Médée
Peinture d'Herculanum,
v. 70 apr. J.-C.
Galleria Nazionale di Capodimonte, Napoli.
Le 8 mai 1940, deux jours avant l’offensive allemande, création française à l’Opéra de Paris de l’opéra Médée de Darius Milhaud.
Commande de l’État, l’opéra en trois actes Médée est composé par Darius Milhaud à Aix-en-Provence en août 1938. Sur un livret de Madeleine Milhaud (l'épouse du compositeur), inspiré d’Euripide. D’abord créé à Anvers à l’Opéra flamand le 10 septembre 1939, Médée voit le jour à Paris dans une mise en scène de Charles Dullin et des décors d’André Masson. Au pupitre, Philippe Gaubert. L’opéra de Darius Milhaud reçoit un accueil enthousiaste.
ARGUMENT : La scène se passe à Corinthe.
Répudiée par Jason (ténor) qui s’apprête à épouser Créüse (Janine Micheau, soprano), Médée (Marisa Ferrer, soprano) se venge de l’infidélité de son époux en offrant à sa rivale une robe imprégnée de venin. Créüse mourra empoisonnée par la robe qu’elle va revêtir. Quant à Jason il sera condamné à voir périr les deux enfants qu’il a eus de Médée, tués par les mains de leur propre mère.
« Depuis plus de quinze ans, Milhaud rêvait d’écrire cette tragédie musicale où se mêlent tendresse et cruauté. Pour Créüse, le compositeur a imaginé une musique d’un charme particulier : « Et bientôt notre vie s’écoulera », premier tableau, scène 1 ; tandis que le caractère haineux et la cruauté de Médée sont exprimés par le déferlement rapide de la ligne musicale : « Et vous, déesses infernales aux affreuses chevelures de serpents », premier tableau, scène 2 ; la tendresse de Médée apparaît enfin lorsque viennent les enfants : « Mes chers petits, venez embrasser votre mère », troisième tableau, scène 8 ; l’invocation à Hécate : « J’ai attiré des monstres innombrables », second tableau, scène 6, au cours de laquelle Médée supplie la déesse de l’assister et de lui donner le courage d’accomplir son horrible forfait, constitue un passage grandiose. La simplicité de la mélodie, traitée en longues périodes auxquelles s’incorporent parfois des vocalises, sert de référence à cette partition, qui, de tous les ouvrages de Milhaud, apparaît comme l’une des plus équilibrées dans sa forme. »
Yves Ferraton, Dictionnaire des oeuvres de l'art vocal, Bordas, 1991, page 1219.
EXTRAIT DE MÉDÉE D’EURIPIDE
« O mes enfants, mes enfants, une cité vous attend à présent,
une maison où me laissant à mon malheur
vous allez habiter pour toujours, privés de votre mère,
et moi je vais partir pour la terre étrangère, exilée,
avant d’avoir été par vous heureuse et d’avoir vu votre bonheur,
de vous avoir mariés, d’avoir paré votre lit nuptial,
d’avoir tenue levée la torche de vos noces,
perdue, ah ! Condamnée par mon sauvage orgueil,
À quoi me sert, ô mes petits, de vous avoir nourris,
d’avoir peiné, d’avoir souffert, de m’être usée,
de m’être déchirée dans les douleurs en vous mettant au monde ?
Ah ! Je le jure, pauvre de moi, j’avais en vous tous mes espoirs,
vous deviez nourrir ma vieillesse,
morte m’ensevelir dignement de vos mains,
c’est ce que tous les hommes souhaitent. Effacée à présent
cette douce pensée ! Privée de vous
je vais traîner ma vie dans la misère et la souffrance.
Et vous, plus jamais vos chers yeux ne verront votre mère. »
Euripide, Médée, Éditions Gallimard, Collection Folio, 1962, Cinquième épisode, vers 1022-1038, pp. 181-182.
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