ENTRELACS
Consacré à la chorégraphe et danseuse bruxelloise Michèle Noiret, l’ouvrage de Fabienne Massiani-Lebahar, À deux pas de Michèle Noiret, offre un kaléidoscope d’images en mouvement. « Michèle sait danser »… « Michèle lit »… « Michèle scintille »… « Michèle joue »… « Elle tangue »… « Je l’observe ».
De cette observation d’« un corps qui danse, seul avec lui-même », est né le texte de Fabienne Massiani-Lebahar. Tentative de capter par l’étreinte des mots les fluctuants contours « d’une périlleuse création ». La seule « trajectoire » possible pour Fabienne Massiani-Lebahar de tenter de se projeter dans le « sort » de la danseuse.
À deux pas de Michèle Noiret est l’histoire d’une fugace et périlleuse proximité. Celle de deux femmes qui investissent l’espace de leurs émotions et de leur regard. L’une observant l’autre au plus précis et au plus sensuel de ses déplacements et de sa gestuelle. Exécutée en solitaire ou portée par d’autres danseurs. Trouée de l’espace, sauts et arrêts, torsions et enroulements, déroulements et rythmes, respirations et cris, désarticulations constituent l’écriture prismatique du corps. Une écriture de l’éphémère dont la pâte charnelle de l’écrivain fait revivre l’intime intensité. Vouée pourtant « à la disparition ». L’autre écriture, celle de Fabienne Massiani-Lebahar, passe par une analyse très affinée de la perception aigue qu’en observatrice silencieuse et tendue, elle a recueillie au cours d’une représentation chorégraphique de Michèle Noiret. D’une écriture à l’autre, entrelacs.
RESPIRATIONS ET INTERROGATIONS
Composé de six « scènes » qui évoquent et décrivent, au plus précis et au plus ajusté, les déplacements chorégraphiés de la danseuse, son investissement de l’espace scénique mais aussi de l’espace en général, son rapport avec soi et avec l’autre, son contact avec l’air qui entoure le corps, l’ouvrage de Fabienne Massiani-Lebahar comporte également des corpus en italiques ponctuant les différents moments de la chorégraphie. Dans ces intervalles de respiration et de questionnement, Fabienne Massiani-Lebahar interroge en même temps que « la continuité du geste entrepris », « la fulgurance de quelques gestes esquissés ». Enfin, une fois achevée la relation à la « sixième scène », l’auteure, en partie libérée de la tension à laquelle les chorégraphies de Michèle Noiret l’avaient arrimée, condense sa réflexion et l’ajuste sur une série de questions-réponses inspirées par la danseuse :
Les repères glissent au rythme des sons. » (page 48)
OU
« Sur quelle respiration expirer ?
Un labyrinthe simule l’issue. » (page 53)
Existentiels et énigmatiques, poétiques et essentiels, ces couples de questions et d’aphorismes conduisent Fabienne Massiani-Lebahar jusqu’à la résolution finale. Percer le mystère de Michèle Noiret. S’insinuer sur la « trajectoire » complexe « d’un être égaré, livré aux dérives de l’univers des autres, puis brusquement à ses propres effrois ». Afin de ne retenir de l’artiste qu’un détail : « peut-être son regard, d’un bleu incertain. »
« Regard de celle qui aurait vaincu la peur d’être autre qu’elle-même. Mais, en même temps, qui consentirait à conserver, quelques traces encore, de cette peur-là. »
À deux pas de Michèle Noiret, un très beau pas de deux. Signé Fabienne Massiani-Lebahar, architecte muséographe. Mais aussi danseuse.
Angèle Paoli
D.R. Texte angèlepaoli
EXTRAIT
« Elle tangue. Se dédouble, en conclusion d’une trajectoire, ses repères extraterritoriaux une fois marqués.
Elle ne se dévoile alors qu’en clair-obscur, pieds glissés au sol suivant une succession de petits pas mécaniques, frottant au passage quelques débris d’origine végétale, du moins croit-on de prime abord.
La nature est suggérée soit par ces éléments dispersés dans l’aurore ou le crépuscule alternés, soit par le corps offert à l’éclairage contrasté. Il n’existera que par son relief, osseux, veineux, tendineux, muscles en tension dégagés de l’articulation voisine.
Corps sans âge perçu dans le plus simple modelé. »
Fabienne Massiani-Lebahar, À deux pas de Michèle Noiret, Librairie-Galerie Racine, 2005.
Ci-après (en vidéo) le poème cinématographique, chorégraphique et musical réalisé par le cinéaste belge Thierry Knauff : Solo, chorégraphié et dansé par Michèle Noiret [Source]. |
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Angèle,
Je suis émue que vous puissiez avoir cette lecture de mon recueil, dont je ne m'attendais pas à la diffusion sur votre blog. Je suis très touchée, et de l'un et de l'autre.
Très sincèrement
en amitié poétique
Fabienne Massiani-Lebahar
Rédigé par : Fabienne Massiani-Lebahar | 09 juillet 2006 à 09:46