Chroniques de femmes - EDITO
Ph. D.R.
Les hommes seraient-ils bien plus malins qu'on ne le pense... ?
En achevant la lecture de l'article de Paul-François Paoli (« La femme est-elle l’homme de l’avenir ? », Le Figaro littéraire, 9 février 2006), je regarde autour de moi, réfléchis un peu, regarde encore, puis me pose la question suivante : « Où et quand, autour de moi, puis-je constater une "fragilisation de l'identité masculine" ? »
Quelque peu dépitée par un possible mauvais sens de l'observation, je saisis un magazine d'actualité sur ma table de travail, le feuillette puis constate en souriant que celui-ci regorge de publicités pour de belles limousines, souvent côtoyées de plantureuses créatures au regard langoureux. J'ai soudain un doute. Ces voitures seraient-elles avant tout destinées à des femmes ? Je me rassure rapidement en pensant au Salon de l'Auto et à ses nombreuses hôtesses potiches, ainsi qu'en découvrant au fil des pages des publicités pour des appareils ménagers, eux aussi présentés par des femmes mais dans des tenues il est vrai moins sexys que pour les véhicules. Ouf, l'honneur est sauf, la femme-objet n'a pas totalement disparu et la toute-puissance masculine a encore de beaux jours devant elle, du moins dans certains domaines. Pour éviter tout malentendu, je précise que mon hebdomadaire est un hebdo d’opinion tout public, qui brosse chaque semaine le portrait de l'actualité tant nationale qu'étrangère.
Je poursuis donc mon observation en parcourant d'un regard distrait un catalogue de vente de DVD par correspondance. Films de guerre, peplums, thrillers, courses-poursuites violentes, drames historiques avec héros musclés… et pas mal de navets. À première vue, pas de signe non plus d'une fragilisation de l'identité masculine. Même si voir Achille ou Alexandre en jupette peut sans doute en perturber plus d'un. Mais, après tout, les Écossais portent bien le kilt et personne ne les a jamais qualifiés de femmes en devenir.
Perplexe j’étais, perplexe je demeure... Je relis l'article du Figaro Littéraire et tente une approche plus serrée et plus pragmatique des propos de Monsieur Zemmour. L'homme macho serait donc en train de se raréfier ? Nous ne devons pas fréquenter les mêmes milieux, car s’il arrive encore aujourd’hui que quelques hommes cèdent le passage à une femme devant l’ascenseur ou lui laissent le choix du film de la soirée, cette politesse relève davantage, à mon sens, d’un acquis culturel que d’une perte de masculinité. Mon approche est quelque peu schématique, voire caricaturale, j’en conviens, mais dire que l'homme abandonne sa part masculine au profit d'une certaine féminité parce qu'il se parfume, se tartine le visage de crème anti-rides ou se rase les aisselles ne l’est-il pas tout autant ? Je pourrais, en tant que femme, me sentir flattée de voir associés beauté et soin de soi avec féminité, mais mon enthousiasme retombe assez vite quand je prends conscience que, de nos jours encore, l’image de la femme n’est au final que miroir à froufrous, fanfreluches, dentelles et cosmétiques. Comme si l’art du du bien-être n’était que frivolités ! Comme si l'ego masculin était tourmenté par la crainte que l'on puisse accoler à son image le moindre soupçon de légéreté quand il décide de prendre soin de lui, de ne pas sentir le phoque et de présenter donc de lui une image disons plus politiquement correcte.
Justement, le politiquement correct.... C'est peut-être là que le bât blesse. L'homme, et lui seul, a longtemps fait le lien entre virilité et pouvoir. Etre fort, diriger, dominer, ne jamais avouer ses faiblesses... tels ont été pendant longtemps les ingrédients de la recette du « réussir » masculin. Inventée par les hommes, soulignons-le, qui se sont fait avant tout plaisir à eux-mêmes sans trop se soucier de savoir si cela plaisait réellement aux femmes.
Qu'aujourd'hui, d’aucuns, voire une majorité, décident qu'il n’est finalement pas si désagréable pour eux de parler vêtements ou beauté, voilà que cela dérange, parce que cela ne correspond plus au moule quelque peu étriqué que la société masculine s’est longtemps forgé, se pensant jusqu’ici à l'abri de toute dérive ou transgression par rapport aux normes qu'elle a elle-même établies.
