Ariane Mnouchkine Image, G.AdC La Cartoucherie de Vincennes ? Que de fois je m’y suis rendue, emplie d’un exaltant bonheur, que de fois j’y ai croisé, admiratrice silencieuse et émue, la grande dame déambulant parmi « ses gens », ou orchestrant le spectacle en pleine action ? Je me souviens de mes longues itinérances nocturnes pour rejoindre ce lieu, « d’une familiarité grandiose, d’une humilité majestueuse » ! Que de repas partagés dans le vaste hall, bourdonnant de l’effervescence de l’attente ? Que de temps passé à assister, dans une fascination enfantine, à la cérémonie de l’habillage des comédiens ? À les regarder s’entraider dans les coulisses ? Pour s’adonner au rituel silencieux, à peine ponctué de quelques remarques à voix basse, de la pose des masques. Ou du laçage des cothurnes ou des cuirasses, superpositions de crinolines, bustiers et carcans empesés. Que de nuits ferventes à vibrer aux chants obscurs des Tambours sur la digue. Ou de ceux encore plus sombres du cérémonial des Atrides. Le triptyque de L’Orestie d’Eschyle. Je me souviens de ces longues nuits d’hiver où ils prenaient place sur les hauteurs de l’amphithéâtre pour assister aux différents épisodes de la trilogie. Ariane était là, dans leur dos. Soudain, n’y tenant plus, elle avait quitté son poste, interrompant le spectacle. Elle était descendue dans l’arène des acteurs et avait distribué des consignes. Transformant la pièce en répétition improvisée. Elle avait prié son public de ne pas quitter la salle. Elle rembourserait chacun des spectateurs. Elle faisait appel à leur indulgence. Le travail reprit. Et dura toute une partie de la nuit. Ils ne sentaient ni la fatigue, ni le sommeil, ni l’inconfort de leur installation. La magie opérait dans ces décors d’un autre temps, portée par ces voix ancestrales, qui faisaient immerger chacun d'eux dans ses lointaines origines. Ils avaient éprouvé dans leurs fibres les tensions charnelles qui unissaient les acteurs avec leur metteur en scène. Ils avaient partagé le même trac, les mêmes folies criminelles, les mêmes passions, les mêmes douleurs. Ils sortaient des Atrides meurtris mais comblés. Remplis pour longtemps d’une force vitale mystérieuse qui continuerait d’agir dans leurs chairs, à leur insu. C’était cela, le Théâtre du Soleil. C’est toujours cela. Une exigeante énergie, nourrie de la passion d’Ariane Mnouchkine pour le théâtre, passion qu'elle partage avec ses acteurs, avec la communauté de ses artistes. Et avec son public. C’est de ce partage que se nourrit la force vitale d’Ariane Mnouchkine. Force vitale qui est aussi un don de soi. Angèle Paoli D.R. Texte angèlepaoli Source ARIANE MNOUCHKINE S'ENTRETIENT AVEC FABIENNE PASCAUD « Ma seule arme, c’est le renoncement, toujours possible. Mais si je m’en vais un jour, c’est parce que je me serai dit: le Soleil existe depuis quarante ans, aujourd’hui je n’ai plus la force qu’il soit tous les jours sur la pente ascendante. Car nous avons tous une pente et, chaque matin, il nous faut décider : est-ce que je la monte ou est-ce que je la descends ? Quelqu’un qui dirige, c’est quelqu’un qui doit se débrouiller pour toujours faire monter la pente. Et aussi, c’est quelqu’un qui unit. Et jusqu’à présent, je crois que j’ai su unir. - Autour de quoi ? - Du théâtre. De l’utilité du théâtre. De l’utilité civilisatrice du théâtre. Du pouvoir éducateur du théâtre. Du pouvoir progressiste du théâtre. Même si c’est fragile. Il faut résister au diable. Et parfois être impopulaire. Le diable, ça veut dire division. C’est l’étymologie du mot diable : celui qui fait deux, là où il y avait un. Parfois il vaut mieux unir contre soi plutôt que de désunir. Il faut ce courage. » Ariane Mnouchkine, Entretiens avec Fabienne Pascaud, L’Art du présent, Plon, 2005, pp. 186-187. |
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Ariane et Martine ______
Merci chère Angèle,
Votre article sur Ariane Mnouchkine me donne l’ occasion de vous emmener voir le travail remarquable de son amie, de sa photographe exclusive, MARTINE FRANCK
Une "maîtresse" pour moi (si je peux me permettre cette formulation...) … Et, excusez du peu, chez Magnum photos !
