Ph., G.AdC
DÉPASSÉ. PROVISOIREMENT
Sombre. Mais l’espace plus vaste.
Moins de gens. Le sentier dans l’obscurité
mène-t-il vers une solitude plus vraie ?
Peut-être est-ce à cet âge, en ce lieu, ici
que se partagent les routes.
Sombres heures, journées, semaines. Ainsi
dans la plaine de ton enfance, les eaux très lisses,
très silencieuses. Et noires. Le cœur
s’est lassé de courir. À pas plus lents,
À pas presque égaux, ce cœur
nous entraîne sans bruit vers l’ampleur de la nuit.
Il ne désire plus. Ne gambade plus. Ne se cabre plus.
Mais à voix basse, dans la brise obscure, il chante encore.
Lente chanson linéaire, horizontale,
sans grincements, sans grimaces, sans cris.
Il est temps de dormir. Faut-il présentement
attendre le retour d’une aube plus mûre
pour un travail plus régulier ?
Ou faut-il déjà, faut-il vraiment, faut-il
descendre vers les rives de la grande eau souterraine ?
1.2.57
Jean-Paul de Dadelsen, Jonas, Gallimard, Collection Poésie, 2005, pp. 144-145.
C'est beau, c'est sûrement vrai mais c'est triste et ça ne donne pas envie de vieillir... pas ce soir, pas encore...
Rédigé par : pascale | 01 février 2006 à 18:56
Très beau poème, mais comme je le dis souvent : "Pourquoi s'inquiéter de l'avenir? Il vient d'arriver et il est déjà reparti."
Ce texte me fait aussi penser à un projet d'art que je suis en train de traiter :"Le vide et le plein" ...sombre comme le vide, le vide de bonheur ? de joies ?!
Voilà, sinon très joli blog !! Et ne pas oublier non plus : " Arrête-toi et prends le temps de vivre".
elodie (une ancienne élève de la Providence de la Seconde 6 de l'année 04-05) ;)
Rédigé par : elodie | 05 février 2006 à 16:25
Elodie, Pascale.
Bonsoir à toi, Elodie. Je suis heureuse de ta visite. Je te reconnais bien là, toi l'artiste, dessinatrice talentueuse et jongleuse experte, pleine de vie, de rire et de bonne humeur. Oui, c'est un poème trop automnal pour une jeune fille comme toi. Mais je crois me souvenir que tes personnages n'étaient pas tous heureux ni même gais et que tu écrivais toi aussi des poèmes tristes.
Jean-Paul de Dadelsen est un grand poète qui cherche et s'interroge et explore toutes les nuances du coeur humain. Il a beaucoup d'humour, il est parfois très drôle. Il m'arrive de rire en le lisant. Je le crois plutôt apte au bonheur. J'ai beaucoup de tendresse pour lui .
Elodie, pourquoi le vide serait-il sombre ? En tout cas, c'est un très beau sujet que celui que tu as à exploiter. Tu vas trouver plein de choses à dire, j'en suis sûre.
Pascale, non pas vraiment envie de vieillir, pas encore, mais aurai-je un jour ce désir-là? Je ne le crois pas.
Mais, au fond, ce poème, triste c'est vrai, réussit à me faire sourire. A cause de son titre d'abord. Je le trouve extraordinaire, ce "Dépassé. Provisoirement". Il me subjugue et m'échappe. C'est ce que j'appelle l'humour de De Dadelsen. Et puis il y a l'adverbe "Présentement" que j'associe immédiatement à un africanisme d'Afrique noire. Il ne m'en faut pas davantage pour me tenir à distance de la vieillesse. Provisoirement.
Bonne soirée à toutes les deux.
Rédigé par : Angèle Paoli | 05 février 2006 à 21:31
Merci beaucoup.
"Pourquoi le vide serait-il sombre ?"
C'est que pour moi le vide, c'est lorsque la couleur n'existe plus, car la couleur c'est la vie (comme j'aimerais la voir d'accord ...mais on peut toujours espérer! Et au moins essayer de la faire devenir comme cela. Avec du courage et de la passion...).
m'enfin je plonge sur le sujet... je reviendrai quand je l'aurai un peu plus travaillé, car ce projet m'intrigue beaucoup...
Rédigé par : elodie | 06 février 2006 à 21:14
Voici un auteur dont je ne connaissais que le nom. Merci Angèle de me le faire découvrir ! J'aime beaucoup ce texte nostalgique et "Ou faut-il déjà, faut-il vraiment, faut-il
descendre vers les rives de la grande eau souterraine ? "
Rédigé par : Nobody | 26 février 2006 à 11:38