Le
10 avril 1923 a lieu à la Comédie des Champs-Élysées, à Paris, la création française de la pièce
Six personnages en quête d’auteur de
Luigi Pirandello (1867-1936), mise en scène par
Georges Pitoëff.
Source
Créée à Rome le 9 mai 1921 par la compagnie de Dario Niccodemi, Six personnages en quête d’auteur signe l’acte de naissance du grand théâtre pirandellien et la reconnaissance de l’auteur comme dramaturge international. La comédie connaît pourtant un « échec tumultueux » à Rome où le public bien pensant voit en Pirandello un « buffone ». Mais elle triomphe le 27 septembre de la même année à Milan. Elle est ensuite montée le 27 février 1922 au Kingsway Theater de Londres, puis en novembre 1922 au Fulton Theatre de New York avant d’être mise en scène en France en avril 1923 par Georges Pitoëff. Qui compte parmi ses comédiens le jeune Michel Simon. Traduite par Benjamin Crémieux, la pièce, jouée en présence de Pirandello, remporte un vif succès. Elle continue sa tournée en Europe. Cracovie, Prague, Amsterdam, Barcelone.
Construite sur plusieurs niveaux, la pièce est à la fois un mélodrame, celui d’une famille désunie, et la tragédie d’une histoire que personne n’a écrite. L’originalité de Pirandello consiste à mettre en scène, sur des registres différents, les interrogations des spectateurs en même temps que ses inquiétudes de dramaturge. Le noyau de l’action s’organise autour de l’intrication du conflit personnel des Personnages avec les préoccupations de ceux, Directeur et Comédiens, qui travaillent sur la scène, confrontés à leurs propres susceptibilités, et indifférents au drame intérieur des protagonistes.
Au-delà des considérations philosophiques inhérentes à la thématique de la pièce - marquée par un pessimisme hérité de Schopenhauer -, la comédie de Pirandello s’appuie sur des nouveautés dramaturgiques qui joueront un rôle considérable dans le théâtre d’après-guerre. Pirandello recevra le Prix Nobel de Littérature le 10 décembre 1934.
Angèle Paoli
D.R. Texte angèlepaoli
EXTRAIT
L'uscere: (col berretto in mano) Scusi, signor Commendatore.
Il capocomico: (di scatto, sgarbato) Che altro c'è ?
L'uscere: (timidamente) Ci sono qua certi signori, che chiedono di lei.
Il capocomico e gli Attori si volteranno stupiti a guardare dal palcoscenico giù nella sala.
Il capocomico: (di nuovo sulle furie) Ma io qua provo! E sapete bene che durante la prova non deve passar nessuno! (Rivolgendosi in fondo) : Chi sono lor signori? Che cosa vogliono?
Il padre: (facendosi avanti, seguito dagli altri, fino a una delle due scalette) Siamo qua in cerca d'un autore
Il capocomico: (fra stordito e irato) D'un autore? Che autore?
Il padre: D'uno qualunque, signore.
Il capocomico: Ma qui non c'è nessun autore, perché non abbiamo in prova nessuna commedia nuova.
La figliastra: (con gaja vivacità, salendo di furia la scaletta). Tanto meglio, tanto meglio, allora, signore! Potremmo esser noi la loro commedia nuova.
Qualcuno degli attori: (fra i vivaci commenti e le risate degli altri) Oh, senti, senti!
Il padre: (seguendo sul palcoscenico la figliastra). Già, ma se non c'è l'autore! (Al Capocomico): Tranne che non voglia esser lei...
La Madre, con la Bambina per mano, e il Giovinetto saliranno i primi scalini della scaletta e resteranno lì in attesa. Il Figlio resterà sotto, scontroso.
Il capocomico: Lor signori vogliono scherzare?
Il padre: No, che dice mai, signore! Le portiamo al contrario un dramma doloroso.
La figliastra: E potremmo essere la sua fortuna!
