Le
25 mars 1905, Eleonora Duse interprétait le rôle d’Hedda Gabler (Henrik Ibsen) sur les planches du
Nouveau-Théâtre à Paris. Elle joue alternativement (jusqu'au 28 mars) le rôle de Marguerite Gautier dans
La Dame aux camélias d'Alexandre Dumas fils.
Eleonora Duse
Image, G.AdC
Issue d’une famille de comédiens ambulants, Eleonora Duse (Vigevano, Lombardie, 3 octobre 1858 - Pittsburgh, Pennsylvanie, 21 avril 1924), actrice d’une très grande sensibilité et de grand talent, est également connue pour l’influence qui fut la sienne sur le poète « prophétique » Gabriele D’Annunzio, surnommé il « Vate » par ses contemporains. Redoutable égérie, « La Duse » inspire à l’écrivain l’essentiel de son œuvre littéraire. Poète et romancier, le jeune écrivain est reconnu par ses pairs européens comme le maître du décadentisme italien. Ce, dès la publication de son premier roman, Il Piacere. Traduit en français sous le titre : L’Enfant de volupté. Sous l’égide de la Diva, dont il est éperdument épris, D’Annunzio se lance dans la dramaturgie. Pour elle, il compose la plupart de ses pièces, dont Sogno d’un mattino di primavera (1897) suivi de Sogno d’un tramonto d’autunno, La Gioconda (1899), La Città morta (1901) et Francesca da Rimini (1901).
Lorsque D’Annunzio fait la connaissance d’Eleonora à Venise, en 1894, la Duse jouit déjà d’un renom enviable. Son premier grand succès théâtral en 1879 lui a été assuré par son rôle dans Thérèse Raquin, roman à visée naturaliste d’Émile Zola. L’année suivante, en 1880, la rencontre de la comédienne Sarah Bernhardt, à qui la Duse voue une véritable admiration, est déterminante. Dès lors se succèdent les grands rôles de l’actrice, qui interprète tour à tour Marguerite Gautier dans La Dame aux Camélias d’Alexandre Dumas (fils), Mirandolina dans La Locandiera de Goldoni (1884), Santuzza dans Cavalleria rusticana de Giovanni Verga, maître du vérisme italien (1884). En 1888, Antoine et Cléopâtre de Shakespeare. Puis en 1891, Maison de poupée d’Ibsen en qui elle trouve son dramaturge de prédilection.
En 1898, son talent atteint son apogée dans le rôle d’Hedda Gabler, personnage de la pièce éponyme du même Henrik Ibsen. Son jeu naturel, dénué d’artifice, sa gestuelle et sa voix libérées de l’emphase traditionnelle, ont été autant de signes forts qui ont marqué son époque et son public. Le théâtre italien de la fin du XIXe siècle et du début du XXe a trouvé en la « divina Eleonora » sa grande voix : une incarnation de l’identité nationale.
Les amours tumultueuses d’Eleonora Duse et de Gabriele D’Annunzio, transcendées par l’écriture dannunzienne, prennent fin en 1904. Après de nombreuses ruptures et réconciliations. Gabriele D’Annunzio croit pouvoir reconquérir la Duse en instaurant entre eux un nouveau mode de relation, construit sur l’échange épistolaire. Leur dernière rencontre remonte à 1922, deux ans avant la disparition de la muse, le 21 avril 1924, à Pittsburgh (Pennsylvanie). Elle repose aujourd’hui dans le cimetière S. Anna d’Asolo (province de Trévise), village où elle avait acquis quelques années auparavant sa résidence d'été (Casa Miller-Morrison).
Angèle Paoli
D.R. Texte angèlepaoli
Il y a près de dix ans, en 2001 (30 septembre 2001 - 6 janvier 2002), la fondation Giorgio Cini a organisé une grandiose exposition Eleonora Duse sur l'Isola di San Giorgio Maggiore, à Venise : « Divina Eleonora, Eleonora Duse nella vita e nell'arte ». J'ai visité cette exposition en novembre 2001. Le lien sur la présentation très développée de l'exposition n'est hélas plus actif depuis janvier 2007. Une fiche signalétique de l'exposition et quelques documents photographiques ont cependant été maintenus en ligne.
Catalogue de l'exposition
EXTRAIT D'HEDDA GABLER :
« Hedda : Et nous y revoilà ! En être réduit à vivre petitement, dans des conditions minables... c'est ça qui rend la vie si médiocre ! Si profondément risible... parce qu'elle l'est.
Brack : Je pense que le problème est ailleurs.
Hedda: Où donc ?
Brack : Vous n'avez jamais eu l'occasion de vivre quelque chose qui vous engage ou vous remue profondément ?
