LOSANGE NOIR
« Elle s’insinue sous les vagues
en brassant vers le fond
un bras recourbé d'angle
sur son front
l’autre elle l’allonge loin devant
elle veut atteindre le poisson volant
qui fend l’eau par gambades
surgit au-dessus des flots
puis s’enfonce en lançant
des jets de lumière
dans la pénombre froide
elle devine
masqués par les ondes sablonneuses
les losanges dorés qui pétillent
sur son corps fuselé
les nageoires effilées lui ouvrent
le mouvement que ses bras tentacules
tentent de mimer
elle fend la masse dure
vers le large
toujours rejoignant de nouveaux bancs
qui se glissent le long de son corps
en écailles
elle gagne une butte
qui surgit devant elle
rugueuses au regard les tentes de bédouins
l’invitent au repos spacieuses
les losanges noirs dessinent
leurs découpes sur le fond grisé
de la laine elle enjambe
et longe les corps
ourlés dans leurs couvertures
puis regagne la rive
en rôdant sur les bancs de sable
avec son corps elle rampe sur les raidillons
agglutinés par les soubresauts des vents
grimpe et se hisse jusqu’au sommet
soudain inaccessible de la dune
le corridor de pierre dans lequel elle s’engouffre
se raidit se resserre
parvenue au sommet de la dune
le mamelon s’effrite sous le poids de son corps
se désagrège s’efface
dans une avalanche
de grains minuscules elle se laisse couler
dans la vague de sable se fond
dans ses formes fragiles une coulée blonde
l’emporte dans son roulis elle dévale la pente
dans le tournoiement d’un nuage
qui menace de tout engloutir
le toboggan des sables
la dépose au pied de la tente berbère
qui ouvre ses rideaux sur son passage
un chien du désert tournoie sur lui-même et hurle
pareil à une toupie tornade
qui l’enroule
dans la rumeur
de son tourbillon »
Angèle Paoli
D.R. Texte angèlepaoli
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Cet "hommage à Hélène Cixous" me semble être la description poétique
du réseau de racinements/déracinements qui a caractérisé
une bonne partie de sa vie... losanges dorés/losanges noirs.
bisous, ma chère amie.
Rédigé par : madeinfranca | 30 juillet 2006 à 21:51
Oui, en infléchissant le verbe, la courbure devient totale, les circonférences n'ont plus besoin de centre, tout devient pourtour, frange, vertige. C'est à ce jour le seul moyen qu'elle ait trouvé de dépasser l'indépassable.
Elle a choisi la sublimation lucide à l'explication raisonnée.
Amicizia
Guidu___
Rédigé par : Guidu | 07 décembre 2007 à 11:14