Bill Brandt, Nude,
East Sussex Coast, 1959
Source
ODA A LA SOLEDAD
« Ah soledad,
mi vieja y sola compañera,
salud.
Escúchame tú ahora
cuando el amor
como por negra magia de la mano izquierda
cayó desde su cielo,
cada vez más radiante, igual que lluvia
de pájaros quemados, apaleado hasta el quebranto,
y quebrantaron
al fin todos sus huesos,
por una diosa adversa y amarilla.
Y tú, oh alma,
considera o medita cuántas veces
hemos pecado en vano contra nadie
y una vez más aquí fuimos juzgados,
una vez más, oh dios, en el banquillo
de la infidelidad y las irreverencias.
Así pues, considera,
considérate, oh alma,
para que un día seas perdonada,
mientras ahora escuchas impasible
o desasida al cabo
de tu mortal miseria
la caída infinita
de la sonata opus
ciento veintiséis
de Mozart
que apaga en tan insólita
suspensión de los tiempos
la sucesiva imagen de tu culpa.
Ah soledad,
mi soledad amiga, lávame,
como a quien nace, en tus aguas australes
y pueda yo encontrarte,
descender de tu mano,
bajar en esta noche,
en esta noche séptuple del llanto,
los mismos siete círculos que guardan
en el centro del aire
tu recinto sellado. »
José Ángel Valente, Mandorla, IV [1982], Material memoria (1977-1992), Obra poética 2, Alianza Literaria, Alianza Editorial, Madrid, 1999.
ODE A LA SOLITUDE
« Ah solitude,
ma vieille, ma seule compagne
salut.
Ecoute-moi maintenant que
l’amour
comme par noire magie de la main gauche
est tombé de son ciel,
chaque fois plus radieux, pareil à une pluie
d’oiseaux brûlés,
battu jusqu’au brisement, et tous ses os
à la fin furent brisés,
pour une déesse adverse et jaune.
Et toi, ô mon âme,
prends en compte, médite le nombre de fois
que nous avons péché en vain contre personne
et une fois de plus nous fûmes ici jugés,
une fois de plus, ô dieu, sur le banc
de l’infidélité et de l’irrévérence.
Ainsi donc, prends en compte, ô mon âme,
prends-toi en compte, ô mon âme,
pour qu’un jour tu sois pardonnée,
pendant qu’en cet instant tu écoutes impassible
ou détachée enfin
de ta mortelle misère
la cascade infinie
de la sonate opus
cent vingt-six
de Mozart
qui efface dans une si étrange
suspension des temps
l’image successive de ta faute.
Ah solitude,
solitude mon amie, lave-moi, comme celui qui naît, dans tes eaux lustrales,
que je puisse te rencontrer,
et, te donnant la main, descendre,
plonger dans cette nuit,
dans cette nuit, à présent, dans cette nuit septuple du sanglot,
à travers les sept cercles eux-mêmes qui gardent
au cœur de l’air
ton enceinte scellée. »
José Ángel Valente, Mandorle, IV, in Trois leçons de ténèbres, Gallimard, Collection Poésie, 1998, pp. 121-122. Traduction de Jacques Ancet.
Voir aussi : - (sur Terres de femmes) José Ángel Valente/LE cap entre dans les eaux (issu du même recueil) ; - (sur Terres de femmes) José Ángel Valente/SUR le seuil ; - (sur Terres de femmes) José Ángel Valente/TON image mélancolique; - (sur Terres de femmes) José Ángel Valente/Le tremblement ; - (sur le site José Corti) une notice bio-bibliographique sur José Ángel Valente. |
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Pour suivre la farandole des solitudes, se rendre chez http://tracesecrites.free.fr/blog/index.php?2008/05/30/360-farandoles-de-solitudes&cos=1>traces.
Rédigé par : Angèle | 02 juin 2008 à 10:03
Ce poème est magnifique :-) La photo "rodinisée" aussi !
Rédigé par : Didier | 02 juin 2008 à 14:22
Comme tu me fais plaisir Angèle ! Comme tu me fais plaisir et comme ce texte est beau ! J'ai lu à haute voix les deux versions, plusieurs fois. Je le préfère en espagnol, pour la musique.
"pour une déesse adverse et jaune." Quel sens donner à ce "jaune" d'après toi? Je ne le comprends pas.
Le sentiment de culpabilité ne nous plonge-t-il pas toujours dans une infinie solitude ? A tort ou à raison ? Un aspect qu'aucun farandoleur n'a abordé jusque là...
Rédigé par : traces | 02 juin 2008 à 14:23
Pour la déesse jaune, j'ai répondu chez le Garde-mots.
Culpabilité ? Mais par rapport à qui et par rapport à quoi ?, ma chère "traces". Dis-moi, ici ou ailleurs...
Rédigé par : Angèle | 02 juin 2008 à 20:18
Je viens sur la pointe des pieds vous tendre la main.... est-ce bien ainsi qu'il faut procéder ?
voici mon http://bagdadcafe-marianne.blogspot.com>lien
http://bagdadcafe-marianne.blogspot.com
Rédigé par : Organza | 03 juin 2008 à 21:15
Une solitude admirablement sonore...
Farandoliquement,
écume
Rédigé par : écume | 05 juin 2008 à 16:03
"Seules les traces font rêver."
René Char, Les compagnons dans le jardin, in La bibliothèque est en feu, La Parole en archipel, Bibliothèque de la Pléiade, page 382.
Rédigé par : lisa | 06 juin 2008 à 12:34
La soledad puede dar la muerte o la vida.
Rédigé par : enriqueta | 14 juin 2008 à 12:10
Je viens de lire "Ode à la solitude" à voix haute en espagnol aussi pour le bonheur de ce texte et de cette langue. Après votre commentaire de ce jour dans "Marche romane".
Ai beaucoup apprécié aussi la photo étonnante. Cette évidence, toujours, d'après-coup (d'oeil).
Merci.
Rédigé par : michèle pambrun | 12 octobre 2008 à 11:37