Ouverture au Grand Palais, le
13 mars 1993, de l’exposition
« le Siècle de Titien ». De Bellini à Tintoret en passant par Giorgione, Véronèse, Titien, près de cent cinquante tableaux et autant de dessins et de gravures sont rassemblés, consacrés à l’âge d’or de la peinture vénitienne (XVI
e siècle).
Tiziano Vecellio, dit Titien
Le Concert champêtre, vers 1509
Huile sur toile, 105 x 136,5 cm
Paris, Musée du Louvre
Département des peintures
LE CONCERT CHAMPÊTRE (vers 1509)
Longtemps attribué à Giorgione, maître du Titien (Tiziano Vecellio), Le Concert champêtre est une œuvre de jeunesse du peintre (v. 1488/1490-27 août 1576). Achetée par Louis XIV en 1671 et aujourd’hui propriété du musée du Louvre, cette très énigmatique « pastorale » est un tableau d’une grande complexité iconographique sur lequel divergent encore les interprétations.
Dans un paysage champêtre, un berger et deux femmes entourent un joueur de luth ; au loin, sous les grands arbres, un berger mène son troupeau. Aristocratique, vêtu d’un très beau costume de velours rouge, l’élégant joueur de luth est assis dans l’herbe. Son instrument posé sur les genoux, il vient d’interrompre son morceau. Apparemment peu attentif à la joueuse de flûte assise nue à sa droite, il semble tout occupé à deviser avec le berger. À gauche du musicien, nue elle aussi, mais debout, une autre femme verse de l’eau dans un bassin de marbre. À moins qu’elle n’y puise l’eau dont elle cherche à remplir sa carafe de verre.
Les deux femmes, pareillement dénudées, pareillement éclairées, s’opposent par leur occupation et par leur position (assise/debout). L’une appartient au trio assis et tourne le dos au spectateur. L’autre, au contraire, lui fait face mais tourne le dos au groupe musiciens-berger. La joueuse de flûte semble appartenir au monde bucolique et dionysiaque de la chênaie tandis que l’autre femme a derrière elle un espace ouvert sur un lac et des habitations.
Les deux femmes nues - des nymphes des bois peut-être ou des allégories - encadrent les deux hommes absorbés l’un par l’autre. Et attirent les regards vers les deux visages qui se frôlent. La tentation est grande de voir dans le joueur de luth, mis en relief, par sa position -dans le tableau et hors du tableau-, par son costume d’apparat et par la noblesse de son instrument, le personnage « central » de la toile. Celui vers lequel convergent les deux figures féminines. Mais peut-être faut-il voir aussi dans le berger, le personnage « principal » de ce trio ? Habitant de ce paysage d’Arcadie, en symbiose parfaite avec le monde qui est le sien, il l’est aussi avec le monde aristocratique du joueur de luth. Si le berger a délaissé un moment son compagnon et son troupeau, c’est pour rejoindre le musicien et partager avec lui une intense émotion, l’émotion que le jeune aristocrate tire de son instrument.
En chacune des deux muses, Titien a très vraisemblablement peint les deux visages complémentaires d’une même figure. La femme à la flûte incarnant l’hédonisme bucolique et l’autre, celle qui puise à la source, présidant aux rites de purification de l’inspiration poétique. Dès lors, la présence du couple féminin dans la scène du concert champêtre rendrait compte d’une harmonie enfin réalisée entre le monde des sens et le monde supérieur de Idées. Quant à la musique, qui tire son inspiration de la Poésie, elle sublime le monde des sens, transcende les différences et unit dans l’harmonie les éléments disparates de la nature et de la vie. Telle est l’une des lectures possibles du Concert champêtre, lecture qui ancre ses racines dans la culture néoplatonicienne qui fut celle du peintre.
Le Concert champêtre de Titien a inspiré de nombreux peintres, français et anglais du XVIIIe et XIXe siècle. Watteau, Turner, Corot, Delacroix, Courbet, Rossetti et Manet, dans son très célèbre Déjeuner sur l’herbe (1863).
Angèle Paoli
D.R. Texte angèlepaoli
Il semble exister une étonnante connivence entre les deux personnages masculins. Une compréhension mutuelle, une amitié, une découverte commune... que sais-je... mais une joie se lit sur leur visage, absente de celui de cette femme dénudée puisant de l'eau dans une étincelante cruche de verre. Le contraste des humeurs est frappant. Et il se dégage une impression de rêverie. Ces deux femmes sont peut-être le fruit de l'imaginaire...
Rédigé par : Marielle | 14 mars 2006 à 17:18