Le 9 septembre 2020, nous avons fêté le cent douzième anniversaire de la naissance de Cesare Pavese.
Image, G.AdC
SEMPLICITÀ
L'uomo solo - che è stato in prigione - ritorna in prigione
ogni volta che morde in un pezzo di pane.
In prigione sognava le lepri che fuggono
sul terriccio invernale. Nella nebbia d'inverno
l'uomo vive tra muri di strade, bevendo
acqua fredda e mordendo in un pezzo di pane.
Uno crede che dopo rinasca la vita,
che il respiro si calmi, che ritorni l'inverno
con l'odore del vino nelle calda osteria,
e il buon fuoco, la stalla, e le cene. Uno crede,
fin che è dentro uno crede. Si esce fuori una sera,
e le lepri le han prese e le mangiano al caldo
gli altri, allegri. Bisogna guardali dai vetri.
L'uomo solo osa entrare per bere un bicchiere
quando proprio si gela, e contempla il suo vino :
il colore fumoso, il sapore pesante.
Morde il pezzo di pane, che sapeva di lepre
in prigione, ma adesso non sa più di pane
né di nulla. E anche il vino non sa che di nebbia.
L'uomo solo ripensa a quei campi, contento
di saperli già arati. Nella sal deserta
sottovoce si prova a cantare. Rivede
lungo l'argine il ciuffo di rovi spogliati
che in agosto fu verde. Dà un fiscio alla cagna.
E compare la lepre e non hanno più freddo.
SIMPLICITÉ
L'homme seul - qui a été en prison - se retrouve en prison
toutes les fois qu'il mord dans un quignon de pain.
En prison il rêvait de lièvres qui détalent
sur le sol hivernal. Dans la brume d'hiver
l'homme vit entre des murs de rues, en buvant
de l'eau froide et en mordant dans un quignon de pain.
On croit qu'après la vie va renaître,
le souffle s'apaiser, et l'hiver revenir
avec l'odeur du vin dans le troquet bien chaud,
le bon feu, l'écurie, les dîners. On y croit,
tant que l'on est en taule, on y croit. Puis on sort un beau soir
et les lièvres, c'est les autres qui les ont attrapés
et qui, en rigolant, les mangent bien au chaud.
On doit les regarder à travers les carreaux.
L'homme seul ose entrer pour boire un petit verre
quand vraiment il grelotte, et il contemple son vin :
son opaque couleur et sa lourde saveur.
Il mord dans son quignon, qui avait un goût de lièvre
en prison ; maintenant, il n'a plus goût de pain
ni de rien. Et le vin lui aussi n'a que le goût de brume.
L'homme seul pense aux champs, heureux
de les savoir labourés. Dans la salle déserte
il essaye de chanter à voix basse. Il revoit
le long du talus, la touffe de ronciers dénudés
qui était verte au mois d'août. Puis il siffle sa chienne.
Et le lièvre apparaît et ils cessent d'avoir froid.
Cesare Pavese, “Simplicité”, in Paternité, Travailler fatigue, Gallimard, Collection Poésie, page 158.
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Note : ce poème de Pavese a été mis en musique par Léo Ferré. On peut le retrouver dans l’album La vie d'artiste (1961-1972), compilation sur CD sortie en 1989 [Volume 10 de l’intégrale, Barclay. Référence : 051740. Editeur : Universal Music SA]. Le titre choisi par Ferré est « L’Uomo solo » [écoute sur YouTube]. Signalons que cette chanson n'est plus aujourd'hui disponible dans le commerce, les ayants droit de Pavese s'étant opposés à leur publication.
BIO-BIBLIOGRAPHIE
Né le 9 septembre 1908 à Santo Stefano Belbo (près de Cuneo, Italie), Cesare Pavese fut directeur littéraire d’Einaudi, traducteur, poète et romancier. Arrêté en 1935 pour ses écrits anti-fascistes dans la revue La Cultura, il est exilé à Brancaleone (Calabre) en 1935-1936. Cette période coïncide avec une crise personnelle grave dont rendent compte un recueil poétique (Travailler fatigue [Lavorare stanca], 1936) et son journal intime (Il Mestiere di vivere [Diario 1935-1950], Le Métier de vivre), publié à titre posthume en 1952 (traduit et publié en langue française en 1958 ; édition intégrale établie sur manuscrit, avec un choix de Lettres, in Cesare Pavese, Œuvres, Quarto Gallimard, 2008).
Ecrivain fasciné par la mort (qu’il apprivoise dans son œuvre sous la désignation « il vizio assurdo » : « le vice absurde »), il doute de plus en plus de l’originalité et de la nécessité de son œuvre. Il se suicide le 27 août 1950 dans une chambre d’hôtel à Turin, laissant sur la table de son bureau les poèmes qui constituent aujourd’hui son dernier recueil : Verrà la morte e avrà i tuoi occhi (La mort viendra et elle aura tes yeux, poèmes écrits pour une actrice américaine, Constance Dowling).
A compter de demain, jeudi 16 octobre 2008, est mis en vente par Gallimard, dans la collection "Quarto", un volume qui réunit pour la première fois, en français comme en italien, tous les livres publiés par Cesare Pavese de son vivant (à l'exception de ses traductions), dont les textes inédits en français, ainsi que Le Métier de vivre, le Journal de Pavese publié après sa mort, et dont on trouvera dans ce volume la version intégrale selon l'édition établie à partir du manuscrit.
Cet ouvrage est publié sous la direction de Martin Rueff qui en a établi l'édition et en a fait la préface : "Laocoon monolithe".
Terres de femmes aura l'occasion de revenir sur ce très bel événement éditorial.
Rédigé par : Agenda culturel de TdF | 15 octobre 2008 à 10:58