Ph., G.AdC
NAGER…
Nager, m’éloigner lentement aux cycles de mes brasses,
Nager, frôler lointain les silences salins,
Rouiller mes souvenirs, émietter leurs tortures.
Nager, caresser la tiédeur des mouvances affectives,
Nager, oubli des lettres au déroulé des membres,
S’épanouir dans les fluides inondés de pâleur.
Nager, déchirer dans les lames les regrets immobiles
Découvrir un courant lui confier ma dérive
Offrir des pleurs au large, qu’il les terre ! Oublier…
Nager, nager vers la lueur que seule la mer éteint…
Jean-François Agostini, Contre-jour, Les Presses Littéraires, 2005, page 33.
Né à Paris en 1955, Jean-François Agostini vit à Fiori, dans le sud de la Corse. Il est membre de la Société des Poètes Français. Amoureux de la langue et de sa musicalité, Jean-François Agostini compose une poésie teintée de nostalgie, qui oscille entre lyrisme et modernité. Le recueil Contre-jour a été récompensé par la ville de Cabriès en 2005.
Recueils publiés :
- Contre-jour (Les Presses Littéraires, 2005)
- Presqu’il (Les Presses Littéraires, 2006)
- Devenir un jour vent (Editinter, 2006. Prix de l'édition du Val de Marne)
- La Rive adverse (Souffles, 2007. Grand Prix de Poésie des Écrivains méditerranéens)
- Era ora (Les Presses Littéraires, 2008)
- Tyrrhéniennes (Éditions Henry/Écrits des Forges, 2009. Prix des Trouvères 2008. Grand Prix de Poésie de la ville du Touquet)
- C'est ou (Les Presses Littéraires, 2011)
- Généalogie de l’algue (Éditions Jacques Brémond, 2011)
- Quelques mots en l’air pour ne pas dire (Colonna Edition, 2011)
- Vox viatores quaerit (Les Presses Littéraires, 2012)
- La mer la poésie I (Les Presses Littéraires, 2014)
- Chemin des petits hôtels (Les Presses Littéraires, 2015)
- Autoportrait - Linéaments (Atelier des Grames, 2016)
- La mer la poésie II (Les Presses Littéraires, 2017)
- La mer la poésie III (Les Presses Littéraires, 2018)
- Nuit inverse (Éditions Jacques Brémond, 2018)
merveilleuses sensations... tout est dit, et pourtant on voudrait prolonger, multiplier les métaphores, rester encore un peu 'ailleurs', les souvenirs affluent, bonheur fugace de s'imaginer sirène...
plaisir de parcourir des fragments d'oeuvres, de découvrir des auteurs, d'en retrouver de plus familiers, merci infiniment
maryann.
Rédigé par : maryann | 13 décembre 2005 à 15:31
Merci Maryann,
Partager la mer et les mots jusqu'à extinction des sens...
Rédigé par : Jean-François Agostini | 13 décembre 2005 à 18:29
Petit message en réaction à la réponse de JF Agostini au post de Maryann :
Je rebondis sur cette fin de phrase : " ... jusqu'à l'extinction des sens" et me pose la question de savoir si cela est possible, voire souhaitable. Notez que je ne dispute pas la réponse en soi mais le choix des mots que je trouve par ailleurs très beaux, mais qui m'intriguent et me font réagir.
Amitiés.
Rédigé par : pascale | 14 décembre 2005 à 08:51
Pascale, cette phrase m'a aussi intrigué. J'ai immédiatement songé aux Quatre nobles vérités de l'enseignement du Bouddha et à l'ataraxie de la doctrine d'Epicure (cf. le De rerum natura de Lucrèce). Mais je ne sais où se situe exactement la "sagesse" de Jean-François Agostini ? Peut-être nous répondra-t-il ? A mon sens, une petite partie de la réponse est dans le texte d'Angèle : « En ce lieu qui l’enfante » (Andrée Chedid).
Rédigé par : Yves | 14 décembre 2005 à 11:03
«...praepandare clara lumina menti...» mais il ne s'agit pas de cela, puisque "lueur". Extinction des sens pour retrouver l'essence. Ce qui précède le néant.
