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© 2000 George Eastman House, Rochester, NY
À SILVIA
Silvia, rimembri ancora
Quel tempo della tua vita mortale,
Quando beltà splendea
Negli occhi tuoi ridenti e fuggitivi,
E tu, lieta e pensosa, il limitare
Di gioventù salivi?
Sonavan le quiete
Stanze, e le vie dintorno,
Al tuo perpetuo canto,
Allor che all'opre femminili intenta
Sedevi, assai contenta
Di quel vago avvenir che in mente avevi.
Era il maggio odoroso: e tu solevi
Così menare il giorno.
Io gli studi leggiadri
Talor lasciando e le sudate carte,
Ove il tempo mio primo
E di me si spendea la miglior parte,
D’in su i veroni del paterno ostello
Porgea gli orecchi al suon della tua voce,
Ed alla man veloce
Che percorrea la faticosa tela.
Mirava il ciel sereno,
Le vie dorate e gli orti,
E quinci il mar da lungi, e quindi il monte.
Lingua mortal non dice
Quel ch’io sentiva in seno.
Che pensieri soavi,
Che speranze, che cori, o Silvia mia!
Quale allor ci apparia
La vita umana e il fato!
Quando sovviemmi di cotanta speme,
Un affetto mi preme
Acerbo e sconsolato,
e tornami a doler di mia sventura.
O natura, o natura,
Perché non rendi poi
Quel che prometti allor ? Perché di tanto
Inganni i figli tuoi ?
Tu pria che l’erbe inaridisse il verno,
Da chiuso morbo combattuta e vinta,
Perivi, o tenerella. E non vedevi
Il fior degli anni tuoi;
Non ti molceva il core
La dolce lode or delle negre chiome,
Or degli sguardi innamorati e schivi;
Né teco le compagne ai dì festivi
Ragionavan d’amore.
Anche perìa fra poco
La speranza mia dolce: agli anni miei
Anche negaro i fati
La giovanezza. Ahi come,
Come passata sei,
Cara compagna dell’età mia nova,
Mia lacrimata speme!
Questo è il mondo? questi
I diletti, l’amor, l’opre, gli eventi,
Onde cotanto ragionammo insieme ?
Questa la sorte delle umane genti ?
All’apparir del vero
Tu, misera, cadesti: e con la mano
La fredda morte ed una tomba ignuda
Mostravi di lontano.
Giacomo Leopardi, Canti, éd. par E. Peruzzi, Milan, 1981, pp. 423-433.
À SILVIA
Silvia, te souvient-il encore
Du temps de cette vie mortelle,
Quand la beauté brillait
Dans tes yeux fugitifs et riants,
Et que, pensive et gaie, tu gravissais
Le seuil de la jeunesse ?
Sonnaient les calmes
Voûtes, et les rues alentour,
À ta chanson sans fin,
Alors qu’assise à ton œuvre de femme
Tu t’appliquais, heureuse
De ce vague avenir que tu rêvais en toi.
C’était mai plein d’odeurs, et tu aimais
Passer ainsi le jour.
Parfois abandonnant
Les bien-aimées études, les pages fatiguées,
Où mon tout premier âge
Et le meilleur de moi se dissipaient,
Du haut des balcons du palais paternel
Je tendais mon oreille au son de ta voix
Et de ta main rapide
Qui parcourait l’âpre toile.
Je contemplais le ciel serein,
Les rues dorées et les vergers,
Là-bas la mer, au loin, et là les monts,
Langue mortelle ne dit pas
Ce qu’au sein j’éprouvais.
Quelles pensées de douceur,
Quels espoirs et quels cœurs, ma Silvia !
Tels alors nous paraissaient
La vie humaine et le destin !
Quand je revois une telle espérance,
Une passion m’oppresse,
Acerbe et désolée,
Et j’en reviens à souffrir de ma détresse.
O nature, nature,
Pourquoi ne tiens-tu pas
Ce que tu promettais alors ? Pourquoi
Te moques-tu de tes enfants ?
