Le
11 janvier 1930, aux Concerts Lamoureux à Paris,
Maurice Ravel dirige pour la première fois l’une de ses œuvres : le
Boléro. Une direction d'orchestre qui contribue à faire de cette œuvre une des pièces les plus populaires du répertoire orchestral. Ce moment a été immortalisé par un croquis de
Luc-Albert Moreau (1882-1948), l'époux d'
Hélène Jourdan-Morhange, la violoniste (amie de Colette) à qui Maurice Ravel dédia sa
Sonate pour violon et piano.
Croquis de Luc-Albert Moreau (1882-1948),
Maurice Ravel au pupitre de Boléro
© de Selva - Tapabor
Commandé par Ida Rubinstein en 1927 (peu avant le voyage de Maurice Ravel aux États-Unis) et créé le 22 novembre 1928, au palais Garnier, sous la direction de Walter Straram, dans des décors et costumes d'Alexandre Benois, le ballet Boléro (initialement appelé Fandango) fait alors scandale. Pour deux raisons : les syndicats ayant empêché les musiciens de l'Orchestre de l'Opéra de jouer sous la baguette d'Ernest Ansermet, et la chorégraphie de Bronislava Nijinska ayant été jugée par trop sensuelle et érotique.
Avec L’Enfant et les sortilèges (1920-1925), les Chansons madécasses (1925-1926), et le Concerto pour la main gauche (1930), le Boléro (composé en grande partie au cours de l'été 1928 lors d'un séjour à Saint-Jean-de-Luz), fait partie de la troisième période de Maurice Ravel. Une période marquée par un certain maniérisme, parfaitement maîtrisé par le compositeur. Fasciné par l’Espagne et par la singularité de la musique arabo-andalouse, Ravel reprend de manière itérative et en crescendo un thème uniforme (« tant par la mélodie et l'harmonie que par le rythme », selon les mots du compositeur [1928, in « Une esquisse autobiographique », La Revue musicale, décembre 1938, pp. 17-33]), qui se développe selon de multiples couleurs instrumentales. À mesure qu’avance cet immense ostinato qu’est le Boléro, la flûte et le tambour pianissimo du début de la pièce sont progressivement rejoints par tous les instruments d’orchestre jusqu’à l’apothéose du tutti final. Boléro, une amusette de génie ? C'est du moins ce que laisse entendre Roland-Manuel, le biographe du compositeur.
Angèle Paoli
D.R. Texte angèlepaoli
Le Monde des Livres propose aujourd'hui un grand article de Patrick Kechichian sur le livre de Jean Echenoz, intitulé Ravel, "un roman, un véritable roman, gorgé de vie et de mort, d'inquiétude, de mystère et de fantaisie, dont le héros est un compositeur français célèbre, Maurice Ravel".
J'extrais de l'article à propos précisément du Boléro ("ce petit truc en ut majeur") cette citation : "il sait très bien ce qu'il a fait, il n'y a pas de forme à proprement parler, pas de développement ni de modulation, juste du rythme et de l'arrangement. Bref, c'est une chose qui s'autodétruit, une partition sans musique, une fabrique orchestrale sans objet, un suicide dont l'arme est le seul élargissement du son". De quoi donner envie de se précipiter sur ce livre!
Rédigé par : Florence Trocmé | 13 janvier 2006 à 11:29
Merci Florence. En effet, cette note donne très envie de lire le roman Ravel de Jean Echenoz.
Ravel qui disait lui-même de Boléro: " Voici un morceau que les grands concerts du dimanche n'auront jamais le front d'inscrire à leur programme; qu'en pensez-vous? " Et Roland-Manuel, auteur d'une biographie de Ravel que vous connaissez sûrement, d'ajouter: "Et chacun de nous pensait exactement comme lui..." (Gallimard, 1948, p. 122). Le Boléro, un "étonnant carroussel de timbres" que Ravel dirigeait d'un "geste sec, dans un mouvement modéré, presque lent et rigoureusement uniforme ".
Il arriva même un jour que, Toscanini dirigeant Boléro, Ravel reprit le grand chef italien, "du ton dont on reprend un écolier, sur l'allure beaucoup trop vive qu'il imprimait" à son Boléro (id., p. 123). Mais il est vrai que l'humeur de Ravel était alors altérée par la maladie et par ses longues nuits de noctambule, qui ne lui laissaient aucun répit.
Rédigé par : Angèle Paoli | 14 janvier 2006 à 13:43