Image, G.AdC
44 Fontenoy Street, Dublin.
Noretta mia ! J’ai reçu ce soir ta lettre pitoyable où tu m’annonces que tu sors sans dessous. Je n’ai pas eu 200 couronnes le 25 mais seulement 50, et à nouveau 50 le 1er. Assez parlé d’argent. Je t’envoie un petit billet, espérant qu’il te permettra de t’acheter au moins une jolie culotte à volants, et je t’en adresserai d’autres lorsqu’on me paiera à nouveau. J’aimerais que tu portes des culottes à trois ou quatre volants superposés aux genoux et sur les cuisses, avec de grands nœuds de ruban cramoisi, j’entends : non pas des culottes d’écolière avec une bordure de dentelle minable, serrant les jambes et si légères qu’on voit la chair à travers, mais des culottes de femme (ou, si tu préfères) de dame, avec un fond grand et large et des jambes dégagées, tout en volants, dentelles et rubans, et si chargées de parfum que lorsque tu les montres, en relevant ta robe vivement pour faire quelque chose ou bien en te caressant gentiment pour que je t’enfile, je ne puisse voir qu’une masse gonflante d’étoffe blanche et de volants, et que, en me penchant sur toi pour les ouvrir et te donner un baiser brûlant et lubrique sur ton cul tout nu de polissonne, je puisse sentir le parfum de ta culotte aussi bien que la chaude odeur de ton con et celle, lourde, de ton derrière.
T’ai-je choquée avec les saletés que je t’ai écrites. Tu penses peut-être que mon amour est chose immonde. Il l’est ma chérie, à certains moments. Je rêve de toi parfois dans des poses obscènes. J’imagine des choses si sales que je ne les écrirai pas avant d’avoir vu comment tu écris toi-même. Les plus petites choses me font terriblement bander - un mouvement putassier de ta bouche, une petite tache marron sur le fond de ta culotte blanche, un mot sale que crachent tout à coup tes lèvres humides, un bruit impudique que tu fais derrière, suivi d’une mauvaise odeur qui monte en volutes de tes fesses. En ces moments-là, je désire comme un fou le faire d’une manière cochonne, sentir tes lèvres brûlantes et lubriques me suçant à n’en plus finir, jouir entre tes nichons aux bouts roses et juter sur ton visage, giclant sur tes joues et tes yeux brûlants, te le flanquer entre tes fesses et t’enculer.
Basta per stasera !
J’espère que tu as eu mon télégramme et que tu l’as compris.
Adieu, ma chérie que j’essaie de dégrader et de dépraver. Comment, AU NOM DU CIEL, peux-tu bien aimer un individu de mon espèce ?
Oh, que j’ai hâte d’avoir ta réponse, ma chérie !
JIM.
James Joyce, Choix de lettres, in Œuvres Gallimard, Bibliothèque de La Pléiade, tome I, 1982, pp. 1277-1278.
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NOTE d'AP : c’est aussi un 6 décembre, le 6 décembre 1933, qu’Ulysse de Joyce a reçu l’autorisation officielle de paraître aux Etats-Unis. Plusieurs fragments de l’ouvrage étaient déjà parus entre 1918 et 1920 dans The Little Review, dirigée par Margaret Anderson, à qui, à la suite de cette publication, a été intenté un procès pour immoralité (en octobre 1920) par le comité Sumner (« Comité de décence »). La première édition en anglais d’Ulysses est parue à Paris en 1922. Chez Silvia Beach, rue de l’Odéon.
Et moi qui ne connaissais de James Joyce que l'austère A Portrait of the Artiste as a Young Man, je lui découvre ici une autre face.
Intriguée, je suis allée chercher de plus amples renseignements et ai trouvé, entres autres sites, celui ci-dessous fort complet (pour anglophones, only, désolée !).
Rédigé par : pascale | 07 décembre 2005 à 08:44
Alors, il est revenu le Post-it Express ? Tant mieux !
Rédigé par : pascale | 07 décembre 2005 à 08:48