Ph., G.AdC
IL Y A DES DIZAINS DANS LA NUIT
« Il y a les dizains dans la nuit, il y a les sonnets dans le ciel. Entre les deux une eau qui dort.
Car tout s’écrit en même temps, c’est une grande fresque dont je n’arrive à terminer que des fragments de temps à autre parfois plusieurs années après.
De sorte que je suis en décalage constant avec ce que je suis en train d’écrire, de publier.
Relever donc pour le moment la contemporanéité de tout ou presque, et l’inachèvement, le dessin général qui est ample, semblable dans mon rêve au grand panneau céleste, avec de-ci de-là les fragments achevés, assimilables à un langage dans son entièreté, dans sa totalité sublime longuement recherchée, constituée de mots que des frontières séparent.
Écrire, selon Bachmann, consisterait alors à briser ou franchir ces frontières, si ce n’est même les supprimer.
La grande affaire est en effet de fabriquer un texte unique qui coulerait comme une eau vive sans jamais s’interrompre. C’est le tout qui fait sens. Et de la forme vient la continuité. S’agissant à la fois de composer un ordre et d’admettre un désordre initial puisque la fresque est fracassée. »
Marie Étienne, Fragments de fresque (Note), Dormans, Flammarion, Collection Poésie, 2006, page 213.
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J'ai été frappée récemment d'une double analogie entre Marie Etienne et la poète Hélène Dorion, alors même que leurs oeuvres sont très dissemblables. Chez l'une et l'autre, cette idée que l'écriture explore petit à petit des fragments d'un tout en cours de constitution, des pans de fresque, des morceaux de mosaïque et chez l'une et l'autre aussi l'idée que l'écriture est comme une lampe qui éclaire les parois sombres de la caverne, où seraient cette fresque ou cette mosaïque.
"La vie est faite à chaque instant d'une multitude de fragments disparates, le plus souvent sans liens apparents. Et pourtant tout est lié comme dans une mosaïque" (Hélène Dorion, Sous l'arche du temps, La Différence, 2005, p. 42).
Rédigé par : Florence Trocmé | 23 mars 2006 à 14:13
Merci, Florence, pour cette mise en perspective intéressante des deux poètes. Très riche métaphore que celle de la fresque ou des fragments épars que l'écriture permet de restaurer. Au fil du temps. Une belle leçon de patience aussi.
Rédigé par : Angèle Paoli | 23 mars 2006 à 18:48