SEXTINE III
More cum’è nasce u ghjornu
À l’usciu di a vita vera ;
Incide a petra à filari
Di gioia a di guai amari ;
In mè ùn spusterà la sera
Fin ch’è t’ùn mi faci ritornu…
Vogliu scrive lu to ritornu
À mezu à un sprichjà di ghjornu,
Scialbà u lume à cor di sera.
Puru si a fola ùn hè vera
Annigà li penseri amari
In l’acque di li mio filari…
Trà mè è tè quanti filari !
Mà l’inguernu face ritornu
Palisendu ricordi amari…
È ne piove nantu à u ghjornu
Di a nostra prumessa vera…
Eccuti l’arcu di a sera !
Navicella appesa à la sera
Chì schjarisci li mio filari
Cunfina pè a strada vera
E sperenze d’ogni ritornu !
In lu cristallu di u ghjornu
Svanischinu li sogni amari !
Sò di più chè lu fele amari
Sò li silenzii in la mio sera ;
Balsamu di u primu ghjornu,
Allusingu di issi filari
Chì mi conta lu to ritornu
À l’alba di a mossa vera...
Cunsumà passione vera
Senza ma più curdogli amari…
Imbellita fammi ritornu !
O s'amoglinu pè la sera
I detti di tanti filari
Ch’annivuleghjanu lu ghjornu…
TORNADA
U ghjornu sarà in la so vera
Di lu to ritornu è la sera
Cùn ella trascinerà tutti li filari amari…
Mourir ainsi que naît le jour
À la porte de la vraie vie ;
Graver le roc avec des phrases
De mots de joie de peine amère
En moi toujours sera le soir
Avant le jour de ton retour !
Je veux écrire ton retour
Comme un jaillissement du jour
Lumière étale dans le soir !
Même si la fable n’est vraie
Noyer là nos pensées amères
Dans l’océan des mots en phrases…
Entre nous combien de ces phrases !
L’hiver de face et de retour
Dénonce un souvenir amer ;
La pluie qui tombe sur le jour
De la promesse encore vraie ;
Le voici l’arc-en-ciel du soir !
Nacelle suspendue au soir,
Ô toi qui éclaires mes phrases !
Aux confins de la route vraie,
Effleure l’espoir des retours !
Dans la cristallité du jour,
Disparaissez songes amers !
Ils sont plus que le fiel amer :
Ils sont les silences du soir,
Les fragrances du premier jour,
Le charme et la magie des phrases
Qui me racontent ton retour
À l’aube du mouvement vrai…
Consumance passion vraie
Sans jamais plus le deuil amer ;
Clair d’embellie fais-moi retour !
Que s’échoue enfin dans le soir
Les mots dits que tracent les phrases !
Ils sont la brume de mes jours…
TORNADA
Le jour sera ton vrai retour
Et le soir avec lui traînera
Toutes les phrases amères.
Patrizia Gattaceca, A Paglia è u focu/La Paille et le feu (édition bilingue), Les Belles Lettres, Collection Architecture du verbe, 2000, rééd. 2005, pp. 38-43. Transcription du corse par Francis Lalanne.
COMMENTAIRE DE PIERRE LARTIGUE
(auteur de L'Hélice d'écrire. La sextine, Les Belles Lettres), dans la postface du recueil (pp. 91-92)
« Parmi les formes pratiquées par Dante et Pétrarque il faut ici compter un poème en terza rima, trois sonnets et quatre sextines. La première sextine est d’une permutation brouillée ; la seconde, d’une permutation observée rigoureusement sauf pour la tornada. La troisième et la quatrième sont de permutation parfaite. Patrizia Gattaceca a sans aucun doute ses raisons de procéder ainsi diversement, mais il faut souligner que les mots-rimes de ses sextines ne riment jamais entre eux comme fit Pontus de Tyard. Cette forme garde donc sa parfaite efficacité jouant du retour des sons proches et lointains. Ainsi la sextine se révèle une structure parfaitement accordée au chant obsessionnel de l’amour qui monte dans le lamentu. « E so parolle si cunfondenu cum’è a paglia è u focu in u fume di a so abracciata… » « Et leurs paroles se confondent comme la paille et le feu dans la fumée de leur étreinte… »