J’étais présente hier soir au Forum des auteurs du Salon du Livre. Au programme (alléchant !!) : « Le blog, nouvelle forme d’expression littéraire ? ». Evidemment, avec un tel sujet, l’auditoire ne pouvait être qu’un auditoire « captif » et « captivé ».
Sur le plateau, Alexandre Boussageon, sémillant journaliste à France Inter et animateur de la très matinale émission Blogs à part, et Christophe Ginisty, routard aguerri de la « blogosphère » et directeur du développement et des partenariats du magazine Netizen. Entre les deux journalistes, une invitée : Karine Fougeray, auteure d’un recueil de nouvelles publié en 2005 chez Delphine Montalant : Elle fait les galettes, c’est toute sa vie.
Mais en quoi donc Karine Fougeray était-elle l’interlocutrice appropriée pour parler du blog « littéraire » ? Et pour quelles mystérieuses raisons Arte-tv.com a-t-elle choisi Karine Fougeray pour le lancement de son blog ? Pourquoi aller dénicher une « bébé blogueuse » de trois semaines ? Une néophyte inexpérimentée du monde de la blogosphère. Qui sent encore son sucre d’orge façon France Gall. Qui, outre qu’elle n’a rien dit de pertinent sur la question du « littéraire », n’a cessé de laisser échapper des bourdes, dont un dépréciatif « Après tout ce n’est qu’un blog ! », qui en dit long sur l’idée que notre blogueuse se fait de la mission qui lui a été confiée par Arte et du monde du blog ! Bourde suivie dans la foulée d’une définition très personnelle des blogueurs, pour la plupart des « névrosés » patentés ! Deux exemples qui suffisent à souligner – outre l’insigne maladresse médiatique et la prestation très peu « marketing » de Karine Fougeray face à un public composé en majorité de blogueurs – la définitive inanité du propos.
Car, si Christophe Ginisty a positionné avec une belle prestance les préalables de l’univers du Weblog (« un espace de liberté »), Karine Fougeray, elle, a superbement bafouillé quant à la question du « littéraire » dans le blog. Qui, selon elle, se bornerait à des billets d’humeur fugitifs, des petits papiers et, ici et là, des textes écrits sur le vif. Une fois écarté le genre littéraire du journal intime - qui n’occuperait qu’un très faible pourcentage de l’écriture sur la toile - et les créations déjantées de quelques-uns d’entre nous, rien de précis sur la littérarité d’un blog n’a émergé du débat. Qu’est-ce qui fait la spécificité d’un blog littéraire ? Fort heureusement pour lui, Alexandre Boussageon avait pris soin auparavant de préciser qu’il fallait prendre le mot « littéraire » dans son sens large ! Ce qui a eu pour conséquence de noyer définitivement le poisson ! En réalité, les vraies questions suggérées par l’intitulé du débat n’ont jamais été posées. Elle ne pouvaient donc que rester sans réponses. Et Arte a bel et bien loupé sa rentrée « littéraire » ! Dans le jargon des médias, on appelle ça un « flop ». Dommage pour Arte (que j’aime bien)… et pour les blogueurs.
Angèle Paoli
D. R. Ph. Fred de Mai
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Bonjour,
je viens de lire votre compte rendu sur "le blog, nouvelle forme d'expression littéraire". Moi aussi je suis une "bébé blogueuse" et c'est Yann avec son blog Cargo qui m'a aidé à créer le mien. N'empêche que je trouve cela formidable et les quelques commentaires que j'ai d'ores et déjà eus m'ont ravie. Quant à la connotation littéraire, je ne sais trop quoi en dire, mais je pense qu'elle peut s'installer au fil du temps.
Merci à vous, Hélène.
Rédigé par : Hélène Camus | 22 mars 2006 à 17:01
Bienvenue sur mes terres, Hélène. Yann comme "conseil" ? Vous avez fait le bon choix. Il a un talent fou. Mais où est-il possible de vous lire ? Vous ne communiquez pas l'adresse de votre blog.
Rédigé par : Angèle | 22 mars 2006 à 17:44
merci, là vraiment je suis confus, ému...
Angèle, le blog d'Hélène tu le connais c'est:
http://tournezlapage.canalblog.com/
Rédigé par : Yann | 22 mars 2006 à 17:54
Je me suis rendu dimanche au salon du livre, où j'ai vu Brina Svit, j'ai acheté Moreno, dont j'ai presque achevé la lecture.
Brina m'a gratifié d'une dédicace un peu pingre à mon goût, puis je lui ai expliqué que je la connaissais notamment grâce à vous! Ce qui l'a beaucoup plus ouverte, et nous avons conversé rapidement...
Vous êtes un mot de passe on dirait, chère Angèle...
Rédigé par : Alfred Teckel | 22 mars 2006 à 18:08
Oui, Alfred, tapez le nom de Brina Svit dans Google Monde et francophone, et regardez le résultat. Je plaisante, évidemment, mais c'est vrai que Brina m'a dit que tout Gallimard avait lu l'interview que j'ai faite d'elle en février (voir colonne de droite de TdF). Ceci dit, Brina est aujourd'hui devenue une vraie amie. N'oubliez pas de lire son dernier roman, Un cœur de trop. Superbe !!!
