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BONNY AND READ
Avec Louves de mer, un roman de l’androgyne haut en couleurs, Zoé Valdés investit avec arrogance et fierté l’univers masculin de la flibuste. Elle s’en approprie les données historiques afin de réhabiliter les deux grandes héroïnes de la piraterie du XVIIIe siècle naissant: Ann Bonny et Mary Read. Deux femmes de passion et de sang, qui se jettent très jeunes au cœur des batailles conduites par les hommes. Contraintes, l’une et l’autre, de s’expatrier et de se travestir. Mary Read prend le nom de Bill Em Carlton pour pouvoir s’engager comme cadet de cavalerie dans la guerre des Flandres. Ann Bonny sangle sa poitrine dans des bandelettes pour avoir quelque chance de pouvoir se lancer à l’assaut des mers. Engagée à bord d’un galion, la jeune fille adopte sans frémir la vie et les mœurs des pirates, ses compagnons de route et d’aventure. Les deux fines lames, Ann et Mary, louvoient séparément. Avec fierté et arrogance, talent et souffrance. Entre leur sexe d’origine et celui que les circonstances de la vie les ont poussées à choisir.
Changeant de noms, d’identités, de maris, de combats, ces deux impitoyables « guérillères », qui manient en diablesses cimeterres et épées, défendent leur vie et les couleurs de leur galion en étripant sans frémir. Fureur et habileté à esquiver les coups, à tailler en pièces par le menu leurs adversaires, leur vaut l’admiration et le respect de leurs pairs. Elles pillent et rançonnent sans quartier les bateaux qui tombent entre leurs griffes. Chacune mène sa vie d’aventures et de déboires, jusqu’au jour où la destinée de l’une croise celle de l’autre. La rencontre a lieu en mer. Ann Bonny et Mary Read, désormais amantes inséparables, partagent batailles sanglantes et amours clandestines auprès du capitaine Jack Rackham, la « terreur des Caraïbes ». Les aventures passionnées et violentes conduisent les jeunes louves jusqu’à la tragédie finale. Celle qui coûtera la vie à l’équipage du vaillant galion Kingston. Et la mort de Mary Read.
A travers ce roman, admirablement mené, construit à partir de données historiques précises, Zoé Valdès fait revivre le monde de la flibuste et de la grande piraterie qui, au large de Cuba, hantait les mers de la Nouvelle-Providence. C’était l’époque de Woodes Rogers, gouverneur des Bahamas et de Calicot Jack. Mais cette fresque aux volutes baroques s’accompagne aussi de la peinture de la traite des noirs. Réalité impitoyable dont ressort en filigrane une remise en question déjà amorcée par les Lumières.
Au travers des aventures de ces deux femmes pirates, c’est le sillage endiablé de toute une tradition picaresque que draine avec elle Zoé Valdés, porteuse des mythologies de son passé et de ses terres. En digne héritière des deux louves de mer, Zoé Valdés porte haut le fleuret qu’elle manie avec superbe. Signant son ouvrage d’une écriture non mouchetée, rude et sensuelle, aux saveurs épicées. Ah ! les belles scènes de rage, amoureuses ou guerrières ! Une écriture fière et rebelle au service d’un théâtre flamboyant de la cruauté.
Angèle Paoli
D.R. Texte angèlepaoli
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ô, ça c'est très bien ! Une belle écriture nerveuse pour accompagner ce roman incroyable. Elles sont alléchantes ces héroïnes si peu conventionnelles. C'est du grand Paoli : bravo Angèle !
Rédigé par : Christiane | 22 janvier 2009 à 22:52