naît à Rimini (en Emilia Romania).
Lorsque je pense à Fellini (mort à Rome le
31 octobre 1993 à l'âge de 73 ans), je pense principalement à
La Strada, à
La Dolce Vita, à
Otto e mezzo (8 1/2), au
Satyricon, à
Fellini-Roma, à
Intervista et à
Prova d’orchestra. Les images du monde de Fellini se superposent, se chevauchent, se complètent.

Mais j’ai pour
Amarcord (1973) une tendresse particulière. Je revois toujours ce film avec un immense plaisir, partagée entre rire (les scènes de classe sont désopilantes) et émotion. Tous les films de Fellini ont une coloration autobiographique, tous rendent compte de sa fantasmatique, de ses rêves de grandeur et de ses folies. De son regard lucide sur les déviances de la société. Et de sa tendresse pour les femmes.
Amarcord (forme dialectale de « mi ricordo »/« je me souviens ») a ceci de particulier, c’est que Fellini s’y penche sur son adolescence. Et le film entier passe par le filtre de Titta Biondi (Bruno Zanin), le jeune garçon qui le représente.
Les quatre femmes
de

Amarcord est une vaste fresque, dans laquelle le metteur en scène brosse, à travers une foule de personnages contrastés et hauts en couleur, l’histoire de Rimini, alors sous la férule du
fascisme mussolinien (les années 1930). Rimini, ville natale du metteur en scène (représenté par le personnage de l’avocat [Luigi Rossi], l’homme à la bicyclette, contestataire féru d’histoire et d’art). On y retrouve surtout Fellini adolescent, cancre et chenapan, qui damne son père Aurelio (Armando Brancio) par ses frasques. On y croise aussi et surtout les femmes qui éveillent la convoitise du jeune garçon. Et cristallisent ses fantasmes.
Dans
Amarcord, elles sont
quatre. Quatre femmes très différentes. Miranda, la buraliste, la Volpina, la Gradisca.
Miranda Biondi (Pupella Maggio) est la mère de Titta. Gardienne du foyer et des bonnes mœurs de la famille, elle est incontournable, indispensable. Mais l’épouse d’Aurelio, entrepreneur en bâtiment, peut-être belle jadis, a perdu tout pouvoir de séduction tant elle est usée par la vie et déçue par l’amour. Hystérique et ronchonne, souvent au bord de la crise de nerfs, elle vieillit mal et meurt avant la fin du film. Uniquement occupée et préoccupée par les tâches ménagères, elle est entichée de Pataca (Nando Orfei) son frère. Un incapable et un parasite tout juste bon à faire le pitre, à manger comme quatre, à jouer les dandies et à frayer avec les fascistes.
Viennent ensuite les femmes convoitées par l’adolescent.
La buraliste, aux formes plus que plantureuses, toute en croupe et en seins. Titta ne résiste pas à l’envie de lui rendre visite. Mais il est inexpérimenté et rougit un soir, après la sortie de la classe, dans le face à face inégal auquel il a voulu s’affronter. La buraliste (Maria Antonietta Beluzzi), une grosse fausse blonde pleine de fougue et de désirs pour Titta, l’invite à s’approcher et lui plonge la tête entre ses énormes seins. Titta suffoque entre les mamelles qui le faisaient tant rêver. La buraliste se ressaisit, remet de l’ordre dans son tricot étroit et renvoie le jeune godelureau à sa mère avant que les choses n’aillent trop loin. Le galopin file sans demander son reste.
La ville de Rimini compte, parmi ses habitants, les fous et les putains.
La Volpina (Josiane Tanzilli) est une figure dans la ville, au même titre que « la gente per bene ». Elle est la prostituée de Rimini et chacun la connaît. Mais c’est une prostituée « hors la loi ». Elle vit à l’écart des autres. Tous sont passés, un jour ou l’autre, sous ses fourches caudines. Titta aussi rêve d’elle, bien qu’il en ait peur. Il faut dire que Volpina (la renarde) a tout d’une sauvageonne, depuis la tignasse jusqu’aux yeux qu’elle roule pour attirer le chaland entre ses griffes. Et puis, elle a l’air d’une folle la Volpina, elle est un peu dérangée. Elle passe son temps à errer sur les plages désertes à la recherche de son « chat ». Mais nul n’est dupe ! Elle agace les hommes par ses outrances et ses exhibitions. Elle incarne, Volpina, la prostitution sans le vernis. Le dérèglement des sens à l’état de nature. Sans chichis et sans retenue. Volpina a une fille, Aldina (Donatella Gambini). Aldina est tout son contraire, réservée et douce, timide. Ciccio (Fernando De Felice) est amoureux fou d’elle. Mais il ne l’intéresse pas.