Hedda : Quelque chose de sérieux, vous voulez dire ?
Brack : Oui, on peut appeler ça comme ça. Ca pourrait peut-être bientôt vous arriver ! [...] Quand vous serez confrontée à une situation qui... dans un style un peu solennel... entraîne ce qu'on appelle des devoirs, des obligations qui exigent du sérieux et... un sens des responsabilités ? Une situation tout à fait nouvelle, Hedda?
Hedda: Taisez-vous ! C'est une chose que vous ne verrez jamais !
Brack : Nous en reparlerons dans un an... tout au plus.
Hedda: Je n'ai aucune aptitude pour ce genre de chose. Pour rien qui m'impose un quelconque devoir ou une obligation.
Brack : N'auriez-vous pas, comme la plupart des femmes, vocation à...
Hedda: Taisez-vous, j'ai dit !... Il me semble souvent que je n'ai de vocation que pour une seule chose.
Brack : Laquelle, si je puis me permettre ?
Hedda : Mourir d'ennui. Maintenant vous êtes fixé. [...] »
Source
La tragédienne Foscarina, ou le double littéraire d’Eleonora Duse
« Pour lui aussi Donatella était là, debout, avec ses reins arqués, avec son corps agile et robuste de Victoire sans ailes, tout armée de sa virginité, attirante et hostile, prête à lutter et à se rendre. Mais son âme était suspendue aux cils de l’autre comme ces larmes qui voilaient les pupilles où il avait vu l’immensité de l’amour.
- Foscarina ! […]
Dans sa caresse il l’entraînait à travers la prairie, sur une zone d’or vert. Léger, le bras passé sous le bras de sa compagne, il baisait une à une les phalanges de ces doigts, plus fines que les tubéreuses non épanouies. Elle frissonnait. Il la sentait frissonner à chaque touche de ses lèvres.
- Ils ont goût de sel.
- Prends garde, Stelio. Quelqu’un peut nous voir.
- Il n’y a personne.
- Mais là-bas, dans les serres…
- Pas une voix ne se fait entendre. Écoute.
- Silence étrange. L’extase !
- On entend la chute étrange d’une feuille.
- Et ce gardien ?
- Il est allé à la rencontre de quelque autre visiteur.
- Quels visiteurs viennent ici ?
- L’autre jour Wagner y est venu avec Daniela von Bülow.
- Ah ! Oui, la nièce de la comtesse d’Agoult, de Daniel Stern.
- De tous ces fantômes, quel est celui avec lequel s’est entretenu le grand cœur malade ?
- Est-ce qu’on sait ?
- Avec lui seul, peut-être.
- Peut-être.
- Peut-être.
- Regarde les vitrages des serres, comme ils brillent. Ils semblent irisés. La pluie, le soleil et le temps les peignent ainsi. Ne dirait-on pas qu’un lointain crépuscule s’y mire ? Tu t’es peut-être arrêtée une fois sur le Fondamenta Pesaro, pour regarder la belle pentaphore des Evangélistes. Si tu levais les yeux, tu voyais les verrières du palais peintes merveilleusement par les intempéries.
- Tu connais tous les secrets de Venise, toi !
- Pas tous encore. »
Gabriele D’Annunzio, Le Feu, Éditions des Syrtes, 2000, pp. 203-204.
En cliquant ICI, un accès direct à une photo de la Duse, prise en 1903 par le grand Edward Steichen.
Rédigé par : Yves | 25 mars 2006 à 21:19
J'ai retrouvé chez ma tante un télégramme signé d'Eléonora Duse pour sa naissance.
Cela peut-il interresser quelqu'un?
Merci pour votre réponse.
Rédigé par : Hourdé anne | 24 avril 2007 à 18:38
>Anne Hourdé
Ce mot de la Duse m'intéressse, vous est-il possible de le scanner et de m'en envoyer une photo ?
merci d'avance
alain, né un 25 mars
Rédigé par : alain | 22 septembre 2007 à 16:03
Voir cette video de la Divine
Rédigé par : alain | 22 septembre 2007 à 16:05
Du 20 septembre 2008 au 19 octobre 2008, exposition "Eleonora Duse : la donna e l'artista" à
Chioggia, Museo Civico “S. Francesco fuori le Mura”, à l'occasion du 150e anniversaire de la naissance d'Eleonora Duse. Voir aussi sur YouTube la fin du film Cenere (1916) de Febo Mari, d’après le roman de Grazia Deledda. Le seul film où ait joué Eleonora Duse. Ce film sera projeté lors de l’exposition Duse.
Rédigé par : Agenda culturel de TdF | 14 septembre 2008 à 23:14