Le 17 juin 1960 meurt à Solesmes (dans son domicile de la rue du Rôle) le poète Pierre Reverdy.
Amedeo Modigliani, Pierre Reverdy, 1915
Huile sur toile, 40,6 x 33,7 cm
Baltimore Museum of Art (Collection privée)
PROFIL CÉLESTE
L’ombre descend tout à coup dans les rayons des branches. Les toits glissent sans bruit sous la même fraîcheur. Des rires de bonheur coulent de la fenêtre et la clarté revient, du mur jusqu’au front de la tête et des arbres, dans l’angle où se croisent des lignes de couleur.
Dans la lumière tendre où l’avenir se cache, il y a un souvenir qui tourne, s’arrête et me menace. Puis le profil d’en haut s’abat sur l’horizon, écrase mon désir et prend toute la place. Quand même, il faut partir.
Pierre Reverdy, La Liberté des mers [Maeght, 1959], Gallimard, Collection Poésie/Gallimard, page 58.


NOTICE BIO-BIBLIOGRAPHIQUE
Dans le Livre de mon bord (1948), le poète définit la poésie en ces termes :
« La poésie est à la vie ce qu’est le feu au bois. Elle en émane et la transforme. Pendant un moment, un court moment, elle pare la vie de toute la magie des combustions et des incandescences. Elle est la forme la plus ardente et la plus imprécise de la vie. Puis la cendre. »
Prote et imprimeur de métier, Pierre Reverdy est un « moderne ». Tout comme Max Jacob, Raymond Roussel ou Jean Cocteau. Comme le sont aussi, en peinture, ses amis du Bateau-Lavoir : Picasso, Braque, Juan Gris.
Pour Pierre Reverdy, comme pour les artistes qu’il fréquente, il s’agit de créer des objets, indépendants, libérés de tout souci de représentation. Des « concrétions d’images, de rythmes et de mots », dégagées de la gangue des circonstances et du pathos. Il s’agit de faire du poème « un capteur et un transformateur de la réalité ». Pour autant, la poésie n’en demeure pas moins expérience de soi et du monde.
Soucieux de s’inscrire dans les combats de son temps, Pierre Reverdy s’engage dans la Première Guerre mondiale. Réformé, il fonde à son retour à Paris, en 1917, la revue littéraire d’avant-garde Nord-Sud (titre inspiré du nom de la ligne de métro qui relie Montmartre à Montparnasse). Revue à laquelle participent Guillaume Apollinaire, Max Jacob, Paul Dermée, Roch Grey, André Breton, Louis Aragon et Philippe Soupault. C’est dans cette revue (n° d'octobre 1917) que Reverdy publie pour la première fois l’essai intitulé L’Émotion, essai dans lequel Reverdy définit son esthétique de la poésie.
Retiré à Solesmes (rue du Rôle, à proximité de l’abbaye) à partir de 1926, le poète poursuit la publication de ses recueils de poèmes. Tendu tout entier dans sa quête de l’épure, Pierre Reverdy se consacre à un art austère, fondé sur « le pacte avec le silence ». En accord et en harmonie avec la vie quasi monacale qu’il s’est finalement choisie. Pierre Reverdy est l’auteur de nombreux recueils qui ont eu une influence importante sur les poètes de sa génération, sur les surréalistes en particulier. Ci-dessous, une sélection bibliographique :
- La Lucarne ovale (1916)
- Les Ardoises du toit (1918)
- Cœur de chêne (1921)
- Cravates de chanvre (1922)
- Les Épaves du ciel (1924)
- Écumes de la mer (1925)
- Flaques de verres (1929)
- Sources du vent (1929)
- Pierres blanches (1930)
- Ferraille (1937)
- Plein verre (1940)
- Plupart du temps (1945)
- Le Chant des morts (1948)
- Au soleil du plafond (1955)
- La Liberté des mers (1960, daté 1959)
- Sable mouvant (1966).
Angèle Paoli
D.R. Texte angèlepaoli
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La poésie de Reverdy me touche profondément. Je trouve dommage qu'il soit un peu oublié actuellement.
Rédigé par : Geneviève C | 17 juin 2006 à 21:59
Geneviève, je crois que vous trouverez un embryon de réponse dans cet article de Gil Jouanard. Non, Pierre Reverdy n'est pas dans "l'air du temps". Mais a-t-il jamais voulu l'être ?
Combien aujourd'hui peuvent véritablement "entendre" cette profession à l'heure du "marché" de la poésie :
"La poésie n'est pas cette chose inutile et gratuite dont on pourrait si facilement se passer - elle est au commencement de l'homme, elle a ses racines dans son destin"
(Pierre Reverdy, "La fonction poétique", Mercure de France n° 1040).
Rédigé par : Yves | 17 juin 2006 à 22:24
ce poète m'était inconnu
terre inconnue
pourquoi tant de poètes laissés à l'oubli?
Quel dommage...
Rédigé par : Viviane | 19 juin 2006 à 08:19
Merci, Yves, pour ces indications.
Rédigé par : Geneviève C | 19 juin 2006 à 15:05
En ce jour anniversaire du décès de Pierre Reverdy, j'aimerais dire qu'un grand poète est un poète mort, -- bien mort !
Rédigé par : Serge Venturini | 17 juin 2007 à 17:57
Est-ce à dire, a contrario, qu'un petit poète est un poète vivant ? Bien vivant ?
Rédigé par : Yves | 17 juin 2007 à 18:01
La société ne reconnaît que les poètes bien morts, cher Yves, les vivants, bien vivants, n'intéressent personne.
Le solitaire de Solesmes le savait, lui qui vivait en marge des milieux parisiens.
Tel était le sens de ma parole.
Amicizia
Rédigé par : Serge Venturini | 17 juin 2007 à 20:53