Naissance à Narbonne, le 11 septembre 1889 *, de Pierre Reverdy.
Ph., G.AdC
JOUR ÉCLATANT
Un mouvement de bras
Comme un battement d’ailes
Le vent qui se déploie
Et la voix qui appelle
Dans le silence épais
qu’aucun souffle ne ride
Les larmes du matin et les doigts de la rive
L’eau qui coule au dehors
L’ornière suit le pas
Le soleil se déroule
Et le ciel ne tient pas
L’arbre du carrefour se penche et interroge
La voiture qui roule enfonce l’horizon
Tous les murs au retour sèchent contre le vent
Et le chemin perdu se cache sous le pont
Quand la forêt remue
Et que la nuit s’envole
Entre les branches mortes où la fumée s’endort
L’œil fermé au couchant
La dernière étincelle
Sur le fil bleu du ciel
le cri d’une hirondelle.
Pierre Reverdy, Sources du vent [1929, Maurice Sachs éditeur], Mercure de France, 1949 (rééd. Gallimard, Collection Poésie, 2000).
NOTICE BIO-BIBLIOGRAPHIQUE
Dans le Livre de mon bord (1948), le poète définit la poésie en ces termes :
« La poésie est à la vie ce qu’est le feu au bois. Elle en émane et la transforme. Pendant un moment, un court moment, elle pare la vie de toute la magie des combustions et des incandescences. Elle est la forme la plus ardente et la plus imprécise de la vie. Puis la cendre. »
Prote et imprimeur de métier, Pierre Reverdy est un « moderne ». Tout comme Max Jacob, Raymond Roussel ou Jean Cocteau. Comme le sont aussi, en peinture, ses amis du Bateau-Lavoir : Picasso, Braque, Juan Gris.
Pour Pierre Reverdy, comme pour les artistes qu’il fréquente, il s’agit de créer des objets, indépendants, libérés de tout souci de représentation. Des « concrétions d’images, de rythmes et de mots », dégagées de la gangue des circonstances et du pathos. Il s’agit de faire du poème « un capteur et un transformateur de la réalité ». Pour autant, la poésie n’en demeure pas moins expérience de soi et du monde.
Soucieux de s’inscrire dans les combats de son temps, Pierre Reverdy s’engage dans la Première Guerre mondiale. Réformé, il fonde à son retour à Paris, en 1917, la revue littéraire d’avant-garde Nord-Sud (titre inspiré du nom de la ligne de métro qui relie Montmartre à Montparnasse). Revue à laquelle participent Guillaume Apollinaire, Max Jacob, Paul Dermée, Roch Grey, André Breton, Louis Aragon et Philippe Soupault. C’est dans cette revue (n° d'octobre 1917) que Reverdy publie pour la première fois l’essai intitulé L’Émotion , essai dans lequel Reverdy définit son esthétique de la poésie.
Retiré à Solesmes (rue du Rôle, à proximité de l’abbaye) à partir de 1926, le poète poursuit la publication de ses recueils de poèmes. Tendu tout entier dans sa quête de l’épure, Pierre Reverdy se consacre à un art austère, fondé sur « le pacte avec le silence ». En accord et en harmonie avec la vie quasi monacale qu’il s’est finalement choisie. Pierre Reverdy est l’auteur de nombreux recueils qui ont eu une influence importante sur les poètes de sa génération, sur les surréalistes en particulier. Ci-dessous, une sélection bibliographique :
- La Lucarne ovale (1916)
- Les Ardoises du toit (1918)
- Cœur de chêne (1921)
- Cravates de chanvre (1922)
- Les Épaves du ciel (1924)
- Écumes de la mer (1925)
- Flaques de verres (1929)
- Sources du vent (1929)
- Pierres blanches (1930)
- Ferraille (1937)
- Plein verre (1940)
- Plupart du temps (1945)
- Le Chant des morts (1948)
- Au soleil du plafond (1955)
- La Liberté des mers (1960, daté 1959)
- Sable mouvant (1966).
Angèle Paoli
D.R. Texte angèlepaoli
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* Selon l'état-civil, Pierre Reverdy est né le 13 septembre 1889. Mais Pierre Reverdy se disait né le 11 septembre en plein midi.
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Je découvre avec un immense bonheur votre revue littéraire...C'est magnifique ...et étonnant... depuis la disparition de la défunte revue RIGIRU et une éphémère tentative vite avortée de l'Université de Corti sur les poésies, peintures et sculptures des îles méditerranéennes ...j'avais le triste sentiment d'une terre littéraire en friche...
Merci à votre revue d'avoir pris la relève...
Cordialement...et à bientôt sur votre site...
Rédigé par : Jean-Mathieu Colombani | 13 septembre 2006 à 21:10
Jean-Mathieu Colombani, j'ai pris l'initiative de vous mettre en lien sur appuntamentu.com, de telle sorte que votre adresse de messagerie ne soit pas apparente. Cette précision pour que les lectrices et lecteurs de Tdf n'imaginent pas que vous vous autopromouvez...
Rédigé par : Webmestre de TdF | 13 septembre 2006 à 21:18
c'est le vent du soir
qui gémit dans les arbres,
ce n'est que le vent du soir,
emmenant les nuages noirs
pleins de pluie à l'ouest,
et qui bientôt s'ouvriront,
et la pluie arrivera,
lentement, puis, bruyante,
elle me fera lever la tête
de la page,
c'est le vent du soir
qui souffle dans les arbres,
ce n'est que le vent,
emportera t-il l'adieu
dans la page que je lui
ai envoyée aujourd'hui,
la page qui s'est offerte
blanche et qui s'est remplie
de nuages noirs,
la pluie viendra bientôt,
fermons la fenêtre,
je l'entends dans le lointain,
ce n'est que le vent du soir,
ce n'est que le vent.
clem
Rédigé par : clem | 13 septembre 2006 à 21:51
Chère Angèle,
Je m'autorise un commentaire sur un mot. Ce mot d' "austère" qui, à la lecture de votre billet, m'a porté jusqu'au dictionnaire, car je sentais en moi quelques réticences à l'accepter pour Reverdy.
En ouvrant donc le Petit Robert, j'y ai trouvé les synonymes "puritain", "rigoriste", ou "sévère", "dépouillé" mais sans contexte positif...
Et je compris alors mes réticences. Reverdy, dans ses qualités essentialistes, s'il faut tenter de le classer, n'est que faussement austère. Penser qu'il l'était, est, je pense, bien exagéré, un détour trop facile par le monastère qui se trouvait tout proche.
Quant à ces poésies, pour ma part, je ne trouve pas cela plus austère qu'un Guillevic, par exemple ; enfin, j'y trouve beaucoup plus de chaleur que chez d'autres, une chaleur douce, et essentiellement humaine.
Rédigé par : Cordesse | 15 septembre 2006 à 18:32
Merci, Cordesse, pour cette intervention. Oui, je comprends votre réticence face à l'emploi de ce mot "austère". J'ai voulu dire par là : "qui se refuse à toute facilité". Qui est une des acceptions (positives) que donne le TLFi. Peut-être est-ce une acception trop XIXe s. pour le Robert qui est un dictionnaire d'"encodage" de la langue contemporaine ?
Rédigé par : Angèle | 15 septembre 2006 à 20:04
Pour moi, "austère" ne veut pas dire "sans humanité", "sans chaleur", mais plutôt "limité au nécessaire", "sans décor", ou bien "sans chichi" - et cela peut être très positif !
Rédigé par : Ouchy | 16 septembre 2006 à 00:18