21 mars 1914 : première audition de Trois poèmes de Stéphane Mallarmé, mélodies pour chant et accompagnement de piano, composées par Claude Debussy en 1913. Elles sont interprétées pour la première fois à la Salle Gaveau, à Paris, par Ninon Vallin (1886 - 1961), accompagnée au piano par Claude Debussy lui-même.
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SOUPIR
Mon âme vers ton front où rêve, ô calme sœur,
Un automne jonché de taches de rousseur
Et vers le ciel errant de ton œil angélique
Monte, comme dans un jardin mélancolique,
Fidèle, un blanc jet d'eau soupire vers l'Azur!
Vers l'Azur attendri d'octobre pâle et pur
Qui mire aux grands bassins sa langueur infinie
Et laisse, sur l'eau morte où la fauve agonie
Des feuilles erre au vent et creuse un froid sillon,
Se traîner le soleil jaune d'un long rayon.
PLACET FUTILE
Princesse! à jalouser le destin d'une Hébé
Qui point sur cette tasse au baiser de vos lèvres,
J'use mes feux mais n'ai rang discret que d'abbé
Et ne figurerai même nu sur le Sèvres!
Comme je ne suis pas ton bichon embarbé,
Ni la pastille, ni du rouge, ni jeux mièvres
Et que sur moi je sais ton regard clos tombé,
Blonde dont les coiffeurs divins sont des orfèvres!
Nommez-nous... toi de qui tant de ris framboisés
Se joignent en troupeau d'agneaux apprivoisés
Chez tous broutant les vœux et bêlant aux délires,
Nommez-nous... pour qu'Amour ailé d'un éventail1
M'y peigne flûte aux doigts endormant ce bercail,
Princesse, nommez-nous berger de vos sourirs. »
ÉVENTAIL
O rêveuse, pour que je plonge
Au pur délice sans chemin,
Sache par un subtil mensonge,
Garder mon aile dans ta main.
Une fraîcheur de crépuscule
Te vient à chaque battement
Dont le coup prisonnier recule
L'horizon délicatement.
Vertige! Voici que frissonne
L'espace comme un grand baiser
Qui, fou de naître pour personne,
Ne peut jaillir ni s'apaiser.
Sens-tu le paradis farouche
Ainsi qu'un rire enseveli
Se couler du coin de ta bouche
Au fond de l'unanime pli!
Le sceptre des rivages roses
Stagnants sur les soirs d'or, ce l'est,
Ce blanc vol fermé que tu poses
Contre le feu d'un bracelet. »
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Les deux premiers poèmes ont été également mis en musique par Maurice Ravel et créés le 14 janvier 1914 par Jane Bathori et un ensemble instrumental dirigé par Daniel Inghelbrecht.
Debussy a dit de Ninon Vallin dans les Trois poèmes de Stéphane Mallarmé :
"Je ne sais où elle va chercher cette prenante compréhension sous les courbes de la musique... Mais c'est très simple, et c'est absolument beau."
Et je sais que le metteur en scène d'Hérodiade de Mallarmé dit "tout" devoir à ces trois mélodies.
http://www.youtube.com/watch?v=3TbQORU90pw
http://www.youtube.com/watch?v=cs5Op5Oi9GE
Rédigé par : Michael | 12 décembre 2011 à 22:18