Sylvie Fabre G.
par
Sylvie Fabre G.
Vingt ans, et l’été
renverse l’origine
double la vie, les années
herbes sous le vent
de la langue
rien n’a changé.
L’être se précipite
et le temps, grands brûlés.
Sylvie Fabre G., Deux terres, un jardin, Éditions du Pré carré, 2002.
Tu portes en toi une terre
connue, et une, inconnue
qui a ton visage
traits pour traits l’origine.
Deux terres
au présent, un jardin.
Ce qui n’est pas là est là :
un mystère à déchiffrer
en un seul corps.
Sylvie Fabre G., Deux terres, un jardin, Éditions du Pré carré, 2002.
La ville paraît lointaine comme le cœur. Se souvenir est vieillir. Le temps, la distance sont des réalités posées à même la peau. La tienne ressemble au lac creusé sous la tempête. Elle se soumet.
Tu partages en deux la nostalgie, tu touches ta part pour être quitte.
Décembre achève la célébration, là-bas la morsure de la rue, le pain bénit des amants, ici l’eau amère sur la plage, le baptême du sang.
Sylvie Fabre G., Quelque chose, quelqu’un, Éditions L’Amourier, janvier 2006.
Sur la douleur, l’étincelle
ne sépare plus le rêve du rêve
le coeur du sang.
Où te mènent-ils ?
D’une terre l’autre
l’ombre, la peur, le muet
ta mémoire bat le rappel :
je est un pré en pente
extraordinairement menacé.
Sylvie Fabre G., Deux terres, un jardin, Éditions du Pré carré, 2002.
Où es-tu si ce n’est au lieu de ton attente ?
L’hiver a sa floraison. Écoute le bruit que fait la blancheur dans ta tête, enfance, berceau enfleuri de la neige qui cisèle les champs.
Dans la lumière l’année s’éveille, tu t’étends sur des draps encore vierges croyant toute trace à venir. Quelqu’un vit, tu ne sais pas si c’est toi. Les jours retournent à leur aube, ils soulèvent le chagrin, l’enlacent aux racines du temps d’avant. Infime partie quand pousse le tronc qui ramifie le présent. Quelle distance te reste-t-il à franchir ?
Quelqu’un vit, tu ne sais pas si c’est toi. Des pas s’impriment dans ta chair. Leur empreinte est l’inconnu. La question creuse en ses contrées.
Sylvie Fabre G., Quelque chose, quelqu’un, Éditions L’Amourier, janvier 2006.
Ton visage se retourne
se perd dans l’avènement
tu ne sais plus que les lignes
- vacillement ou émoi
déshabillent le poème
aèrent tes mains.
Comment épouser l’écale
de violence ou de lumière ?
La question ne guérit rien
tu étreins sa nudité.
Sylvie Fabre G., La Promesse, in L’Approche infinie, Éditions Le Dé bleu, 2002.
Quelle musique se cherche en nous, inlassable ?
La saison garde la simplicité d’un chant, elle fait du ruisseau filet de sons, dessine au pinceau la partition. Le vent poursuit sa course vive. Petite herbe tout au bord, il épuise le souffle, l’entraîne au plus démuni. Il nous force à faire vœu de renaissance.
Vous consentez, les notes montent, traversent. Tremblées encore, elles s’éveillent dans la voix juste. L’écoute amorce le voyage.
De ton à ton l’année s’élève, son œuvre est grave ; ne sommes-nous pas encore plus seuls d’être soi ?
Contre le vent la peau lutte par frisson, le chant s’arque dans l’émotion. Sa musique nous compose – un accord, dans l’inachevé.
Sylvie Fabre G., Quelque chose, quelqu’un, Éditions L’Amourier, janvier 2006.
La nuit vient, en réserve
garde ton corps, ton âme
assoiffée, descelle le silence
prend l’été à la cime.
Rompue de noir, parle la source.
La lune fléchit sous ses eaux
- porte ouverte de clarté
des oiseaux tracent une courbe
sans déchirure.
Sylvie Fabre G., La Promesse, in L’Approche infinie, Éditions Le Dé bleu, 2002.
