Le 27 novembre 1933, Billie Holiday, « Lady Day », enregistre pour la première fois à New York, accompagnée par une formation de studio sous la direction de Benny Goodman.
C'est en 1933 que John Hammond entend pour la première fois Billie Holiday dans un des clubs de Harlem. Dont le Log Cabin où elle vient d'être engagée comme « chanteuse au pourboire », après audition au sortir de prison. Billie vient en effet de purger quatre mois de prison à Welfare Island. Pour prostitution. Impressionné par le talent de la chanteuse, John Hammond organise tout aussitôt une séance d’enregistrement après avoir fait appel (la veille même de l'enregistrement) à Benny Goodman et son orchestre. Billie interprète notamment Your Mother's Son-In-Law et Riffin' The Scotch. Plusieurs séances d’enregistrement suivront, parmi lesquelles : - celle du 2 juillet 1935, avec l’orchestre de Teddy Wilson (avec Ben Webster, Lester Young et Johnny Hodges); - celle du 10 juillet 1936 (formation de Bunnie Burrigan, avec Artie Shaw à la clarinette); - celle du 20 avril 1939, où elle enregistre deux de ses plus grands chefs-d’œuvre : Strange Fruit et Fine and Mellow. Avec Frankie Newton à la trompette.
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BILLIE HOLIDAY Source ■ Voir aussi ▼ → (sur nonsoloproust) la note de Gabriella Alù (en italien) sur Billie Holiday |
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Voici la fiche que vient de me faire parvenir à l'instant mon ami Jacques Chesnel (Hey man !!! merci à toi, Jacques !)
BILLIE HOLIDAY
Enregistrements 1933–1935
1933
BENNY GOODMAN & his Orchestra
Charlie Shavers, Shirley Clay (trompette), Jack Teagarden (trombone), Benny Goodman (clarinette), Art Karle (saxo tenor), Joe Sullivan (piano), Dick McDonough (guitare), Artie Bernstein (contrebasse), Gene Krupa (batterie)
- Your mother son in law (27 novembre)
- Riffin’ the scotch (13 décembre)
1935
* TEDDY WILSON & his Orchestra
Roy Eldridge (trompette), Benny Goodman (clarinette), Ben Webster (saxo tenor),Teddy Wilson (piano), John Trueheart (guitare), John Kirby (contrebasse), Cozy Cole (batterie
2 juillet:
- I wished on the moon
- What a little moonlight can do
- Miss Brown to you
- A sunbonnet blues (sans Goodman)
* TEDDY WILSON & his Orchestra
Roy Eldridge, Cecil Scott (clarinette), Hilton Jefferson (saxo alto), Ben Webster, Teddy Wilson, Lawrence Lucie (guitare), John Kirby, Cozy Cole
31 juillet
- What a night
- I’m painting the town red
- It’s too hot for words
* Roy Eldridge, Benny Morton (trombone), Chu Berry (saxo tenor), Teddy Wilson, Dave Barbour (guitare), Joh Kirky, Cozy Cole
25 octobre
- Twenty four hours a day
- Yankee Doodle never went…
- Eeny meeny miney do
- If you were mine
Dick Clark (trompette), Tommy Mace (clarinette), Johnny Hodges (saxo alto), Teddy Wilson, Dave Barbou, Grahal Moncur (contrebasse), Cozy Cole
- These’n that’s those
- You let me down
- Spreadin’ rhythm around
A lire:
Lady sings the blues par Billie Holiday & W. Dufty (Parenthèses)
Billie Holiday par Sylvia Fol (Folio Biographies)
Les Chants de l’aube de Lady Day de Danièle Robert (Rouge profond)
Lady Day d'Alain Gerber (Fayard)
PS Ah j'oubliais, la dernière chronique de Jacques sur Sitartmag !
Rédigé par : Webmestre de Terres de femmes | 27 novembre 2005 à 18:34
Une voix qui m'envoute du velours de ses graves, dans le satin de ses tons chauds, sensuelle devenue divine.
Et puis hâte de me retrouver là quelques jours avant Noël. Comme un enfant, je piaffe d'impatience, face au paquet cadeau.
Rédigé par : chrysalide | 27 novembre 2005 à 22:12
Cela fait vraiment plaisir, Chrysalide, de vous relire ici.
Oui, il y en a plus d'un(e) autour de moi que cette "voix de satin" fait pleurer.
J'attends que Guidu me fasse parvenir un portrait "de sa manière". Tel que je le connais, cela ne devrait pas tarder.
Je vois que les fêtes de Noël s'annoncent sous les meilleures auspices...
