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22 mai 2006

22 mai 1808/Naissance de Gérard de Nerval

Éphéméride culturelle à rebours




    Naissance à Paris, le 22 mai 1808, de Gérard de Nerval, de son vrai nom Gérard Labrunie (1808-1855).




Souvenir
Jean-Baptiste Camille Corot,
Souvenir de Mortefontaine

Salon de 1864
Huile sur toile, 65 x 89 cm
Musée du Louvre, Paris.
Source




GÉRARD LABRUNIE, PRINCE d’AQUITAINE

    Originaire du Périgord par son père, Étienne Labrunie, médecin-adjoint de la Grande Armée, Gérard de Nerval est attaché à la terre du Valois par sa mère, Marie-Antoinette-Marguerite Laurent, fille d’un commerçant linger de la rue Coquillière à Paris. Tiraillé par ce double héritage, Gérard Labrunie, « Prince d’Aquitaine » féru de généalogie et d’ésotérisme, ancrera une part de sa fantasmatique en terre agenaise tandis que la terre maternelle et le « clos de Nerval », situé non loin de Loisy, lui inspireront son pseudonyme et « la géographie magique » qui baigne certains de ses récits et poèmes.


SYLVIE

    Confié très tôt à son grand-oncle Antoine Boucher, Gérard de Nerval grandit à Mortefontaine. Le paysage du Valois - ses étangs et ses rivières, ses lumières et ses légendes - lui inspire, en 1853, Sylvie. Sans doute la plus aboutie et la plus lumineuse des sept nouvelles qui composent le recueil des Filles du feu (paru en 1854). Toile de fond qui nourrit sa sensibilité et son imagination. Hanté par l’absence d’une mère qu’il n’a pas connue, le poète s’ingénie à reconstituer le « puzzle » de sa mémoire. Tandis que viennent se surimprimer dans les décors voilés et oniriques du paysage maternel, les trois figures féminines fondatrices de l’œuvre, images de la femme à la fois aimée et perdue. À Adrienne, la noble baronne de Feuchères, entrevue au cours de l’enfance et sublimée en une figure chrétienne, vient se substituer Aurélia, la déesse infernale, inspirée par Jenny Colon. La troisième figure est celle de la petite paysanne du Valois, Sylvie, amie d’enfance du poète.


LES FILLES DU FEU

    Subtilement reliées selon la mythologie personnelle du poète, autour des figures françaises du Valois - Angélique et Sylvie - et des figures italiennes - Octavie, Corilla, Isis - les nouvelles du recueil des Filles du feu, nourries des croyances et des « chimères » nervaliennes, révèlent la quête insatiable et désespérée de la femme aimée.

Incarnée dans la passion obsessionnelle de Nerval pour la comédienne Jenny Colon, le visage de la femme aimée est en partie entrevu et dévoilé à travers le syncrétisme opéré par l’écriture. Tantôt réelle, tantôt idéalisée, la femme appartient à un temps cyclique. Éternel et mythique. Le seul qui rende possible la réconciliation de « l'inconsolé » avec Aurélia, Jenny, Isis, la Vierge et la Mère.

    « La treizième revient… C’est encor la première ;
Et c’est toujours la Seule, - ou c’est le seul moment… »

Artémis in Les Chimères.

Angèle Paoli
D.R. Texte angèlepaoli



EXTRAIT


ADRIENNE


    « Je regagnai mon lit et je ne pus y trouver le repos. Plongé dans une demi-somnolence, toute ma jeunesse repassait en mes souvenirs. Cet état, où l’esprit résiste encore aux bizarres combinaisons du songe, permet souvent de voir se presser en quelques minutes les tableaux les plus saillants d’une période de la vie.
   Je me représentais un château du temps de Henri IV avec ses toits pointus couverts d’ardoise et sa face rougeâtre aux encoignures dentelées de pierres jaunies, une grande place verte encadrée d’ormes et de tilleuls, dont le soleil couchant perçait le feuillage de ses traits enflammés. Des jeunes filles dansaient en rond sur la pelouse en chantant de vieux airs transmis par leurs mères, et d’un français si naturellement pur, que l’on se sentait bien exister dans ce vieux pays de Valois, où, pendant plus de mille ans, a battu le cœur de la France.
    J’étais le seul garçon dans cette ronde, où j’avais amené ma compagne toute jeune encore, Sylvie, une petite fille du hameau voisin, si vive et si fraîche, avec ses yeux noirs, son profil régulier et sa peau légèrement hâlée !... Je n’aimais qu’elle, je ne voyais qu’elle, - jusque- là ! À peine avais-je remarqué, dans la ronde où nous dansions, une blonde, grande et belle, qu’on appelait Adrienne. Tout à coup, suivant les règles de la danse, Adrienne se trouva placée seule avec moi au milieu du cercle. Nos tailles étaient pareilles. On nous dit de nous embrasser, et la danse et le chœur tournaient plus vivement que jamais. En lui donnant ce baiser, je ne pus m’empêcher de lui presser la main. Les longs anneaux roulés de ses cheveux d’or effleuraient mes joues. De ce moment, un trouble inconnu s’empara de moi. La belle devait chanter pour avoir le droit de rentrer dans la danse. On s’assit autour d’elle, et aussitôt, d’une voix fraîche et pénétrante, légèrement voilée, comme celle des filles de ce pays brumeux, elle chanta une de ces anciennes romances pleines de mélancolie et d’amour, qui racontent toujours les malheurs d’une princesse enfermée dans une tour par la volonté d’un père qui la punit d’avoir aimé. La mélodie se terminait à chaque stance par ces trilles chevrotants que font valoir si bien les voix jeunes, quand elles imitent par un frisson modulé la voix tremblante des aïeules. »

Gérard de Nerval, Sylvie in Les Filles du feu, Bibliothèque de la Pléiade, 1960, pp. 244-245.





Voir aussi :
- (sur Terres de femmes) 26 janvier 1855/
Mort de Gérard de Nerval ;
- (sur Terres de femmes) Gérard de Nerval/
Delfica ;
- (sur Terres de femmes) Gérard de Nerval/
Myrtho.



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