Feuilleton pédagogique à l’usage des lycéens Sur la demande réitérée de nombre de mes anciens élèves et au vu des courriers que j'ai reçus ces derniers temps, j’ai pris l’initiative d'entreprendre (en exclusivité pour Terres de femmes) une lecture personnelle de l’une des œuvres au programme du baccalauréat (épreuve de français, Terminale L), en l’occurrence Les Planches courbes d’Yves Bonnefoy. Je remercie Guidu d'avoir si volontiers accepté d'illustrer chacun des épisodes d'un diptyque photographique. N.B. Pour visualiser le plan détaillé de la lecture en cours, CLIQUER ICI. |
DANS LE LEURRE DES MOTS
DEUXIÈME VOLET
6. La poésie, entre désespoir et espérance
Les deux dernières strophes marquent la dernière étape de ce recueil. Le poète effectue un dernier revirement en faveur de la poésie et de son avènement. À nouveau s’exprime la confiance affirmée - « Je sais tout autant » - en la poésie définie par la métaphore exclusive de l’étoile : « il n’est d’autre étoile à bouger ». Associée à l’image de la barque, la métaphore de l’étoile est signe de vérité première, de commencement, de promesse. « Dans le ciel illusoire des astres fixes » et sans mystère, la poésie est seule porteuse de « signes », qui donnent à décrypter le sens. Ce que marque l’adverbe rare « auguralement », placé en fin de vers - et en prolongement de l’adverbe « mystérieusement » -, c’est toute la charge poétique et sacrée de l’étoile unique. Car la poésie « inaugure » la venue des images liées à l’enfance, elle se charge progressivement de l’imaginaire mythologique lié à l’enfance - « les ombres /Se groupant à l’avant » -, « le long voyage », « les arrivants », « le phare » qui grandit et qui brille… Riche de mystères et de contradictions, l’étoile permet la symbiose du ciel et de l’écume. Et « Dans le ciel illusoire des astres fixes », l’étoile est seule à « bouger ». La poésie est ce qui reste d’espoir et de vie au monde, de présence au monde.
Le second volet du recueil se clôt sur une strophe optimiste dans laquelle le poète réaffirme sa confiance dans la poésie : « Je sais que tu seras ». Le poète énumère les images porteuses de sens, « l’ancre », « le bois », « l’étincelle », « la première parole », « le premier feu ». Fidèle, solide, présente, la poésie apaise, rassure, rassemble. Elle renoue avec la parole et fait renaître le désir. « Je sais que tu seras/Le premier feu à prendre au bas du monde mort. »
Soumise aux affres du doute, exposée à la déconstruction du langage et à la perte de sens, la poésie a le pouvoir de rebondir sans cesse. Peut-être la poésie a-t-elle besoin de ces phases de recul et de destruction pour, tel le Phénix, renaître de ses cendres et se faire à nouveau réconciliatrice des hommes et médiatrice entre les hommes et le monde ?
Suite : Yves Bonnefoy/ Les Planches courbes (IX)
Angèle Paoli/TdF
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