Seule la Mer enseigne par le rythme de ses tournois de vagues...
Merci
Rédigé par : Agostini Jean-François | 14 décembre 2005 à 14:16
Jean-François AGOSTINI se présente ainsi :
"Je suis corse, je n’ai donc aucun mérite à me déclarer poète, chez nous, il suffit de lire les âmes et de recopier les paysages pour l’être."
_______________________________
L'enfer c'est moi /JF Agostini
La boite à lettres est vide.
L'ultime souffle bleu de ton amour s'éteint,
L'automne sur mon être, jaunit ta dernière lettre,
Comme une feuille morte.
Je la lis, la respire, la relis, la récite.
Naufrage des sentiments par désunion tacite.
L'enfer, c'est toi.
Le répondeur est muet.
Ton tout dernier message, juste trois mots solfiés:
"Tu es là ?" Trois notes pour un requiem.
Je t'écoute, l'écoute et ne l'efface pas.
L'enfer c'est toi.
J'allume l'ordinateur.
Mon fond d'écran, c'est toi.
Tu cours sur une plage,
Lorsque j'étais ton roi.
Mais cette voix métallique diabolise l'image:
"Vous n'avez pas de nouveaux messages."
L'enfer, c'est toi.
Je descends l'escalier, pénètre l'avenue,
J'emprunte nos derniers pas,
Je cherche les empreintes de ton passé en moi,
Je ne trouve que le vent de ton présent sans moi
Et je marche à rebours.
L'enfer, c'est toi.
Je te lis, je t'entends,
Je te devine, te sens,
Je te respire, t'espère,
Je te cherche et m'absente,
Je m'exile, tu déferles.
Une dernière vague.
Je m'enferme.
L'enfer, c'est moi.
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Je suis aussi corse, comme tout le monde le sait ici, fier parfois de l’être, et, en lisant cela, d’avantage encore !
Pace e salute a te Ghjuvan-Francescu
Guidu________
Rédigé par : Guidu | 14 décembre 2005 à 14:26
Grazia a tè o Guidu,
Oui sincèrement pour tous ces portraits de femmes que j'ai aimé(e)s et que j'aimerai jusqu'à extinction de...
Ci-dessous un poème que j'ai écrit pour Marie Ferranti, à la suite d'une longue et amicale conversation sur la littérature.
À Marie Ferranti
L'Archée des Agriates
Avez-vous déjà volé un plaisir aux Dieux un courrier englouti
Offert aux astéries croisé le regard d'un vol de lions sans crécelles ?
Ce jour-là j'étais une foule entière au bord d'une grande auteure
D'emblée elle me parla de Mohrt…Elle ouvrit son sac à la recherche
De sa penne perdue je lui proposai de partager la mienne
Présomptueux je m'en voulus Sa main glissa du bleu sur le noir
Gallimard et je perdis la trace de Francesco de Barbara et du
Chasseur de Nyx Je ne fis plus que lire la voix des mots laurés
La Pietà Rondanini m'apparut alors Un frisson m'agrippa
Je mordis mes lèvres elle s'en aperçut Oui Elle seule en serait capable
Peut-on cueillir des voyelles aux Agriates sans être Polymnie ?
………………………………………………………………………..…...
Ne l'écoutez pas parlez plus fort descellez la pierre pour qu'enfin
Michel-Ange se réveille…
Le 20 mai 2004
Rédigé par : Jean-François Agostini | 14 décembre 2005 à 17:57
Pour lire un poème de Jean-François, traduit en corse par Stefanu Cesari, se rendre sur le blog Gattivi Occhja. Un blog sobre et exigeant que je lis en boucle.
"Un lac, une main sont chapelles à nous recueillir, à respirer
la certitude, lieux et doigts dénoués noués dans la
rencontre de quelqu’un ou quelque chose." (Sylvie Fabre G., Quelque chose, quelqu'un, L'Amourier).
Rédigé par : Webmestre de TdF | 26 octobre 2007 à 22:23