Avant que l’hiver même eût desséché les feuilles,
Toi, frappée, vaincue d’un mal obscur,
Tu périssais, fillette. Et tu n’as point connu
La fleur de tes années,
Ton cœur ne s’est ému
Sous la tendre louange de tes cheveux de jais,
De tes yeux amoureux et craintifs,
Et près de toi tes amies, aux jours de fête,
D’amour n’ont pas parlé.
Bientôt mourait aussi
Ma suave espérance : à mes années
Les destins refusèrent aussi
La jeunesse. Ah ! comme,
Comme tu t’es enfuie,
Chère compagne de mon jeune âge,
Mon espérance pleine de larmes !
C’est donc cela, le monde ? Cela, l’amour,
Et les plaisirs, les aventures, les travaux
Dont nous avions tant devisé ensemble ?
C’est là le sort du peuple des mortels ?
À peine parut le vrai
Que tu tombas, fragile; et de la main
La froide mort près d’un tombeau désert
Tu désignais au loin.
Giacomo Leopardi, Chants, in Anthologie bilingue de la poésie italienne, Bibliothèque de La Pléiade, Gallimard, 1994, pp. 1112-1116. Traduction de Michel Orcel.
Leopardi, Manuscrit autographe de À Silvia,
page 2/4
© Biblioteca Nazionale di Napoli
(Ministero per i beni e le attività culturali)
Source
Hommage élégiaque au poète indicible du Genêt,Giacomo Leopardi
Oh toi, Leopardi né à Recanati,
tu portas sur la vie, le regard des «antiques»
et même, les «lumières» semblaient pâles pour toi,
du haut du belvédère de la pensée antique;
tu vivais en ton siècle comme un exilé,
qui a connu l’âge d’or et se languit d’ennui.
Recanati, pour toi, était comme un caveau
dont tu ne t’échappais qu’au travers de tes livres.
Ivre de grec et féru de latin,
seule la bibliothèque était ta vraie amie.
Latiniste à huit ans, Helléniste à quatorze,
si ton corps t’enfermait, ton esprit t’élevait;
bien haut, dans les hauteurs où dominent les aigles.
Très tôt dans la palette de tes talents immenses,
tu sus choisir la muse comme cime des arts;
et devint son Mozart, ciselant de ses mots,
que tu allais cueillir dans les champs de diamant,
dans la Grecque éternelle qui irrigue l'Esprit,
tu souffrais en silence ton époque mesquine.
Par ton hommage à Dante tu commenças d'écrire
et souffrait tellement pour ta patrie meurtrie.
Ainsi tu ravivas la mémoire, des légions enfouis
sous la neige et les glaces de la Russie glaciale,
là ou, Napoléon, conduisit tes enfants
où dans de vains combats ils moururent, si loin.
Admirant la nature tu en perçus la grandeur,
mais en compris aussi les minéralités froides
dont l'éternel retour se rit de nos soucis,
alors que nous goûtons des lieux apprivoisées
son chaos naît et renaît dans ses "Big Bang",
et moins que des fourmis se soucie de nous autres.
Gravissant les volcans tu pouvais contempler
le peu de cas fait, de cités, jadis si glorieuses.
Tu pouvais mesurer l'immense solitude
qui pétrifia Pascal et rend dérisoire, tout orgueil
comme pure chimère dans les champs du Cosmos
ou le temps ne suit pas, nos piètres horloges.
Et, pourtant gravissant les pentes du Vésuve
du Genêt si chétif, tu saisis la grandeur;
celle même, des humains face à l'inexorable.
Mieux encore tu en appelas à la fraternité humaine,
et face aux cataclysmes toujours renouvelés
tu conseillas de ne pas y rajouter nos propres maux.
Toi que l'on désigna : "prince du pessimisme" ;
"sombre amant de la Mort, pauvre Leopardi",
tu fus plus bien plus que d'autres, un sceptique attentif,
aux peines de tes frères, et à leurs vains combats,
Toi le savant chétif qui mourut à trente neuf ans,
tu goûta la passion de cruelles qui repoussaient ta bosse.
Paul Arrighi, Toulouse/Deux Sorru, le 1er juin 2011.
Rédigé par : Paul Arrighi (Toulouse/Deux Sorru) | 09 juin 2011 à 14:20