Amicizia et @ prestu,
Angèle
Rédigé par : Angèle | 28 novembre 2005 à 12:38
Ca y est, je viens de mettre en ligne le superbe portrait de Billie interprété en "live" par Guidu.
And now, Billie sings for Guidu : Lover man. [Source audio]
Rédigé par : Webmestre de Terres de femmes | 28 novembre 2005 à 13:37
Merci cher Webmaster pour la voix bouleversante de la très émouvante Billie !
Ci dessous un texte que j’écrivais alors que je fréquentais le show business comme photographe … En ce temps-là, le Jazz était considéré par les plus jeunes comme quelque chose de rétro, "vintage" diraient les djeunes aujourd’hui, ceux qui aiment le rap qui doit tout au jazz !
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PORTRAIT D’ERIC COSTELLO, PRODUCTEUR PHONOGRAPHIQUE DES ANNEES 70
Une tache de soleil éclaire le couvre-lit, les chiffres sur le cadran du réveil scintillent. Dans la chambre, la lumière crue estompe le contraste du lit avec le parquet. Eric écarquille les yeux, ses tempes palpitent de migraine, sa bouche est pâteuse, il a la nausée. il murmure :
"Merde ce mal au crâne, j'ai trop bu hier soir, fameuse sa coke… quel talent celle-là … Incident nucléaire à Fessenheim, bof ils nous font le coup de Three Miles Island, qu'est-ce que j'en ai à braire…"
Dans la rue, le brouhaha de la circulation se fait insistant, la radio grésille un spot publicitaire sur une musique des îles, elle enfonce dans son crâne les effluves d'un bain moussant. Il déteste les réveils forcés. Le pétrole se fait rare. En Afrique, les Généraux paranoïaques s'arrachent la palme au festival du crime. Les Chinois sont aux portes de Hanoï. Bob Dylan agonise de leucémie dans un hôpital californien. Mike Jagger vient de disparaître dans un accident d'avion. Il s'en réjouit. Le monde est malade, overdoses de médias, il en a assez des idées vieilles, il préfère la dérision.
Arrivé dans le hall de l'immeuble, il pousse la porte de l'ascenseur et s'arrête longtemps silencieux devant la glace. Il pose pour la postérité, mais son silence intérieur est fracassant. Il refuse d'être ce qu'il est vraiment, il se condamne lui-même au paraître.
Il ajuste encore une fois sa mince cravate sombre en serrant bien fort le petit nœud qui contraste avec le col étriqué de sa chemise saumon. Son pantalon de cuir très serré et volontairement trop court laisse voir ses chaussettes blanches dans des mocassins larges. Sur le revers de sa veste en tweed large aux épaules étriquées en bas, il règle une dernière fois le badge clignotant que lui a ramené un musicien de Los Angeles. De sa main gauche pend un attaché case en cuir noir et fermeture acier. Il s'admire en ramenant ses cheveux courts sur les tempes et pense qu'à défaut de mourir il lui faut vivre devant un miroir, c'est un oppositionnel lucide, son maintien outré dans le monde est un défi affiché. Il ne revendique aucune cohérence profonde, il est cohérent en tant que personnage. Personnage privé de règles, livré aux instants, aux jours qui passent, à la sensibilité dispersée. Ce rôle suppose un public. L'existence, il ne la reconnaît que dans le visage des autres, les autres sont son miroir.
Il pousse la porte, on entend un rythme très carré qui vient du sous-sol. Il descend les marches et arrive dans le salon qui fait face à la cabine de son. Agnès assise les jambes croisées dans un fauteuil modern-style boit un café dans un gobelet en plastique en lisant Best.
Il ouvre la porte de la cabine en écrasant sa cigarette dans le cendrier sur la table basse. Le son de la batterie s'amplifie et les coups réguliers de la basse font trembler l'espace assez réduit de la cabine.
-"Salut Christophe ! alors qu'est ce que ça donne cette rythmique !?"
Christophe est juché sur un tabouret à dossier, penché sur sa console de mixage. Le visage fatigué, il fume une cigarette, il a travaillé toute la nuit. Chaque coup de grosse caisse ébranle les cercles en caoutchouc des boomers, au-dessus de la table constellée de boutons gradués les voyants rouges s'allument alternativement.
- "Mets un peu moins de réverbe sur la voix et monte un peu la Charley… attends, attends, je vais téléphoner".
Il attrape le combiné et compose un numéro, il attend un long moment, personne ne répond. Christophe a baissé le volume, le magnéto défile en sourdine un chorus de saxophone, puis la voix de Billie reprend le refrain …
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Billie Holiday, c’est ni rétro ni vintage, c’est de l’âme pure qui pleure tout le temps … jusqu’à la fin des temps !