J'en veux pour exemple l'existence de l'émission Queer, citée dans l'article, et qui serait un reflet de cette féminisation à l’œuvre. Je ne m'attarderai pas sur le concept de télé-réalité classique qu'il véhicule, à fort potentiel d'audience et de publicité, étant donné qu'il me semble relever du bon sens commercial (je ne parlerai pas ici de bon goût) qu'une chaîne de télévision grand-public propose à ses spectateurs une émission à succès. Je m'étonne simplement que Mr Zemmour n'aille pas plus loin dans son analyse et ne conçoive pas un seul instant que ce genre de produit télévisuel est le signe patent que l'homme n'est pas encore totalement féminisé. Mais, pour lui, aucun doute n’est possible, si un homme s'habille ou est bien coiffé, c’est qu'il est gay. Joli raccourci ! Le raisonnement n’est-il pas quelque peu pervers de déduire que le goût qu’a l'homme à prendre soin de lui est la marque reconnaissable (« indélébile » ?) de son homosexualité. Loin de moi l’idée de bannir ou d'encenser cette forme de sexualité, mais c'est encore une fois cette façon de l’appréhender et d'en faire un effet de mode qui ne cesse de m'interpeller. Une manière détournée de « ghetto-iser » certaines catégories de personnes.
Je dois également avouer avoir souri devant le choix d'auteurs cités pour illustrer cette dévirilisation tant redoutée. Sollers et Houellebecq... la littérature serait-elle devenue à ce point pauvre qu'il faille choisir un libertin impénitent et un provocateur professionnel pour justifier cette tendance à la féminisation ? D'autant plus que l'image de partouzeur que se donne Houellebecq ne cadre pas vraiment, à mon sens, avec un quelconque soupçon de dévirilisation. Sourire derechef devant le passage cité de l'ouvrage La Guerre sexuelle, dans lequel le narrateur déplore sa faiblesse parce que c'est sa femme qui tient les comptes et éduque les enfants. Monsieur Pajak a peut-être oublié qu'il y a n’y a pas si longtemps que cela, c'étaient encore les épouses qui géraient les aspects pratiques de la vie domestique, qui s'occupaient de l’éducation des enfants et tenaient les cordons de la bourse afin d'éviter qu'un mari dispendieux ne dilapide le pécule familial en boissons diverses ou autres divertissements peu recommandables. Monsieur ramenait certes la paie mais Madame « portait la culotte », disait-on. Une fonction que la femme n'a pas laissé tomber d’ailleurs quand elle s'est mise à son tour à travailler à l'extérieur, au risque d'un cumul répréhensible de fonctions. Ce qui me fait dire en passant que ce n'est pas tant l'homme qui a perdu de sa superbe que la femme qui a gagné en pouvoir.
Où mon sourire a disparu, c'est lorsque j'ai lu l'amalgame dangereux qui était établi entre violence des jeunes issus de l'immigration et régression du pouvoir masculin. De manière indirecte et, si j'ose me permettre, plutôt scandaleuse, la femme est accusée de « mettre le feu aux poudres dans les banlieues », certes involontairement mais tout de même, cette violence étant l’effet indirect du pouvoir qu'elle a pris à/sur l'homme. Je ne peux qu’être choquée par une telle hypothèse. Si la violence éclate, elle est davantage liée à une perte de repères socio-économiques et à l'absence d'un pouvoir cohérent et constant. Je ne vois pas en quoi la femme devrait être tenue responsable de ces dérives.
Bref, vous l'aurez compris, je ne partage que de très loin la vision de la dévirilisation tant décriée. Et je retrouve mon sourire de femme en me disant que, décidément, l'homme est encore prêt à beaucoup faire et à beaucoup dire pour garder la première place, celle du Maître, même si pour cela il doit se plaindre d’avoir un peu perdu de cette masculinité qu'il chérit tant !
Retour au répertoire de février 2006
Au risque d'entamer une polémique, mais sans remettre en question ce que vous écrivez si bien Marielle, il me semble que le titre de l'article en question évoquait la "masculinisation" de la femme plutôt que la féminisation ou perte de virilité de nos chers hommes... Je m'interroge...
Rédigé par : pascale | 16 février 2006 à 11:01
Chère Pascale, je pense qu'il vaut mieux se référer à l'article lui-même et aux ouvrages qui sont cités. Aussi, je vous mets ci-dessous une copie de cet article :
Dans Le Premier Sexe, Eric Zemmour dénonce l’effacement des hommes dans une société où le couple et les sentiments ont été modulés au féminin. Un pamphlet radical dont la thèse est illustrée par le roman de Frédéric Pajak, La Guerre sexuelle.
« L’HOMME » d’antan : celui qu’on appelait autrefois « le mâle », terme archaïque qui renvoie à toute une mythologie, est-il en voie d’extinction en Occident ? Dans Le Premier Sexe, sous-entendu les femmes, Eric Zemmour, grand reporter au Figaro et auteur de nombreux essais, n’y va pas par quatre chemins et met les pieds dans le plat. Ce que beaucoup d’hommes, mais aussi de femmes, murmurent depuis des années, il l’écrit sans ambages.
