Du Maître d’astres
et de navigation :
Ph., G.AdC
« Ils m’ont appelé l’Obscur, et mon propos était de mer.
« L’Année dont moi je parle est la plus grande Année; la Mer où j’interroge est la plus grande Mer.
« Révérence à ta rive, démence, ô Mer majeure du désir…
« La condition terrestre est misérable, mais mon avoir immense sur les mers, et mon profit incalculable aux tables d’outre-mer.
« Un soir ensemencé d’espèces lumineuses
« Nous tient au bord des grandes Eaux comme au bord de son antre la Mangeuse de mauves,
« Celle que les vieux Pilotes en robe de peau blanche
« Et leurs grands hommes de fortune porteurs d’armures et d’écrits, aux approches de roc noir illustré de rotondes, ont coutume de saluer d’une ovation pieuse.
« Vous suivrai-je, Comptables ! et vous Maîtres du nombre !
« Divinités furtives et fourbes, plus que n’est, avant l’aube, la piraterie de mer ?
« Les agioteurs de mer s’engagent avec bonheur
« Dans les spéculations lointaines : les postes s’ouvrent, innombrables, au feu des lignes verticales…
« Plus que l’Année appelée héliaque en ses mille et milliers
« De millénaires ouverte, la Mer totale m’environne. L’abîme infâme m’est délice, et l’immersion, divine.
« Et l’étoile apatride chemine dans les hauteurs du Siècle vert,
« Et ma prérogative sur les mers est de rêver pour vous ce rêve du réel… Ils m’ont appelé l’Obscur et j’habitais l’éclat. »
Saint-John Perse, Du Maître d’astres et de navigations (extrait), Amers [1957], Gallimard, Collection Poésie, 2004, p. 36.
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La poésie minérale de Saint-John Perse cristallise le plaisir de lire, et l'imagination court, fulgurante, regard noyé dans l'écume saturée de blanc sur les camaïeux de bleus...
Merci, Angèle, pour ces moments...
Rédigé par : maryann | 01 juin 2006 à 10:16