Aquatinte numérique, G.AdC
XII
Le temps passe et lui emporte la moitié
du visage
tandis que dans l’autre
il lui reste si peu de mots
si peu d’images
qu’elle n’arrive pas à faire
un livre de pauvre.
Si peu de salive qu’à racler l’aride
sa voix sèche et se brise.
Perdu le rêve des mers hurlantes
montant çà l’assaut des palais de jade,
perdu par le sortilège des souhaits de
longue vie et de prospérité
pour Shahrayar.
Elle ne peut plus se lancer sur la trace
des renégats
elle ne peut plus avancer
elle ne peut plus dire si cela fait mal.
Elle ne sait plus si elle écrit à tâtons
où si les mots se jettent à sa face
elle ne sait plus avec quel bâton fouiller
quel espace.
Elle écrit en aveugle
et la peur l’accompagne.
Rachida Madani, Contes d'une tête tranchée in Blessures au vent, Clepsydre/Éditions de la Différence, 2006, page 133.
Rachida Madani
« Née en 1951 à Tanger, où elle vit toujours. Son premier recueil*, Femme je suis, avait résonné en son temps comme un prodigieux cri de guerre et d’amour. Le cri d’une femme, certes, mais surtout d’une poétesse de race qui venait jeter un pavé dans la mare de l’ordre littéraire ambiant. Poète des mauvais jours, selon sa propre expression, elle a creusé avec rage le mur du désespoir, ne sachant pas (ou sachant) qu’elle nous mettait ainsi "un soleil à portée de main". Vingt ans plus tard, elle revient avec un autre brûlot, Contes d’une tête tranchée. Un livre qui prend à la gorge et aux tripes et ne lâche le lecteur qu’une fois qu’il a bien assimilé la visée de Rachida Madani : faire en sorte que son cri rende "impraticable le chemin de l’oubli." »
Abdellatif Laâbi, La Poésie marocaine de l’Indépendance à nos jours, Anthologie, Éditions de la Différence, 2005, page 161.
* Blessures au vent, paru en janvier 2006 aux Éditions de la Différence, rassemble les deux recueils de Rachida Madani : Femme je suis et Contes d'une tête tranchée. Parallèlement à la publication de ce recueil, Rachida Madani, par ailleurs traduite en anglais par Marilyn Hacker, a publié en janvier 2006 son premier roman : L’histoire peut attendre, dans la collection Littérature étrangère des Éditions de la Différence.
Le festival du Livre de Tanger se tiendra cette année du 27 février au 5 mars 2006 sur le thème EN TOUTE INDEPENDANCE (Indépendance politique/Indépendance de l'être). Pour le programme, cliquer ICI.
Rachida Madani sera présente à la soirée poétique du samedi 4 mars (21h00, Hôtel El Minzah) aux côtés de Mohammed Bennis, Anne du Bouchet, Guy Goffette, Jallal El Hakmaoui, Luis Munoz, Jean-Pierre Siméon et Abdelkrim Taabal.
Rédigé par : Agenda culturel de TdF | 26 février 2006 à 19:30
Lire aussi l'article d'Al Bayane sur la 10e édition du salon international du livre de Tanger.
Rédigé par : Agenda culturel de TdF | 02 mars 2006 à 18:52