Il ne fait pas de doute, à ses yeux, qu’un certain type d’homme, dominateur mais responsable, « macho » mais rassurant, est en train de se raréfier dans nos contrées. En trente ans, affirme Zemmour, qui prend le cinéma à témoin, nous sommes passés des modèles de « l’homme qui s’impose » des années 60 et 70, du type Ventura, Belmondo ou Delon, à la glorification des papas poules dans Trois hommes et un couffin. « Avec une bonne volonté confondante, suspecte, malsaine, les hommes font ce qu’ils peuvent pour réaliser ce programme ambitieux : devenir une femme comme les autres. La femme n’est plus un sexe c’est un idéal », écrit l’auteur qui ajoute : « Sur les dialogues d’Audiard, Gabin serait aujourd’hui interdit de séjour. » A l’écran comme dans la vie, est advenu un nouveau modèle de mâle qui se pomponne, s’épile, fréquente les salons de beauté et se couvre de bijoux, à la manière du footballeur David Beckham. Ici, Zemmour cite des statistiques sur les nouvelles pratiques, sans oublier un sondage où il apparaît que près de quatre hommes sur dix, si la science s’y prêtait, ne seraient pas contre une expérience de procréation ! Certains s’en réjouissent.
Un mâle compassionnel et tendre
Pas Zemmour, qui ne se contente pas de dresser un tableau de moeurs du genre « tout fout le camp ». (Après tout, la rengaine contre la féminisation des valeurs n’est pas neuve, qu’on se rappelle Montherlant et sa dénonciation de « la morale de midinette ».) Il décrit l’évolution des mentalités depuis le début du siècle dernier, qui a vu un des fondements traditionnels de l’identité virile, celle du guerrier, s’abîmer dans la boucherie de 14-18, jusqu’à cet immense monôme antipatriarcal que fut Mai 68. Pour lui, comme pour le sociologue Gilles Lipovetsky (1), les femmes se sont finalement moins « masculinisées » que les hommes ne se sont « féminisés ». Alors même que celles-ci ont dédaigné les valeurs « phalliques » du pouvoir économico-politique - qui reste, grosso modo, la chasse gardée des hommes - ceux-ci ont intériorisé les valeurs féminines dans le domaine sentimental et sexuel.
Ainsi l’homme serait advenu un mâle « compassionnel », tendre mais indécis, un peu gnangnan, qui a peur de ses instincts comme de son ombre. La preuve de ce renversement, Zemmour la voit dans la dévaluation, par les hommes eux-mêmes, de l’idée de virilité. Quand le masculin était l’expression de la liberté, on appelait les filles qui s’émancipaient les « garçonnes » ; depuis que le féminin prime, notamment au niveau de la publicité et de la mode, c’est le mâle « gay » ou androgyne qui devient la référence implicite. Que certains hommes politiques se bousculent pour apparaître à la Gay Pride est pour Zemmour un signe qui ne trompe pas ! « Au gay la lumière, au macho l’ombre. Au gay est assimilé l’homme féminisé porté aux nues, au macho l’homme bêtement viril, dénigré, méprisé. Ostracisé. » Et de citer en exemple une émission comme Queer sur TF1 où des gays relookent des pauvres hétéros incapables de s’habiller ou de faire le ménage...
Des romanciers inspirés par la dévirilisation
En somme, ce que Zemmour reproche aux hommes de son époque, et aux « bobos » quadragénaires en particulier, c’est d’avoir renoncé à leur souveraineté d’antan pour s’épanouir au féminin. On peut, évidemment, ne pas partager le jugement de valeur abrupt qu’il porte sur son époque, mais comment contester que ce thème de la dévirilisation inspire depuis un certain temps le roman français ? Dans Femmes, paru en 1983, Sollers ironisait déjà sur ces nouveaux couples, où les hommes sont « féminisés, débilisés, racornis, enjupés, domestiqués, maternisés... etc. ». Un écrivain comme Houellebecq n’a-t-il pas fondé une part de son succès sur cet aplatissement de l’image de l’homme contemporain, ni père, ni séducteur, ni aventurier, mais dépressif et partouzeur ?
Enfin, s’il fallait un roman qui illustre cette débandade symbolique, La Guerre sexuelle, paru voici quelques semaines, en est un. « Je m’appelle Bobèche et suis un homme de mon époque (...) Auque, ma femme, me considère comme un faible : elle a raison. Chez nous, c’est elle qui commande et c’est moi qui obéis, au moins pour l’argent, les sorties, les vacances et l’éducation de notre fils Julot. » A la fin, le malheureux Bobèche, que sa femme a d’ailleurs quitté avec son fils, las de subir, met une raclée à deux types qui l’insultent dans un bar. Au lieu de se révolter contre sa propre veulerie, il la fait payer à d’autres...
