Editions du Rocher, 2005.
Image, G.AdC
Pour ceux qui ont connu, approché et aimé Pier Paolo Pasolini, le 30e anniversaire de sa mort est l’occasion de revisiter et d’interroger l’œuvre poétique, romanesque et cinématographique du « poète assassiné ». René de Ceccatty, essayiste, traducteur et romancier, grand admirateur de Pasolini pour ne pas dire grand adulateur, lui consacre dans le même temps une biographie et un recueil d’articles intitulé Sur Pier Paolo Pasolini. Tous deux récemment édités. Dans Sur Pier Paolo Pasolini, René de Ceccaty rassemble en effet différents articles et textes de conférence précédemment parus, parfois enrichis par des ajouts de l’auteur. À l’intérieur de cet ouvrage composite, le lecteur retrouve des idées déjà développées ailleurs, et sans doute aussi, nombre de redites et de répétitions. Dont l’auteur s’explique dans le chapitre intitulé « Vérité perdue ». C’est dire si cet ouvrage constitue pour René de Ceccatty une totale relecture de l’œuvre polymorphe de Pasolini. Mais il est aussi pour lui l’occasion de revenir plus en détail sur sa relation avec le poète italien. Une véritable passion, jamais éteinte, inépuisée, qui continue d’orienter la réflexion et la création de l’écrivain français. Pier Paolo Pasolini, maître à penser de René de Ceccatty ? À découvrir l’influence considérable, toujours vivante et vivace de l’écrivain italien sur l’écrivain français, c’est la question que se pose continûment le lecteur. En dehors de cet aspect relationnel, René de Ceccatty évoque dans la dernière partie de l’ouvrage les relations de Pasolini avec ses amis de longue date. En particulier, Alberto Moravia et Laura Betti, qui l’ont soutenu de son vivant et défendu avec passion après sa mort. Mais au-delà du rappel des circonstances tragiques et mal élucidées de la disparition de Pasolini, retrouvé mort assassiné dans la nuit du 1er au 2 novembre 1975, Sur Pier Paolo Pasolini est l’occasion pour l’essayiste de revenir sur le rapport que Pier Paolo Pasolini entretenait avec les diverses formes d’écriture narratives, à ce qui a conduit Pasolini de la poésie au roman puis de l’écriture romanesque à l’écriture cinématographique. Fasciné par le rapport complexe qui lie l’écriture au réel, Pasolini ne cesse de s’interroger : « Comment exprimer le réel sans médiation ? ». Question obsessionnelle que ses tentatives théoriques n’épuisent pas et qui conduisent Pasolini à interroger tour à tour poésie, roman et cinéma. Qui est, pour lui, LE « langage de la réalité ». Chez Pasolini, le choix d’une écriture est toujours lié aux expériences de vie, aux répercussions du social et du politique sur la perception que le poète a de la réalité. Depuis les poèmes de la jeunesse frioulane (de 1940 à 1950), Poesie a Casarsa, jusqu’à Petrolio, le roman qu’il était en train d’écrire, en passant par l’essentiel de l’écriture romanesque, liée à l’expérience romaine (I Ragazzi, Una vita violente). Cependant, pour Pasolini, la réalité, qu’elle soit naturelle, politique, sociale, ou encore religieuse, est toujours sacralisée. Selon le poète, « le sens du sacré est ancré dans la vie humaine ». Et, à travers son œuvre narrative, Pasolini s’acharne à représenter ce sentiment du sacré. Au temps des poèmes de jeunesse, le recours à la langue dialectale du Frioul offrait à Pasolini la possibilité de traduire son adéquation à un monde originel vénéré. Plus tard, le choix de l’écriture onirique pour certains de ses films jouera le même rôle (Uccellacci e uccellini). Reste la métaphore sexuelle. Métaphore filée, essentielle et fondatrice, qui, elle, parcourt l’œuvre entière de Pasolini. Peut-être l’oeuvre entière de Pasolini n’est-elle d’ailleurs qu’une sorte de gigantesque Diario, constituée de fragments de vie, sans cesse repris et explorés sous des formes narratives renouvelées. Un immense journal intime qui chercherait à rendre compte de la réflexion du livre en train de s’écrire. Portée par une sexualité omniprésente, tantôt lumineuse et jubilatoire (Poesie di Casarsa), tantôt sombre et marquée par la culpabilité (Ragazzi di vita), ou encore transcendée par l’expérience mystique (Théorème). Ce que le lecteur redécouvre à la lecture de l’ouvrage de René de Ceccaty, c’est l’ampleur de l’œuvre de Pasolini : sa diversité et sa complexité. Une complexité que les classifications traditionnelles ne permettent ni de cerner ni de « hiérarchiser ». Mais au-delà de cette complexité, une profonde unité se dégage. Tout dans la vie et l’œuvre de Pasolini converge vers Petrolio. Son roman inachevé, pour cause d’assassinat. Angèle Paoli D.R. Texte angèlepaoli |
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Salve Angela,
L'œuvre de Pasolini comme un journal intime géant… Intéressant. Audacieux même : je vois peu d'intimisme dans ce que j'ai vu ou le peu que j'ai lu de lui. Mais il est vrai qu'il se met aisément en scène. Nuance, peut-être.
Quoi qu'il en soit, je vous rejoins sur le rôle central, moteur, irradiant du désir dans son oeuvre ; plus que le désir même, de l'Eros.
A la prossima !
Don Diego
Rédigé par : Don Diego | 26 novembre 2005 à 13:09