Image, G.AdC
Dans la nuit du 18 au 19 juillet 1374, François Pétrarque, surpris par une fièvre inattendue, meurt. À Arquà, dans les monts Euganéens, où il s’était retiré avec sa fille. Il venait de travailler toute la journée sans relâche à la remise en ordre des Rimes. Ces Poésies éparses (Rime disperse), qu’il considérait comme des pièces inabouties, des ébauches de poèmes, qui ne pouvaient figurer dans le recueil du Canzoniere.
Ainsi de ce sonnet aux accents « maniéristes » qui met en scène, sur le mode champêtre, trois jeunes femmes surprises, dans leur débat sur l’amour, par l’indiscrétion du poète. À la « quaestio » d’amour (située dans les deux tercets) succède la pointe finale du dernier vers, rapide, unique et péremptoire. Une flèche propre à désarçonner l’intrus.
INTORN’AD UNA FONTE
Intorn’ad una fonte, in un pratello
Di verdi erbette pieno e di bei fiori,
Sedean tre angiolette, i loro amori
Forse narrando, ed a ciascuna ’l bello
Viso adombrava un verde ramicello
Ch’i capei d’or cingea, al qual di fuori
E dentro insieme i dua vaghi colori
Avvolgeva un suave venticello.
E dopo alquanto l’una alle due disse
(com'io udi'): « Deh, se per avventura
di ciascuna l’amante or qui venisse,
Fuggiremo noi quinci per paura ? ».
A cui le due risposer : « Chi fuggisse,
Poco savia saria, con tal ventura ! »
AUTOUR D'UNE FONTAINE
Autour d’une fontaine, et dans un petit pré
Rempli d’herbette verte et de charmantes fleurs,
Étaient assises trois angelettes contant
Peut-être leurs amours; de chacune ombrageait
Le beau visage un vert rameau qui entourait
Leur chevelure d’or, tandis que tout autour,
Un petit vent suave entremêlait ensemble,
Dedans comme dehors, les deux jolies couleurs.
Au bout de quelque temps, l’une dit aux deux autres
(Comme je l’entendis) : « Si la fortune ici
Conduisait l’amoureux de chacune de nous,
Croyez-vous que la peur nous ferait nous enfuir ? »
Les deux autres alors firent cette réponse :
« Serait peu sage qui fuirait cette fortune ! »
Francesco Petrarca, Rime in Anthologie bilingue de la poésie italienne, Gallimard, Bibliothèque de La Pléiade, 1994, pp. 295-296. Traduction de Danielle Boillet.
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