Au terme de son essai, Zemmour aborde la question de la violence des jeunes issus de l’immigration. Il y voit, en particulier, l’expression d’un désarroi face à une société à laquelle ils ne parviennent pas à s’identifier parce qu’ils proviennent d’un univers où l’homme, père et frère, est sacralisé. Et de citer Malek Chebel, psychanalyste et anthropologue, qui affirmait récemment (2) que le succès actuel de l’islam provenait, entre autres, du fait qu’il est « la religion masculine par excellence ». « Je suis toujours surpris par la force de conviction des chrétiens convertis à l’islam. Qu’est-ce qu’ils y trouvent ? se demandait celui-ci. Une virilité et une sécurité qu’il n’y a plus dans le christianisme. »
Eric Zemmour a mis le doigt sur une plaie qui nourrit notre malaise de civilisation : la fragilisation de l’identité masculine. Provocant, son livre devrait susciter le débat. A moins que l’autruche, fidèle à elle-même, ne préfère garder la tête dans le sable...
Paul-François Paoli
(1) Voir La Troisième Femme chez Gallimard.
(2) Dans Le Point, le 22 septembre 2005.
Rédigé par : Yves | 16 février 2006 à 13:21
Merci de cette précision, voilà la réponse à mon interrogation. J'avais rebondi sur le titre volontairement équivoque, je pense, de l'article, ce qui m'a amenée à en faire une interprétation erronée. Sans nier l'intérêt du débat en cours, il me semble que le titre comme je l'avais compris avait un son autrement novateur et provocateur... Dommage !
Rédigé par : pascale | 16 février 2006 à 16:08
Un enfant peut être une femme, un homme d'avenir. Je sais tellement d'hommes qui n'ont pas d'avenir, et tant de femmes aussi, qu'il finiront bien par se rencontrer dans un quelconque présent ? Des hommes dévirilisés, je n'en connais pas : je connais des hommes qui vivent mal, ils manquent de certitudes, se cognent partout... Des femmes aussi, qui vivent mal... L'une d'elles voudrait enfin un travail : elle ne demande pas grand-chose, dit-elle, simplement savoir que son job de réinsertion va durer. Mais à l'en croire, on esquive la question, personne ne veut ou ne peut se prononcer. Une autre me parle de ses douleurs de coeur - de coeur, je suis gentil : ça n'a pas l'air facile, autant de souffrance que de jouissance, ça n'a pas l'air feint, pour autant que je puisse en juger... C'est pas féminin, ça ? Un homme qui se refait une santé, si c'était possible avec un foie détruit et combien de cachets par jour, c'est viril ? pas viril ? Celui-ci qui a des rotules en plastique, il élève ses cinq enfants avec un RMI, mais grapille quand même quelques chantiers, parce qu'élever ses enfants sans travailler du tout, il ne sait pas : viril ? non viril ? Il faut faire attention où on prend ses exemples : parce que la publicité et les catalogues, ça n'a jamais été fait pour connaître les gens comme ils sont, mais au pire comme ils se rêvent. Et les écrivains de mag - que ce soit mag-ci ou mag-là - itou. Et alors là, viril, féminin, enfantin, quelle importance ? Relisons Dietrich, Walser, Kafka, Mann, Dostoïevski, Faulkner, et si alors la question virilité réapparaît dans la question littérature, c'est que je me serai trompé, et que j'étais passé très loin de ce qui, dans la vie, importe. - Pour participer. Jean-Marie Perret.
Rédigé par : Jean-Marie | 16 février 2006 à 22:13
L’article de Paul-François Paoli suscite en moi les réflexions suivantes que je vous soumets, un peu en vrac… Faut-il vraiment déplorer qu’un certain type de « mâle », dans le pire sens du terme, disparaisse ? Probablement pas, si tant est qu’il soit remplacé par un homme, un vrai, à savoir un homme responsable et respectueux.