Rédigé par : Angèle | 22 mars 2006 à 18:25
Dommage que Karine Fougeray n'ait pas brillé de tous ses feux, ses "galettes" sont des petits bijoux étincelants ...
Rédigé par : pascale | 22 mars 2006 à 18:33
Oui, Pascale, mon propos ne remet pas en question le talent d'écrivain de Karine Fougeray, c'est juste une erreur de casting...
Rédigé par : Angèle | 22 mars 2006 à 18:46
Oui, enfin, de quoi vous étonnez-vous ?
J'avoue que j'ai failli me rendre à cette conférence et puis... bof, il suffit de lire les travaux des concernés, traîner sur le pathétiquement nul blog du Salon du Livre, pour y renoncer.
Ces gens sont d'habiles commerciaux et en savent autant sur la littérature que moi sur l'art néo-zélandais de l'origami en feuille de laitue...
Cordialement.
Rédigé par : Stalker | 22 mars 2006 à 18:54
François Bon a donné au numéro anniversaire de La Quinzaine vingt axiomes sur Internet et le livre ; en voici un qui se situe dans la ligne de ce que vous écrivez, Angèle :
"Il n’y a pas un espace traditionnel, graphique, de la littérature, et Internet qui en serait une médiation, un complément ou un appui. Naît sur Internet une forme d’expression particulière, relevant du geste littéraire parce qu’elle intervient sur les mœurs, les représentations, en appelle à une poétique. Elle relève de la littérature parce que se déployant par la langue. Je n’écris pas pour Internet, j’écris là où ça m’entend, là où ça cogne, là où ça rêve."
Je crois que l'on a là une réponse, mais qui situe le propos à un tout autre niveau. Et que le problème de cette table ronde est que sans doute personne n'avait pris la peine de définir précisément, mais le peut-on, le terme "littéraire". Oh, bien sûr, si l'on assimile le rap et Rimbaud, comme strictement équivalents, alors tout est littéraire, de la moindre petite note gribouillée sur la nappe de restaurant (ça fait bien) jusqu'à la Recherche ! Et donc toute personne qui ouvre un blog et "pond" quelques petites notes quotidiennes est dans le littéraire. Ce qui semble le cas pour ce que j'en ai lu de la personne dont vous parlez : chacun a droit à l'expression, cela va sans dire, mais est-ce pour autant "expression littéraire" ? Quant au label Arte, il est difficile à comprendre. On peut rêver d'un blog Arte, qui serait fait par des gens compétents, qui sauraient jouer de toutes les ressources de ce magnifique outil qu'est le blog pour rebondir sur les émissions, les sujets, ouvrir des pistes d'exploration, apporter des compléments documentaires, susciter des discussions, compenser le trop rapide et superficiel, toujours, de la télévision. Mais il est vrai qu'un tel blog requiert et culture et compétence et talent et que si tout le monde imagine avoir du talent, si quelques-uns ont de la compétence, avoir une culture suffisamment ouverte et riche est infiniment plus rare.
Rédigé par : Florence Trocmé | 23 mars 2006 à 13:56
=> Stalker : vous me dites : « De quoi vous étonnez-vous ? »
Cela dépend des jours et de mon humeur. D’abord, de vous lire ici. Ensuite, naïf et misérable ciron que je suis, de persister à m’étonner de ce que ce pays prétendument « éclairé » (par qui, de quoi ?) est devenu. Mais peut-être, au fond, rien n’a-t-il jamais changé et les compromissions d’aujourd’hui, les « nouvelles impostures », sont-elles sensiblement les mêmes que celles d’hier ! Je m’étonne moi-même de m’en étonner. De cette capacité que j’ai de m’étonner encore et encore. Peut-être cet étonnement-là m’est-il consubstantiellement nécessaire pour vivre et pour rebondir, jour après jour, dans un monde où tout n’interagit que sur des entrelacs de pouvoir et d’accointances à défaut de combinatoires intelligentes et porteuses de création.
Quoi qu’il en soit, je vous remercie de l’écho que vous avez bien voulu donner à mes propos. Il est réconfortant de savoir qu’il existe aussi des voix comme la vôtre, des bonnes voix de bretteur peu fréquentables ou « infréquentables », des « intelligences redoutables » (dixit mon frère) capables de s’élever et de se faire entendre au-dessus des bêlements satisfaits de la gent moutonnière.
Rédigé par : Angèle Paoli | 23 mars 2006 à 16:09
(Trop de rocs érudits jonchent et rongent notre ère)
Il faut que le sentier
Consente à notre virginité reconquise
Qu'il nous protège
Nous apprenne à déchiffrer les friches hivernales
Et le catalogue en gestation
Après les avoir peintes
Nous pendrons le chant des mandarins
Aux branches d'un coquelicot neuf
Et nous ressertirons des soleils à nos bouches
Rédigé par : Jean-François Agostini | 25 mars 2006 à 00:53