Amicizia
Guidu______
Rédigé par : Guidu | 28 novembre 2005 à 14:59
Avec la voix de Billie qui lance ses notes rocailleuses d’un étage à l’autre de la maison, l’envie de New York la reprend. Plus qu’une envie, un désir. Tenace, précis, incisif. A quand remonte son long séjour à New York ? Quel Noël était-ce donc ? Elle n’a pas le courage de faire l’effort de rechercher l’année, couchée dans un coin ensommeillé de sa mémoire. Tout ce qu’elle se dit, c’est qu’il lui faut trouver de quoi s’offrir un aller-retour. Enfin un peu plus ! Parce que ce qu’elle aime à New York, c’est arpenter la ville, déambuler de jour de nuit dans les vieux quartiers, au rythme strident des sirènes lancinantes. Pour l’occasion, elle s’achète des baskets à hélice, aéroportés. Avec ça, elle peut marcher pendant des heures. Passer au crible le quadrillage de la ville. Sillonner les rues qui se coupent à angle droit. Le nez en l’air, elle se mesure avec les géants qui l’entourent. Pas de danger, elle, c’est une puce, la tête lui tourne en même temps que les nuages qui se déplacent, loin si loin au-dessus d’elle. Elle est emportée dans son vertige, bien au-delà des tours.
Ce soir elle file vers le Village Vanguard. C’est là qu’elle se replie, plusieurs fois par semaine. Kenny Baron au piano. Il faut faire la queue sur le trottoir et remonter haut le col de fourrure. Il gèle à pierre fendre et les fumées qui s’échappent du sous-sol de la ville se sont dangereusement épaissies. Le Vanguard ouvre ses portes et libère la première fournée de groupies. Elle s’engouffre dans les boyaux de la boite de jazz, serrée par la foule des inconnus qui l’entoure. Ce soir, ils s’installent à la table du fond. Il y fait sombre et chaud. C’est ce qu’elle aime. Ils commandent des Rosebud. La salle s'emplit d'haleines lourdes. On se tasse les uns contre les autres. En face d’elle, une femme au visage déjanté, regard noyé dans des brumes indistinctes. Elle se dit qu’elle a dû être belle, mais elle porte le drame de sa vie sur son visage. Elle essaye d’imaginer ses amours, de se glisser dans sa peau. Elle voudrait lui parler mais elle n’ose pas. Et puis, elle va lui répondre qui sait quoi avec un accent incompréhensible. Mieux vaut ne pas se risquer dans une conversation qui de toute façon va devenir inutile. Kenny Baron au piano. Ca commence tout doux. Puis d’un seul coup le mouvement s’accélère, le piano prend de la vitesse. Kenny est couché sur le clavier, ses doigts volent, s’entrechoquent. C’est la défonce totale. Le piano vrombit de toutes ses fibres. La salle comble vibre. Les respirations sont suspendues au-dessus du sol. Les applaudissements fusent selon un rituel qui dessine peu à peu ses formes. La bière coule à flots. La lumière bleue avale les cercles de fumée blanche qui montent au plafond. Demain, tard dans la nuit, ce sera Tommy Flanagan. Au Blue Note. She loves New York.
Rédigé par : Angèle | 28 novembre 2005 à 23:47
Je me suis laissée emporter, que dis-je, transporter au village Vanguard. Superbe texte, Angèle. J'en rêve.
Rédigé par : chrysalide | 29 novembre 2005 à 22:13
Ma chère Angèle,
Te sachant plus familière de la bella lingua italiana que de l'anglais, voici une petite traduction de mon crû de Strange Fruit, traduction imparfaite certes, mais qui devrait cependant suffire à te faire frissonner d'horreur. Fruit étrange peut-être mais pas interdit, encore de nos jours ici et là...
Etrange fruit
"Les arbres du Sud portent un fruit étrange,
Du sang sur les feuilles, du sang à la racine,
Un corps noir se balance dans la brise du Sud,
Etrange fruit pendant des peupliers.
Scène pastorale du noble Sud
Les yeux exorbités et la bouche tordue,
Parfum du magnolia sucré et frais,
Et la soudaine odeur de chair brûlée !
Voici un fruit que les corbeaux peuvent déchirer,
Que la pluie peut récolter, que le vent peut assécher,
Que le soleil peut pourrir, qu'un arbre peut laisser choir,
Voici une étrange et amère récolte."
Rédigé par : pascale | 05 décembre 2005 à 10:28