Ce qui me pose problème dans le point de vue d’Eric Zemmour (je précise que je n’ai pas lu l’ouvrage, et que je m’en tiens à ce qui en est dit dans l’article du Figaro littéraire), ce n’est pas tant le jugement qu’il porte sur la « disparition » de ce type d’hommes (à savoir, est-ce bien ou mal ?) que l’erreur qu’il fait dès les prémices de son analyse. Car, sincèrement, je ne pense pas que le « macho » dans toute son horreur ait disparu. Franchement non. Qu’il ait disparu de certains milieux parisiens (intellectuels ou autres…) que fréquentent Eric Zemmour et ses confrères, c’est plausible. Mais que notre journaliste se penche sur la « vraie » France, sur ceux qu’on appelle aujourd’hui « les Français de base » -qu’ils vivent en banlieue ou non -, sur cette majorité de « mâles de base » qui n’ont guère étudié, qui n’ont guère voyagé, il pourra constater que ceux-là n’ont d’autre ambition que de vivre avec une compagne qui remplisse les fonctions « traditionnelles » de la femme : entretien de la maison, éducation des enfants. Les seuls domaines de liberté qu’ils lui concèdent réellement sont la possibilité de travailler et, parfois, de tenir les cordons de la bourse du ménage.
L’analyse de Zemmour ne trouve toute sa pertinence et tout son sens qu’à la condition que soit préalablement pris en compte le niveau de formation et d’études des personnes concernées. Ce préalable étant posé, il est vrai que certains hommes aujourd’hui, sans être à proprement parler féminisés, ne sont pas insensibles à des polarités féminines, qu'ils ont, dans le meilleur des cas, assimilées. Sans pour autant perdre leur identité masculine. Ceci est très probablement l’effet indirect de l’émancipation des femmes. Et du nouveau statut de la femme dans la société. Au demeurant, cette émancipation (relativement récente) pose certes problème aux hommes (qui, bien que se sentant menacés, s’adaptent somme toute, de gré ou de force, pour la plupart d’entre eux), mais aussi aux femmes elles-mêmes, tout autant déboussolées par leur nouvelle liberté. Car si la période que nous vivons est fondamentalement une période de liberté, c’est aussi et surtout une période où se fait cruellement sentir l’absence de stabilité et de sérénité.
La dernière partie de l’article sur la violence des jeunes, celle des jeunes des banlieues en particulier, a beaucoup plus retenu mon attention. Mais là encore, à l’origine de cette violence exercée sur les femmes, il y a un déficit de développement intellectuel, lui-même à l’origine de l’incapacité et du refus de s’adapter à la société moderne. Qu’il s’agisse du jeune « blanc » qui n’accepte pas que sa petite amie ne se comporte pas avec lui comme sa mère avec son père, ou du jeune beur qui pense inconsciemment que ses problèmes viennent du délitement du modèle patriarcal nord-africain… Pour résoudre ces problèmes, c’est une véritable mission d’éducation qu’il faut mettre en place, plutôt que d’envisager un retour en arrière vers un plus de masculinité. Non, notre société n’a vraiment pas besoin d’une injection de testostérone.
La conclusion de l'article me gêne. Je cite : « Eric Zemmour a mis le doigt sur une plaie qui nourrit notre malaise de civilisation : la fragilisation de l’identité masculine. » Une plaie ? S’il y a une réelle fragilisation, oui. Mais modification de l’identité masculine n’est pas nécessairement fragilisation. Passée la phase actuelle de changement, nous verrons clairement que l’homme n’est pas fragilisé. Il est seulement désacralisé et remis à une place d’égalité avec la femme, somme toute ni meilleure ni pire.
Pour conclure, je dirais que l’homme d’aujourd’hui, celui qui s’interroge tout en restant « mâle », est peut-être plus à chercher du côté de la chanson ou de la bande-dessinée. Ecoutons Bénabar. Qu’on l’aime ou non, beaucoup de jeunes gens entre 20 et 35 ans se retrouvent dans ses textes. Il faut aussi lire Le Combat Ordinaire de Manu Larcenet. L’homme de ce début de siècle, c’est lui.
P.S. 1. Quant à Houellebecq, l’homme lui-même ou le personnage cynique de ses romans, peut-on réellement le considérer comme un prototype du mâle moderne ? Que je sache, la plupart des hommes ne passent pas leur temps à forniquer à tout bout de champ dans des contrées plus ou moins exotiques avec des filles plus ou moins pubères…
PS 2. Je vous encourage à continuer votre blog, réellement un des tout meilleurs que j'ai pu voir !
Rédigé par : Alfred Teckel | 19 février 2006 à 15:04
J'avais décidé de ne pas me laisser entraîner dans le débat suscité par l'article de Paul-François Paoli et les nombreuses et complexes questions qui en découlent mais la lecture du commentaire de Alfred Teckel m'a vue changer d'avis. Si je suis d'accord avec l'essentiel de votre démonstration Alfred, j'aimerais cependant que vous précisiez votre pensée lorsque vous parlez de l'émancipation et de la nouvelle liberté des femmes. De quelle(s) liberté(s) parle-t-on ici ?