Il capocomico: Ma mi facciano il piacere d'andar via, che non abbiamo tempo da perdere coi pazzi!
Il padre: (ferito e mellifluo) Oh, signore, lei sa bene che la vita è piena d'infinite assurdità, le quali sfacciatamente non han neppure bisogno di parer verosimili; perché sono vere.
Il capocomico: Ma che diavolo dice?
Il padre: Dico che può stimarsi realmente una pazzia, sissignore, sforzarsi di fare il contrario; cioè, di crearne di verosimili, perché pajano vere. Ma mi permetta di farle osservare che, se pazzia è, questa è pur l'unica ragione del loro mestiere.
Gli Attori si agiteranno, sdegnati.
Luigi Pirandello, Sei personaggi in ricerca d’autore.
TRADUCTION
Le Concierge. (Sa casquette à la main): Je vous demande pardon, monsieur le Directeur.
Le Directeur. (Vivement, rogue): Qu’est-ce qu’il y a encore ?
Le Concierge. (Timidement) : Il y a des messieurs dames qui demandent après vous.
Du plateau, le directeur et les Acteurs se tournent, étonnés, pour regarder dans la salle.
Le Directeur. (De nouveau furieux) : Mais je répète, moi, maintenant ! Et vous savez bien que pendant les répétitions personne ne doit entrer !
(Vers le fond de la salle) : Qui êtes-vous ? Qu’est-ce que vous voulez ?
Le Père (s’avançant, suivi des autres, jusqu’à l’un des petits escaliers): Nous sommes ici en quête d’un auteur.
Le Directeur (mi-abasourdi, mi-furieux) : D’un auteur ? Quel auteur ?
Le Père: N’importe lequel, monsieur.
Le directeur: Mais ici il n’y a aucun auteur, car nous n’avons en répétition aucune pièce nouvelle.
La Belle-fille (avec une vivacité gaie, gravissant rapidement le petit escalier) : Tant mieux, alors, monsieur, tant mieux ! C’est nous qui pourrions être votre pièce nouvelle.
L’Un des Acteurs (au milieu des commentaires animés et des rires des autres) : Non, mais vous entendez ça !
Le Père (rejoignant le Belle-fille sur le plateau) : Oui, mais s’il n’y a pas d’auteur ici !... (Au directeur) : À moins que vous ne vouliez l’être vous-même…
La Mère, tenant la Fillette par la main, et l’Adolescent gravissant les premières marches du petit escalier. Le Fils reste en bas, renfrogné.
Le Directeur (au Père et à la Belle-fille) : Vous plaisantez ?
Le Père : Non, monsieur, que dites-vous là ! Nous vous apportons au contraire un drame douloureux ;
La Belle-fille : Et nous pourrions faire votre fortune !
Le Directeur : Faites-moi donc le plaisir de vous en aller : nous n’avons pas de temps à perdre avec des fous !
Le Père (blessé mais mielleux) : Oh, monsieur, vous savez bien que la vie est pleine d’innombrables absurdités, assez impudentes pour n’avoir même pas besoin de paraître vraisemblables parce qu’elles sont vraies.
Le Directeur: Que diable dites-vous là ?
Le Père : Je veux dire que ce qu’on peut réellement tenir pour une folie, parfaitement, c’est de s’efforcer de faire le contraire, c'est-à-dire d’en créer de vraisemblables afin qu’elles paraissent vraies. Mais permettez-moi de vous faire observer que si c’est là de la folie, c’est pourtant l’unique raison d’être de ce métier.
Les Acteurs s’agitent, indignés. »
Luigi Pirandello, Six personnages en quête d’auteur, Gallimard, Collection Folio Bilingue, 1997, pp. 107-111. Traduit par Michel Arnaud.
Félicitations sur le nouveau look ! J'aime beaucoup la nouvelle page d'accueil. Bravo !
Rédigé par : pascale | 10 avril 2006 à 17:25