Henri Matisse naît le 31 décembre 1869 au Cateau-Cambrésis, ville du Nord de la France. Il mourra le 3 novembre 1954 à Nice. ![]() Fils d’un marchand de grain, destiné à succéder au commerce de son père, Henri Matisse abandonne le droit pour la peinture. Très tôt, le jeune homme quitte l’atelier parisien de Gustave Moreau et ses amis peintres Marquet et Rouault. Il se libère peu à peu de l’influence de ses maîtres, Corot et les impressionnistes, Cézanne et Van Gogh. Il abandonne le Nord et ses soleils voilés pour le Sud de la France. Et le choc de la lumière. Un choc qui oriente l’art du peintre et sa vision du monde. Un univers paradisiaque où dominent durablement plénitude solaire et couleur. Marqué dès 1906 par un bref séjour à Tanger, puis par ses voyages successifs au Maroc, Henri Matisse reprend inlassablement le thème de l’odalisque, qui lui permet toute une série de variations sur la femme orientale montrée dans son intérieur. Matisse, coloriste de génie, joue avec bonheur sur les motifs des tissus, des objets, des décors. Et réactualise le rêve oriental de l’odalisque, un grand classique de la peinture depuis Ingres. Henri Matisse, L’odalisque au fauteuil turc, 1928 Huile sur toile, 60 x 73 cm, Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris Source L’ODALISQUE AU FAUTEUIL TURC Allongée sur son divan bleu, la belle lascive rêve, abandonnée à l’oisiveté de sa pose alanguie. Le coude appuyé sur un fauteuil, la tête reposant nonchalamment dans sa main, la jeune femme, les yeux fixés dans le lointain a délaissé le damier posé à ses côtés. Ainsi que son nécessaire à thé. Le bel ovale pâle de son visage est soutenu/souligné par la lourde torsade d’une natte noire. Une expression de vague nostalgie erre alentour d’elle. Pourtant, les formes généreuses, le galbe des hanches et du mollet — que souligne un bracelet de perles —, la tendresse lactée de la peau évoquent les indicibles voluptés de l’Orient. L’opulence des motifs floraux, le désordre apparent des objets et des formes, les bijoux et le choix des tissus, tout ici parle des femmes du harem. Une étrange douceur baigne cet intérieur clos. Se diffuse et gagne l’ensemble de la toile. Qu’irradie le bleu du ciel. Angèle Paoli D.R. Texte angèlepaoli ________________________ * Attesté à partir de 1624, le terme « odalisque » est un emprunt du mot turc « odalik » qui désigne une concubine rattachée au harem ottoman. |
MATISSE Henri Matisse Autoportrait, 1918 Collection du Musée Matisse, Le Cateau-Cambrésis ■ Matisse sur Terres de femmes ▼ → 11 juillet 1904 | Matisse à Saint-Tropez → 6 janvier 1963 | Inauguration du musée Matisse à Nice ■ Voir aussi ▼ → (sur Memorial de artes) de nombreuses reproductions des toiles de Matisse |
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Commentaire de commentaire
Je relis mon commentaire et je vois que j’ai commis, ici et là, approximations et omissions. Il me faut donc apporter quelques correctifs et tenter d’élaborer un complément d’analyse.
En réalité, ce qui m’a fasciné et me fascine encore dans cette toile - au point de tromper mes sens -, c’est que je lui ai d’emblée associé le bleu comme couleur dominante, et par surcroît le bleu du ciel. Paradoxe que pourtant je revendique, même si la scène est une scène d’intérieur, enclose sur sa propre luminosité.
Je m’explique : Le divan, que je voyais bleu, ne l’est pas. Il est vert et bien vert. Un vert mis en relief par les motifs orangers qui ondulent sur fond noir, le long du sofa. La tapisserie qui sert d’arrière-plan au tableau est à dominante rouge, un rouge vermillon agrémenté de larges taches florales ourlées de noir et d’or. Cependant, l’une de ces taches, dans l’angle droit de la tapisserie est bleue. Un bleu violine que l’on retrouve à l’autre extrémité de la toile, dans les biseautages de la théière. Un bleu violine qui occupe le centre de la toile, dans l’épanouissement du pantalon bouffant. Dès lors, le bleu violine envahit l’espace tout entier. Depuis les plicatures de la large culotte, il remonte sur la ceinture et le boléro. Rebondit de la théière jusqu’à l’esquisse florale. Au point de se substituer, comme par synecdoque, à tous les autres coloris. Qui se fondent, comme par magie, dans le décor. Et s’estompent.
Pourtant, Matisse n’a pas retenu le bleu pour caractériser cette odalisque. Il lui a préféré le « fauteuil turc ». Sans doute pour introduire des variantes dans les intitulés qu’il associe à ses œuvres. (L’Odalisque au pantalon rouge date de 1921). Peut-être aussi pour éviter la redondance entre le titre et l’œuvre. Enfin pour détourner l’attention de la couleur vers l’objet. De l’élément dominant vers l’élément second, plus anecdotique. C’est cet habile déplacement, forçant le regard à se détacher de ce qui le cristallise, qui donne à la toile sa mystérieuse ampleur.
Rédigé par : Angèle Paoli | 31 décembre 2005 à 20:09
«…abandonnée à l’oisiveté de sa pose alanguie. Le coude appuyé sur un fauteuil, la tête reposant nonchalamment dans sa main, la jeune femme, les yeux fixés dans le lointain…»
Cela me rappelle quelque chose, cara Anghjula !
Guidu, di ritornu di a Corsica …
Pace è salute a tutti !
Rédigé par : Guidu | 03 janvier 2006 à 11:42
« Nul ne saurait dire son désir.
Chaste en dépit de ses parades, ses mouvements de hanches, ses colères, ses langueurs, ses outillages de grues et de balises, ses coques et ses carènes, elle dissimule au plus profond du beau milieu de soi quelque bourgeon de rose ou d’algue qui ne s’entrouvre pour personne, hormis les doigts agiles des anges aux ongles fins. »
Jean-Michel Maulpoix, Une histoire de bleu, Poésie/Gallimard, 2005, page 130.
Rédigé par : Yves | 03 janvier 2006 à 12:56