Magali Noël (la Gradisca) dans Amarcord
Source
Enfin vient
la Gradisca (Magali Noël). La plus belle femme de Rimini. La plus élégante, la mieux pomponnée, la plus convoitée de toutes les femmes de la ville. La plus tendre, la plus mélodramatique, la plus touchante. Elle est coiffeuse, mais pas seulement. Il ne lui déplaît pas de plaire et elle se laisse admirer. Nul ne lui résiste et chacun porte gravé dans son cœur le sourire de la Gradisca et ses œillades encourageantes. Le soir, elle déambule dans les rues de la ville, parfois avec les nouvelles recrues, invitées par les fascistes.
Titta est amoureux d’elle, de sa jolie croupe surtout, dont les mouvements de houle font monter les vagues de ses désirs. Et il rêve d’obtenir de la belle un baiser. Il va tenter sa chance au cinéma. Et profiter de l’obscurité de la salle pour se rapprocher progressivement de Gradisca. Un siège, puis trois, puis une autre rangée. Il gagne du terrain et finit par se trouver aux côtés de la belle. Qui soupire. De quoi au juste ? D’ennui ? De désir inavoué ? Difficile de tirer des conclusions. Titta, encouragé par ses silences, hasarde une caresse sur la cuisse affriolante. Et Gradisca fait semblant de ne pas comprendre, remet la main du jeune homme à sa place. Rouge de honte, le jeune présomptueux glisse dans les profondeurs du fauteuil et s’efforce de suivre la séance. Finalement, il en est quitte pour s’offrir une bonne petite confession avec « ave » et « pater » en bonne et due forme. Quant à Gradisca, qui ne cesse de rêver de Gary Cooper, elle attend son prince charmant. Elle languit. Et un beau jour, le voilà qui surgit, aussi inattendu que l’immense paquebot de croisière, le Rex, tout illuminé de girandoles et de paillettes, qui fait son apparition au large de la plage. Symbole de pouvoir, de richesse inaccessible et de progrès. La Gradisca se marie. Son départ marque un grand changement. Rien ne sera plus comme avant.
Angèle Paoli
D.R. Texte angèlepaoli
J'ai du mal à apprécier le cinéma italien et Fellini aussi malgré sa renommée. Je sais, ça fait peut-être un peu tâche, mais je ne suis pas certaine qu'il mérite tant d'intérêt. Cependant, je n'admire pas plus certaines pointures du cinéma français (je pense à Lelouch) arrf les goûts et les couleurs...
Rédigé par : tralala | 20 janvier 2006 à 09:33
Cette remarque, qu'en raison de son caractère provocateur, j'aurais aimée plus argumentée, me conduit indirectement à me poser une question. Pour ne pas aimer LE cinéma italien, encore faudrait-il qu'il existe UN cinéma italien ? Quel lien y a-t-il en effet entre Blow-up d'Antonioni, Les Damnés de Visconti, Kaos des frères Taviani, Une journée particulière de Scola, Un thé au sahara de Bertolucci et Théorème de Pasolini ? La même question se pose dans le domaine de la littérature. Voilà un débat tout à fait à l'ordre du jour, et qui plairait à Camilleri, qui ne connaît et ne revendique de l'Italie que les "géniales" différences qui la composent. LE cinéma italien ou LA littérature italienne, ce sont des concepts jacobins à la sauce Berlusconi. C'est vrai que, grâce à la RAI, on va peut-être enfin la voir se réaliser cette impossible Unité italienne. En citant le nom de Camilleri, je me dis par-devers moi que le plus beau film sicilien que j'ai vu, c'est Sicilia ! tourné par deux Français exilés à Munich, puis à Rome, d'après un ouvrage interdit par le pouvoir mussolinien et par le Vatican.
Rédigé par : Yves | 20 janvier 2006 à 17:13