Liberté sexuelle ? S'il est vrai que les femmes ont soi-disant aujourd'hui le choix de décider d'avoir ou non des enfants (et cela reste à prouver), leur liberté sexuelle est illusoire ; regardez autour de vous comment sont perçues ces femmes dites libérées : si elles ne sont pas victimes des pires affronts, elles font l'objet d'un manque de considération général. Liberté économique alors ? D'accord de plus en plus de femmes travaillent, mais s'agit-il là vraiment d'une nouvelle forme de liberté ou bien plutôt d'une nécessité pour subvenir aux besoins financiers de la famille ? Et peut-on parler de plus grande liberté lorsqu'il est généralement convenu que ce sont les femmes, encore et toujours, qui accomplissent la majorité des tâches domestiques et s'occupent de l'éducation des enfants, ceci en plus de leur activité professionnelle? Si l'on observe une évolution des mentalités dans ce domaine, le changement est encore trop timide. Et je ne parle pas que des milieux où évoluent les "mâles de base" que vous mentionnez dans votre commentaire. Je parle en général de notre société judéo-chrétienne traditionnellement machiste. S'il y a des exceptions, dont vous faites sûrement partie, elles ne restent justement et malheureusement que ça. Alors liberté de la femme, nouveau statut, émancipation, j'ai bien peur qu'il ne s'agisse là que de grands mots que nous vendent les faiseurs d'opinions, dignes représentants de la gent masculine ! Et si la prétendue émancipation des femmes pose problème aux hommes ce n'est peut-être pas pour les raisons qu'on croit ....
Veuillez m'excuser de m'être quelque peu éloignée du sujet initial mais il m'était nécessaire de m'attarder quelques instants sur cet aspect particulier de votre commentaire. En toute amitié,
Pascale.
Rédigé par : pascale | 19 février 2006 à 20:42
Suite à mon post de dimanche et compte tenu de certain courrier insultant que j'ai reçu par la suite en privé (et que je soumettrai volontiers à quiconque en fera la demande polie), je tiens à préciser que je ne milite au sein d'aucune association féministe, que je ne sais même pas vraiment ce que cette étiquette sans doute réductrice recouvre vraiment, que je ne me sens chargée d'aucune mission prosélyte, que je suis femme- et non pas femelle-, et mère bien dans ma peau, heureuse de la compagnie des hommes qui savent voir chez la femme un vrai être humain et non pas un mouton docile ou une machine à procréer.
Je tiens pour preuve de ce que j'avance ci-dessus mon incapacité à fournir statistiques, chiffres, articles et références pour étayer mes vues.
J'assume donc ma position et mes opinions aussi vieilles que moi et tiens à souligner que ce n'est pas de la pseudo-littérature ou de la pseudo-sociologie qui me feront changer d'avis.
Rédigé par : pascale | 21 février 2006 à 08:40
Pascale,
Je suppose qu'il s'agit du même correspondant que celui qui s'est adressé à Marielle et à moi-même. Un cerveau passablement dérangé si l'on en juge par la forme non argumentée, délirante et obsessionnelle du discours. Rassure-toi, nous nous rangeons à ton point de vue. Que nous jugeons fondé et mesuré. Tiens-nous au courant en privé.
Angèle
Rédigé par : Angèle | 21 février 2006 à 09:50
Chères Pascale et Angèle,
J’avais décidé de ne pas intervenir dans le débat qui s’installait sur TdF tant il me semblait que les gens de culture qui fréquentent ce site étaient à des années lumière de la problématique stupide qui consiste à opposer les hommes aux femmes, alors qu’ils sont complémentaires, mieux, indispensables les uns aux autres !
Les hommes, quand ils sont machos, sont souvent ridiculement pathétiques, ils sont inférieurs à la gent féminine, cette cause-là pour moi est entendue. Mon point de vue est qu’ils le savent, mais ne l’acceptent pas. Le leur rappeler est leur faire trop d’honneur. Oublions les pauvres mecs beaufs qui ont des supposées grosses couilles inversement proportionnelles, en fait, à leurs 4x4 …
Ci-dessous, un extrait d’un propos qui me semble juste. Il est dû à Marie-Eve Fournelle (http://sisyphe.org/). Je vous le soumets avec l'intention de calmer le jeu dans un débat qui, sur le fond, est bien ennuyeux ! Dont je retiens cependant la très juste conclusion de Jean–Marie :
"...si alors la question virilité réapparaît dans la question littérature, c'est que je me serai trompé, et que j'étais passé très loin de ce qui, dans la vie, importe."
