’aventures en Pacifique, avalées et plus savoureuses qu’un bonbon. Ces aventures donnent de l’ampleur à l’enfant. Elle croise sur place comme un navire. Une vastitude menée toute bleue vers les îles Loyauté, les îles Beautemps-Beaupré, celles sous le Vent, les Trois-Rois, vers Chépénéhé, Makoura, Tanoriki, vers les récifs de la Gazelle, ceux se l’Astrolabe, de Cook, vers les mers d’Arafura, des Salomon, de Tasman, et cette profération magique : « Je m’appelle Ishmaël ». L’enfant s’appelle Ishmaël dans le souvenir d’avant et embarque sur un grand navire pour chasser la baleine blanche. » Hélène Mohone, L’Enfant africaine, Corpus triste, L’Amourier, 2006, pp. 37-38. |
■ Hélène Mohone sur Terres de femmes ▼ → Le Cœur cannibale (poème extrait du Cœur cannibale) → Le père à la main de fille (poème extrait du Cœur cannibale) → Psaume (poème extrait du Cœur cannibale) → En creux sur (poème écrit à la mémoire d'Hélène Mohone) ■ Voir aussi ▼ → le site de Hélène Mohone |
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Un ami m’a parlé de votre article sur mon texte que je viens de lire
Je voulais vous remercier pour ça
Je suis très touchée par la manière dont vous l’avez ressenti et dont vous l’exprimez
J’espère que nous aurons l’occasion de nous parler bientôt
bien cordialement
Hélène M
Rédigé par : Hélène Mohone | 03 octobre 2006 à 20:16
Le 20 avril 2007, à partir de 16h00, Hélène Mohone tiendra une conférence autour de son ouvrage L'Enfant africaine et autres textes, à la librairie Mollat à Bordeaux. Présentation : Claude Chambard. Improvisations musicales de Nathalie Brébia-Coulé.
Adresse :
15, rue Vital-Carles
33080 Bordeaux Cedex
tél. : 05 56 56 40 40
fax : 05 56 56 40 88
Rédigé par : Agenda culturel de TdF | 15 avril 2007 à 17:16