Naissance de
Paul Gauguin à Paris le
7 juin 1848. Quinze jours avant les journées des barricades, dressées dans la capitale en représailles à la fermeture des ateliers nationaux.
Paul Gauguin, Nevermore, 1897
Huile sur toile
60,5 cm x 116 cm
Courtauld Institute Galleries, Londres.
Source
Par sa mère, Paul Gauguin est le petit-fils de l’aventurière Flora Tristan. Auteur des Pérégrinations d’une paria et fondatrice du saint-simonisme. Clovis Gauguin, son père, était lui journaliste au National, et fut contraint de fuir le régime de Louis-Napoléon. Embarquant pour l’Amérique du Sud femme et enfant.
Les débuts chaotiques de Paul Gauguin, tant dans sa vie que dans son art, le conduisent à affirmer progressivement sa nature sauvage et primitive. Héritée de sa grand-mère Flora et de son enfance exotique. Son art synthétique (aplats de couleurs pures, cernes sombres) culmine dans ses réalisations bretonnes de l’époque de Pont-Aven. Soucieux de se tenir à l’écart des imitateurs, le « chef des peintres symbolistes » décide de s’exiler dans des terres plus proches de ses aspirations hédonistes. Il s’embarque une première fois pour Tahiti en 1891-1893. Les toiles réalisées au cours de cette période évoquent le retour aux grands mythes des origines.
En 1897, Paul Gauguin peint le tableau intitulé Nevermore. Tableau explicitement inspiré du poème d’Edgar Poe : « Le Corbeau » (The Raven). Traduit en 1853 par Charles Baudelaire dans la revue L’ Artiste.
NEVERMORE
Dans cette œuvre, le peintre reprend en écho certains aspects du poème: le titre, avec mise en abyme du texte et de la peinture. Le thème de la femme, à jamais perdue dans le poème d’Edgar Poe, présente-absente dans le tableau de Gauguin. Mais surtout, le corbeau. Symbole de la conscience douloureuse de l’artiste. Qui confère à l’œuvre picturale sa tonalité profondément mélancolique. Dans un décor intérieur à motifs floraux, une jeune Polynésienne est allongée nue sur un lit, le visage posé dans la paume de la main. La moue désabusée, le regard absent, perdu dans la viduité environnante, traduisent une inquiétude intérieure. La chair verdâtre, comme déjà mangée par le travail sournois de la putréfaction, n’est pas sans évoquer la charogne des Fleurs du Mal (« Une charogne »).
À l’arrière-plan du tableau, noyées dans les décorations florales de la pièce, deux autres femmes. À qui la nouvelle « Maja desnuda » tourne le dos. Rongée par la bile noire à l’œuvre dans sa chair, elle est coupée de leurs conciliabules. Par leur place dans le tableau, ces deux femmes font penser aux deux servantes de La Vénus d’Urbino du Titien. La construction du tableau, la disposition des différents éléments rendent ces deux œuvres très proches. Mais l’esprit en est radicalement opposé. Chez Gauguin, un corbeau veille, aveugle « oiseau de malheur », sur l’ennui profond qui oppresse l’âme de la jeune femme. Que les insatisfactions de l’amour laissent désabusée. Le « spleen » baudelairien hante Nevermore.
Peu soucieux de rendre compte d’une réalité précise, Gauguin gomme les formes, les simplifiant à l’extrême. L’artiste privilégie par son choix les rythmes intérieurs de son œuvre. Il faut s’imprégner du regard de cette jeune femme pour en éprouver toute la fascination.
Cette même année 1897, Gauguin songe au suicide. Dès lors, la toile intitulée D’où venons-nous ? Que sommes-nous ? Où allons-nous ? (Museum of Fine Arts, Boston) apparaît comme le testament esthétique de l’artiste.
Angèle Paoli
D.R. Texte angèlepaoli
Pour en savoir plus sur Flora Tristan et Paul Gauguin, on peut lire Le Paradis un peu plus loin de Mario Vargas Llosa (Gallimard, 2003) dans lequel il met en scène les "vies parallèles et le destin commun" de ces "deux êtres libertaires". Bonne lecture quoique un peu touffue.
Rédigé par : Pascale | 07 juin 2006 à 19:11
Merci Pascale, de ces informations. Justement, je cherchais ces jours-ci à savoir s'il existait un ouvrage sur les rapports entre Flora et son petit fils Paul. Je note donc cet ouvrage de Mario Vargas Llosa.
Rédigé par : Angèle Paoli | 09 juin 2006 à 09:42