Amicizia
Guidu ________
Voici :
LES SALAUDS, NE VOUS DEPLAISE, N’ONT PAS DE SEXE
"Je suis de cette génération de jeunes femmes dont vous parlez qui, sans pour autant être anti-féministes, réagissent parfois violemment aux propos de celles qui démonisent trop facilement la partie masculine de l’humanité. Je ne suis pas en guerre contre les hommes qui m’entourent, ni contre un idéal-type abstrait du mâle, aisément détestable puisque imaginaire. Les salauds, ne vous déplaise, n’ont pas de sexe.
Je suis de celles qui croient que l’évolution des valeurs véhiculées par une société demande du temps, beaucoup de temps. Vous blâmez une civilisation machiste de rester sourde aux violations des droits de la femme dans de si nombreux pays ? C’est ridicule. Une perspective sexuée n’a rien à voir là-dedans. Une société ne peut changer que si des pressions pour le changement surviennent de l’intérieur de celle-ci. Cela demande du temps, et ça ne peut pas s’imposer. C’est un combat qui ne peut pas être mené de l’extérieur.
Il y a à peine 50 ans que nous avons obtenu le droit de vote. Dans 20 ans, les professions libérales seront occupées à majorité par des femmes, puisqu’elles sont plus nombreuses à poursuivre des études universitaires. Dans tout cela, où est-il le mâle dominateur en perte d’autorité que nous devons tant craindre ? En train de faire appliquer des projets de loi visant à garder les femmes à la maison ? À restreindre l’éducation aux petites filles ? Occupé à diminuer les salaires féminins pour décourager notre implication dans la vie économique et politique ? À ce que je sache, c’est tout le contraire. Je ne dis pas que tout est rose désormais et qu’on doit s’endormir sur nos lauriers. Je dis qu’il faut permettre au temps de faire son oeuvre et que cracher sur les mâles à grands coups de procès d’intention bidon et étriqués pour rehausser l’image de marque de la femme est une erreur de jugement impardonnable.
Cela vous étonne, que les jeunes femmes rejettent les discours féministes contemporains ? Mon avis c’est que le discours anti-patriarcat, qui trop souvent propage la haine et la paranoïa envers les hommes, nuit au féminisme beaucoup plus qu’il ne l’aide… "
Rédigé par : Guidu | 21 février 2006 à 11:11
Je suis d'accord avec toi, Guidu, reste qu'il est plus facile de tenir ton discours quand on est un homme. Je lisais hier un très beau "texte" (je n'ai pas de mot pour le qualifier) de Tah. Autant l'avouer tout crûment, il m'a bouleversé. Dans le même temps, je me suis demandé si un homme aurait été à même de l'écrire. Je ne crois pas trop en effet que la "question virilité" (selon l'expression de Jean-Marie) ait à voir avec la littérature. Mais la question de la ségrégation sexuelle, alors là je ne suis plus aussi sûr de moi. Même si, par ailleurs, des femmes aussi "engagées" que Monique Wittig se sont toujours énergiquement opposées à ce que l'on puisse considérer qu'il y a une littérature "féminine" ou une littérature "masculine". En tout cas, la question est toujours à l'ordre du jour dans des blogs poético-littéraires que je ne nommerai pas. Non, le débat des années soixante-dix n'est pas vraiment clos, comme on le croit trop souvent. A mon sens, il a seulement été refoulé. Faut-il en tirer des conclusions, littéraires ou non, sur la production littéraire ?
Rédigé par : Yves | 21 février 2006 à 17:09
Merci à vous deux pour ces posts intelligents. N'en déplaise aux âmes chiffonnes et aux esprits chagrins, les hommes comme vous je les adore ! Les pertinentes et riches références littéraires de Yves qui m'a aujourd'hui guidée (comme c'est de plus en plus souvent le cas) vers un texte bien émouvant, celui de Tah ; et puis Guidu et son admirable travail photographique, ses liens Internet souvent passionnants, quelquefois inexistants :-) et son sens de l'humour, un vrai tonique ce soir ! Sur ce, je me retire de ce débat houleux et douloureux qui a quand même donné lieu, dans l'ensemble, à de riches échanges.
Très affectueusement aux trois vedettes de Terres de Femmes.
Rédigé par : pascale | 21 février 2006 à 18:50
Flap ... l'oiseau se pose et dépose ...
en ces temps de grippes à bières ... l'oiseau n'est pas très "serin" ... mais concernant l'oiseau que je suis l'important est de se demander ... quel vol a-t-il ? En attendant le rat passe ...
zoziottement
busard
Rédigé par : busard | 22 février 2006 à 11:36
Je m'étonnais de votre silence et m'inquiétais de ne plus vous voir planer au-dessus de mes terres, mon cher busard. Mais vous avez l'air plutôt en verve, malgré tout. Voilà la civetta rassurée.
Par ces temps de migrations difficiles, ne me laissez pas trop longtemps sans nouvelles, Albanello. Merci de vos charmants gazouillis.
