Mort à Paris, le 7 mai 1979, à l'âge de cinquante-huit ans, de Pierre Viansson-Ponté
(né à Clisson le 2 août 1920).
LA FRANCE S'ENNUIE
Journaliste et écrivain, Pierre Viansson-Ponté est un des fondateurs de l’hebdomadaire L’Express (aux côtés de Françoise Giroud et de Jean-Jacques Servan-Schreiber) dont le premier numéro parut le 15 mai 1953. Il en fut le rédacteur en chef jusqu’en 1958 avant de devenir chef du service politique (1958), rédacteur en chef adjoint (1969), éditorialiste et conseiller de direction (1972-1977) du journal Le Monde.
Il est notamment l’auteur de Changer la mort, en collaboration avec Léon Schwartzenberg (1977) et d’Histoire de la République gaullienne (1981).
Pierre Viansson-Ponté est aussi l’auteur d’un des plus célèbres éditoriaux du Monde : « La France s’ennuie… la jeunesse s’ennuie… le général de Gaulle s’ennuie », paru le 15 mars 1968... Peu avant les événements de Mai 1968.
EXTRAIT
« Ce qui caractérise actuellement notre vie publique, c'est l'ennui. Les Français s'ennuient. Ils ne participent ni de près ni de loin aux grandes convulsions qui secouent le monde. [...] Les Français ont souvent montré qu'ils aimaient le changement pour le changement, quoi qu'il puisse leur en coûter. Un pouvoir de gauche serait-il plus gai que l'actuel régime ? La tentation sera de plus en plus grande, au fil des années, d'essayer, simplement pour voir, comme au poker. L'agitation passée, on risque de retrouver la même atmosphère pesante, stérilisante aussi. On ne construit rien sans enthousiasme. Le vrai but de la politique n'est pas d'administrer le moins mal possible le bien commun, de réaliser quelques progrès ou au moins de ne pas les empêcher, d'exprimer en lois et décrets l'évolution inévitable. Au niveau le plus élevé, il est de conduire un peuple, de lui ouvrir des horizons, de susciter des élans, même s'il doit y avoir un peu de bousculade, des réactions imprudentes. Dans une petite France presque réduite à l'hexagone, qui n'est pas vraiment malheureuse ni vraiment prospère, en paix avec tout le monde, sans grande prise sur les événements mondiaux, l'ardeur et l'imagination sont aussi nécessaires que le bien-être et l'expansion. Ce n'est certes pas facile. L'impératif vaut d'ailleurs pour l'opposition autant que pour le pouvoir. S'il n'est pas satisfait, l'anesthésie risque de provoquer la consomption. Et à la limite, cela s'est vu, un pays peut aussi périr d'ennui. »
« La jeunesse s'ennuie, » poursuit Viansson-Ponté. « Les étudiants manifestent, bougent, se battent en Espagne, en Italie, en Belgique, en Algérie, au Japon, en Amérique, en Allemagne, en Pologne même. Ils ont l'impression qu'ils ont des conquêtes à entreprendre, une protestation à faire entendre, au moins un sentiment de l'absurde à opposer à l'absurdité. Les étudiants français se préoccupent de savoir si les filles de Nanterre et d'Antony pourront accéder librement aux chambres des garçons. »
Une semaine plus tard naissait à Nanterre le mouvement du 22 mars, animé par Daniel Cohn-Bendit.
Les murs ont la parole :
affiche de mai 1968
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Quelle surprenante actualité dans certaines de ces lignes !
Rédigé par : Pascale | 07 mai 2006 à 21:10