Amicizia
Guidu _______
Rédigé par : Guidu | 29 mai 2006 à 15:10
C'est chouette, Guidu, que tu nous parles de cette "très très" grande photographe. Dont j'ai déjà eu l'occasion de voir plusieurs expos et dont je possède un superbe port-folio original. Plus j'y réfléchis, plus me viennent à l'esprit les noms de grandes photographes. Et je ne pense pas seulement à Dora Maar ou à Gisèle Freund (dont une expo démarre début juin à Milan). Tiens, regarde le papier de Henri Peyre sur Sarah Moon, dont le nom est trop souvent exclusivement rattaché à celui de Cacharel.
Rédigé par : Yves | 29 mai 2006 à 16:51
AU PARADIS DES MENDIANTS...les sans-parole nous racontent la prise de la Bastille...le Songe d'une nuit d'été...le palais des Merveilles des foires foraines...Lorenzaccio...le déjeuner sur l'herbe...la Cerisaie...la bonne âme de Se Tchouan...Arlequin serviteur de deux maîtres
AU PARADIS DES MENDIANTS...à l'horloge qui bat à leur tempe...dans les coulisses de la Cour d'Honneur d'Avignon...face au miroir de leur maquillage...Qui suis-je? Où suis-je? Est-ce moi qui donne la vie ou bien la vie du poète qui entre en moi ?...mon Dieu votre Altesse et cette part de l'ombre de votre Paradis Comique...J'ai beau mettre du fond de teint sur l'éponge des sourires...J'ai beau puiser dans la mallette des Illusions et des Eblouissements....Que suis-je bon sang ? Que sommes-nous?...
la question reste et vous ne m'avez pas répondu
JJ DORIO, Petites Feuilles de Paradis
Encres Vives, 2005
(avec Ariane Mouchkine et Le Théâtre du Soleil Gérard et Anne Philipe Musset et Jean Tardieu)
Rédigé par : jean jacques dorio | 30 mai 2006 à 03:20
Tout en vous lisant, JJ DORIO, je pensais au quotidien qui m'attend : l'envers du paradis. M'est aussitôt venue à l'esprit la phrase de Butor dans L'Horticulteur itinérant :
"Le journal quotidien
est comme un théâtre
dans lequel les décors sont retournés"
Rédigé par : Yves | 30 mai 2006 à 07:24
Bonjour,
Je suis un neveu de Jean Marie Verselle et Anne Demeyer, qui ont été tous deux artistes de la troupe d'Ariane Mnouchkine dans les années 60/70. Le fils de Jean Marie, Vincent VERSELLE et son filleul Christophe LAWNICZAK, ont créé un blog sur Jean Marie. Nous sommes tous à la recherche de documents le concernant pour alimenter le blog. Alors, si vous avez des photos, articles de presse, des témoignages ou autres, celà serait d'une grande aide pour nous... L'adresse du blog est:jeanmarieverselle.unblog.fr
Rédigé par : ludovic lawniczak | 14 avril 2008 à 11:16
Ariane Mnouchkine sera le 23 avril à la Cinémathèque de Portu Vechju.
Amicizia
Nadine
Rédigé par : Nadine Manzagol | 19 avril 2008 à 18:27