Rédigé par : Angèle Paoli | 22 février 2006 à 14:51
Je lis et ne lis pas...Le poète se doit de rester en avant...
Peut-être une réponse ci-après :
Transsubstantiation
Elle marche et bruit se déhanche et s'allonge Mes yeux s'écoulent et l'écoutent Trois
Et pour un vers à fin diverses Mistral la pousse Je suinte un voyage
En pores francs où j'essuie la suie désuète quand Nuit accouche de ses fleurs
Provisoires Elles brûleront au petit matin rondement avalées
Le grand rouge a faim grand faim d'histoires courtes et mortes ou de langue sèche-Ment esseulée Je suis plein de maux dits bout à bout dix mots pour un non-dire
Redis-moi que tu m'aimes une seule et sainte fois et je mangerai tes ongles !
Je veux vomir un livre à mille onglets te l'offrir tu choisiras :
Celui juste après mécaniquement noir c'est l'endeuillé dernier
Perverti par cent vies (un peu moins ?…) ( …bien plus !) d'une éternité telle-
Ment moins belle que ton court message( courriel-Ment ) reçu par la voie
De l'ond'Elle c'est toi n'est-ce pas c'est bien toi la grande fauve griffeuse de mots ?
Le central c'est l'onglet rose ( car il convient de fleurir le centre de toute (c)ré-
A(c)tion en chaîne) tu l'ouvriras et je t'enlaisserai d'un collier ré-
Actif Alors et seule-Ment tu prendras ma lune et comme un simple mouchoir
À son avers invisible tu y colleras tes yeux-jais ta chevelure
Blé comme un champ d'été tes jambes (…j'imagine…) triomphallique-Ment haussées
Rêves à en perdre la haine de soi ( car Beauté contamine)
TRÊVE ! …souffle…respire…aspire…ex…NON ! N'expire pas encore !
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Ferme le livre reprends le premier onglet glisse ton index et ouvre
Moi encore ( pardonne ce putain de Moi) la voix lactée de tes lèvres perdues…
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Je mens-drogyne…
Et l'avis de Yves ?
Rédigé par : Jean-François | 23 février 2006 à 17:18
Il y a beau temps que je n'ai plus d'a-vis. Je vis tout simplement, jour après jour. Si, je sais tout de même que Malraux s'est trompé. Le XXIe siècle ne sera pas religieux, il sera féminin. Il est temps de se reconvertir... Ou pas d'ailleurs, pour ceux qui vénérent encore la déesse Isis. Mais qui veut jouer le rôle d'Osiris ? Relire et méditer Adonis.
Rédigé par : Yves | 23 février 2006 à 17:31
Je ne comprends pas ce truc de "masculinisation des femmes". C'est la peur de la Géante ou du Vagin denté, ou quoi ?
Il y a toujours eu des hommes plus féminins et des femmes plus masculines (extérieurement parlant) et il leur est plus facile de l'exprimer. Mais si on parle des "codes de séduction", il suffit d'ouvrir la télé ou de se ballader dehors, pour voir que non seulement ces codes sont presque intégralement respectés - hommes vêtus de sombre ou en "jogging bleu"/ femmes sexy souvent vêtues de couleur.
Je ne vois pas tellement de femmes "masculinisées".
Rédigé par : Bidouillou | 01 mars 2007 à 00:29
James Dean au volant de sa Porsche d’anthologie se scratchant sur le bastingage de l’océan du désir, hypnotisé par l’apparition de l’invariant féminin… éternelle différence et attirance des sexes… voilà qui me fait m’esclaffer de rire !
Amicizia
Guidu___
Rédigé par : Guidu | 01 mars 2007 à 11:21
Arrêtons les mascarades : la différence sexuelle, c'est un peu comme la judéïté : une différence qui "ne se voit pas" (même si le "zizi" - en avoir ou pas- peut s'y placer en point de mire). Car c'est bien sur le phallus que se joue l'épreuve de castration. Ne pas confondre "zizi" et phallus !
Voilà pourquoi, comme pour les juifs, à force de s'exaspérer (sex-axe-perer) de ne pouvoir la cerner, cette différence sexuelle, on la pere-sécute, on la traque, on la travestit ou on la censure !)
Une différence pourtant qui se manifeste, se révèle, dans la relation charnelle et symbolique, sexuée, à un autre ; relation qui s'incarne parfois en jouissance divine.
Ainsi la différence sexuelle est-elle sans cesse à réinventer dans le désir entre deux êtres. Elle n'est jamais donnée, que l'on soit homme ou femme...
Rédigé par : Alphea | 01 mars 2007 à 14:39