Nous ne sommes personne, un nom
pourtant nous est donné.
Contre lui, ange profond, inavoué
nous nous serrons.
Il y a une origine, infime
où nom et corps se rejoignent
déroulent leurs arcanes
extase, plainte ardente
que révèle le poème.
Ton nom touche ta blessure.
Sylvie Fabre G., La Promesse, in L’Approche infinie, Éditions Le Dé bleu, 2002.
L’approche
le retrait, tu t’abandonnes
tu sens le glissement
la chute, l’encre du ciel
le brasier des étoiles, les nuages.
Sont-ils semblables très loin
là-bas ?
Tu t’abandonnes à l’espace
rare, l’approche.
Sylvie Fabre G., La Promesse, in L’Approche infinie, Éditions Le Dé bleu, 2002.
Lumineux poèmes ! L'on aurait envie de les dire à haute voix...
"U chjam'è rispondi" me fait un peu penser aux dainas (prononcer "daïnas") en Lettonie, quatrains composés, récités, chantés et donc transmis ... par les FEMMES.
Voir Dainas et Institut letton.
Rédigé par : Ellise | 31 janvier 2006 à 19:28
Mots rares, choisis, douce musique teintée de nostalgie... les photos aussi sont très belles, elliptiques.
Merci infiniment pour ces moments de rêve, et cette invitation à la découverte, curiosité réjouissante et communicative...
Rédigé par : maryann | 01 février 2006 à 15:33
Merci à toutes deux, maryann et Ellise. Je pense que vos commentaires vont beaucoup intéresser Sylvie, qui, comme vous le savez sans doute, a eu un rôle très actif au sein de la revue Sorcières. Le rapprochement entre le chjam'è rispondu et les dainas ne m'était jamais venu à l'esprit, et, en outre, je ne connaissais pas l'existence de ce recueil. Ellise, vous serait-il possible de mettre en ligne un extrait disons "parlant" pour vous et pour les lectrices et lecteurs de TdF ?
Rédigé par : Angèle | 01 février 2006 à 19:18
Poètes, vos papiers !
Sylvie Fabre G., dont la présence était annoncée pour la soirée du 5 mars [Le Printemps des poètes/Villes sur le bout de la langue/Parvis Poétiques de Marc Delouze] au Grand Parquet à Paris, ne pourra hélas que faire une apparition en coup de vent le premier quart d'heure de la soirée, le proviseur de son établissement scolaire (le lycée de Voiron-en-Isère) ne lui ayant pas donné son accord pour une absence d'un jour. Alléguant pour motiver sa décision que cela créerait un "fâcheux précédent". Nul ne doute que les nombreux et sublimes recueils de poèmes de Sylvie Fabre G. constituent effectivement un précédent sans nom pour la réputation, la tenue et la bonne marche pédagogique de l'établissement où officie Sylvie Fabre G.
Avis donc à tous les enseignant(e)s qui se risqueraient à fréquenter ces lieux interdits ou de mauvaise réputation que sont encore les espaces poétiques. Tout le monde sait par ailleurs que dans la récente affaire Maulpoix/Petit, la hiérarchie n'a apporté aucun soutien de quelque nature à ses enseignants. Poètes de surcroît ! Un comble, vraiment !
Rédigé par : Angèle Paoli | 04 mars 2006 à 01:19
"Vivre, est-ce agir
ou laisser agir ce qui est
et n'est pas
dans un être
où tout commence
par finir ?"
Sylvie Fabre G., Les Yeux levés, L'Escampette Editions Poésie, 2005, page 76.
Rédigé par : Yves | 04 mars 2006 à 14:51
Une simple recherche sur le net, ''corps subtils'' une définition plus précise, et voilà que je me retrouve avec "Sylvie Fabre", je découvre ses mots, sa poésie, comme un aimant, j'en envie et envie de découvrir plus, de la connaître, déjà je l'admire sans vraiment la connaître ....
Que de beaux moments sont à venir, dans la lecture, et en souhaitant pouvoir un jour la rencontrer...
Rédigé par : Stephanie | 05 mars 2010 à 22:50