A mon trisaïeul Dominique Baldassari
Palmier de haute race
élégant élancé
tu étires tes voiles en partance
vers des rêves perdus
il ne te reste des terres
qui t’ont vu naître
que l’ombre portée de tes palmes
sur le mur chauffé à blanc
au creux de ta tour crénelée
tu balances au gré des vents
tes gréements effilés
dans le ciel transi de bleu
dans le ciel transi de bleu
l’ombre portée du palmier
murmure les noms effacés
de ceux qui se sont embarqués
les Baldassari, Giraldi, Giuliani, Pieretti,
Vincentelli…
du Cap Corse aux Amériques
ils ont navigué bourlingué
travaillés durement par la houle
un matin de demi-brume caraïbe
ils ont touché terre ferme
c’était dans les marécages du llanos
Ils se sont dispersés
aux quatre découpes des côtes
dans les haciendas blanches
entre Venezuela et Trinidad
ils ont battu le pavé des villes
à Caracas ils se sont enivrés
de la moiteur des femmes
du vin de palmes et d’aloès
ils ont bâti leurs fortunes
au prix d’un exil sans fin
dans les champs de coton de café de tabac
Un jour de demi-brume caraïbe
ils ont réinventé la mer
portés par un mal obscur
dans leur île natale ils ont débarqué
leurs lourdes malles gonflées d’or
ils ont élevé palais et tombeaux
ils reposent seigneurs apaisés
en leur terre
bercés par l’ombre portée
des palmier bleus
Angèle Paoli, Tramonti, Éditions Henry, Collection La main aux poètes, Montreuil-sur-Mer, 2015, pp. 43-46.
D.R. Ph. et texte angèlepaoli
|
Retour au répertoire du numéro d'août 2006
Retour à l'index de la catégorie Zibal-donna
Retour à l' index de mes Topiques
En voilà une aventure ! Est-ce un retour ? une découverte ? Et tout retour n'est-il pas découverte - de la chair du temps, de ce que le temps fait aux choses, à la terre, aux gens ? Découverte de soi, d'être là, être ainsi - être...
Il y avait un palmier, dans mon jardin natal. Encore dans sa jeunesse, on en flattait les palmes, tout enfant qu'on fût, en lacérait les feuilles filandreuses, se piquait aux dards jaunes, passait les doigts dans les régimes de fruits jaunes et durs, gros comme des olives, non comestibles mais si beaux. Il y avait ces mouvements les nuits de lune et de vent, et cette respiration caractéristique des palmes, ce murmure complexe, chuintement, écoulement, feulement...
Bonne nouvelle vie en Corse, Angèle ! A vie nouvelle, coeur nouveau. JMP.
Rédigé par : Jean-Marie | 29 août 2006 à 21:36
Une aventure, Jean-Marie, en effet ! Mais davantage une découverte qu’un retour. Que je partagerai avec les amis de Terres de femmes, dont vous êtes . Merci , Jean-Marie, de votre belle présence, attentive, attentionnée et affectueuse qui me touche et m’émeut.
Je n’ai vécu en Corse que tout enfant. Et au village, jamais en dehors des vacances, bien sûr. Une découverte donc, dont le désir couvait en moi de longue date. Mais je ne suis encore qu’au bord, habitée pour l’instant par l’esprit des vacances et la présence des miens, amis et enfants. Je n’ai pas le recul nécessaire pour imaginer les nouvelles rives solitaires et rudes auxquelles je vais aborder dans le courant de l’automne. Je n’ai pas pris toutes les mesures et encore moins toute la mesure… des choses, des gens, de la vie au village, des us et coutumes de ce microcosme dont les frontières et les reliefs sont déformés pendant l’été. Mon espace de travail n’est pas tout à fait délimité, mais j’ai hâte qu’il le soit et que je puisse enfin l’expérimenter. Il me faudra du temps et de la patience avant de trouver les marques propices à mon « inspiration » et à mon désir « d’être là, être ainsi ». Mon espace imaginaire va se changer en espace de vie et je suppose donc qu’il va me falloir inventer d’autres territoires, pour le moment inconnus. Mais je fais confiance aux feulements des palmiers et au mugissement permanent de la mer pour me guider et me maintenir droite, à la poupe de ma demeure. « A vie nouvelle, cœur nouveau ! » Merci, Jean-Marie, de ce bel encouragement.
Rédigé par : Angèle | 30 août 2006 à 16:35
Flap ... l'oiseau se pose ...
... si la vie n'était pas faite de départs et de changements ... elle ressemblerait à celle que tu vas trouver en Corse ... où le temps figé telle une glu s'accroche aux terres ancestrales ... où les vieilles femmes en noir sur le pas de la porte sont les gardiennes des traditions ... où l'on regarde l'étranger comme un usurpateur ... où les querelles tuent ... un pays sans présent où les chants polyphoniques vrillent d'une langueur pesante les espoirs d'avenir ... cette île était peut-être celle où Ulysse s'est fait attacher au mât de son navire pour mieux résister au chant des sirènes ... j'adore cette île ... chaque médaille a son revers ... chaque paradis son enfer !
En te souhaitant le meilleur ... et que l'ombre portée du palmier bleu te protège !
busardement
Rédigé par : busard | 31 août 2006 à 10:34
Cher Busard, merci pour ces conseils, même si je trouve cette vision un peu noire. Une des réponses (possibles...) est dans l'autoportrait de TdF :
"De par ma curiosité effrontée, je suis [...] aimantée par les spéculations et les griseries d'eau vive. Ceci m'a permis d'endiguer pour partie l'envoûtement torpide de la « claustration » insulaire et le dolorisme séculaire de la plainte, du « lamentu » et des « voceri »."
Mais je ne renie pas pour autant ma culture... loin de là, et j'ai aussi en mémoire le cri d'Ulysse à l'approche des côtes de l'île : "Kallistè". Cliquer aussi ICI.
Rédigé par : Angèle | 31 août 2006 à 14:33
Ecouter :
Un aeroplano a vela _______
de et par Gianmaria Testa
"un transatlantico di carta ti regalerò
quando dovrai partire
e un capitano con le mani lo navigherà
da questo a un altro mare
un transatlantico di carta ti regalerò
e un aeroplano a vela
ed un pilota con gli occhiali lo piloterà
da questo a un altro cielo
e un canarino canterino addomesticherò
per le giornate scure
di quando il mare e il cielo dicono di no
e non si può viaggiare
una bandiera senza segni ti regalerò
quando dovrai partire
e il vento forte di levante la sventolerà
che si potrà vedere
una bandiera senza segni ti regalerò
e una clessidra d'oro
quando la sabbia del deserto la trascorrerà
ti potrai riposare
e un canarino canterino addomesticherò
per le giornate scure
di quando il vento e il tempo dicono di no
e non si può tornare..."
Amicizia
Guidu___
Rédigé par : Guidu | 22 décembre 2008 à 23:49