Le
11 juillet 1904,
Henri Matisse se rend à Saint-Tropez pour y rejoindre Paul Signac, théoricien du « pointillisme ».
Henri Matisse, Luxe, calme et volupté, 1904
Huile sur toile, 98 x 118 cm
Musée d'Orsay, Paris.
Dation, 1982 ;
dépôt du musée national d’Art moderne/
CCI, Centre Georges-Pompidou, Paris, 1985.
LUXE, CALME et VOLUPTÉ
Cet été 1904, ébloui par la beauté de la lumière et les profusions généreuses de la nature, Matisse, l’homme du Nord habitué aux brumes et aux ciels incertains, entreprend de peindre la toile intitulée Luxe, calme et volupté. Inspirée par « L’Invitation au voyage » de Charles Baudelaire et marquée par le divisionnisme de Signac — une « tyrannie » dont Matisse parvient très vite à se libérer —, cette toile est une œuvre-clé dans la création du peintre. Elle est en effet la première œuvre réalisée par Matisse sur le thème de l’Âge d’or. À l’aube de l’humanité, hommes et femmes évoluent librement au sein d’une nature idéalisée.
Exposée au Salon des Indépendants, la toile sera achetée en 1905 par Paul Signac. Puis devient propriété du musée national d’Art moderne, qui l’acquiert par dation en 1982. La toile est depuis 1985 en dépôt au Musée d'Orsay.
L'INVITATION AU VOYAGE
« Mon enfant, ma soeur,
Songe à la douceur
D'aller là-bas vivre ensemble !
Aimer à loisir,
Aimer et mourir
Au pays qui te ressemble !
Les soleils mouillés
De ces ciels brouillés
Pour mon esprit ont les charmes
Si mystérieux
De tes traîtres yeux,
Brillant à travers leurs larmes.
Là, tout n'est qu'ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté.
Polis par les ans,
Décoreraient notre chambre ;
Les plus rares fleurs
Mêlant leurs odeurs
Aux vagues senteurs de l'ambre,
Les riches plafonds,
Les miroirs profonds,
La splendeur orientale,
Tout y parlerait
À l'âme en secret
Sa douce langue natale.
Là, tout n'est qu'ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté.
Dormir ces vaisseaux
Dont l'humeur est vagabonde ;
C'est pour assouvir
Ton moindre désir
Qu'ils viennent du bout du monde.
— Les soleils couchants
Revêtent les champs,
Les canaux, la ville entière,
D'hyacinthe et d'or ;
Le monde s'endort
Dans une chaude lumière.
Là, tout n'est qu'ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté. »
Charles Baudelaire, Les Fleurs du Mal [1857], Éditions Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1961, pp. 51-52.
J'aime beaucoup Matisse, j'aime beaucoup aussi ce poème de Baudelaire... Merci pour cet article.
Rédigé par : Elodie belllule | 13 juillet 2011 à 10:59